100 ans de PCF, 125 ans de CGT

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Merci à Patrick Brody de nous faire partager cet article de Médiapart, qui interviewe l’historien Michel Pigenet (université Paris-I Panthéon-Sorbonne). Une bonne réflexion pour commencer 2021, et bonne année de luttes à toutes et tous! 

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«Depuis les années 1990, la CGT traverse mieux la tourmente que le PCF»

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L’historien Michel Pigenet revient sur la lente désaffiliation de la CGT vis-à-vis du PCF, entamée dès la fin des années 1970. Il détaille aussi comment, cinquante ans plus tôt, les communistes français avaient mis la main sur le syndicat né avant eux

Il fut un temps, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 1970, où le Parti communiste français (PCF) considérait la CGT comme son bras syndical naturel, voire comme l’organisation de masse qu’il pouvait contrôler. Les dirigeants de la confédération syndicale étaient aussi membres de la direction du parti, leurs buts et leurs visions du monde étaient alignés.

Mais dès la fin des années 1970, il y a du « tirage », comme le dit Michel Pigenet. L’historien, professeur émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, revient sur le processus de séparation qui a abouti à un « divorce par consentement mutuel ». Il raconte également comment la CGT, active vingt-cinq ans avant la création du Parti communiste français, imprégnée de culture anarchiste et syndicale, est devenue peu à peu l’instrument des bolchéviques, désireux d’« ouvriériser » le parti né en 1920 au congrès de Tours.

En 2019, Michel Pigenet a codirigé, avec Michel Dreyfus, l’ouvrage collectif La CGT en question(s). Regards croisés sur 125 années d’un syndicalisme de transformation sociale (Éditions universitaires de Dijon), mais aussi, avec Sophie Béroud, Élyane Bressol et Jérôme Pélisse, le livre La CGT (1975-1995). Un syndicalisme à l’épreuve des crises (éd. Arbre bleu).

Aujourd’hui, les dirigeants de la CGT sont attentifs à ne pas s’afficher comme suivant les initiatives des partis politiques, et en particulier du Parti communiste. Or, pendant des décennies, la CGT était « la principale organisation de masse du PCF », pour reprendre vos mots. Comment est-on passé d’une situation à l’autre ?

Ils n’affichent pas moins leurs distances à l’égard de La France insoumise, ce qui a suscité quelques frictions en 2017. S’agissant du PCF, le divorce par consentement mutuel a résulté d’une lassitude d’autant plus évidente que l’efficacité d’antan n’était plus au rendez-vous. Sans doute les « torts » étaient-ils partagés, mais l’initiative de la mise à distance est davantage venue de la CGT, soucieuse de ne pas suivre le PCF dans sa chute.

Plus fondamentalement, nombre de syndicalistes, parfois communistes, ont réalisé l’inadéquation croissante des perspectives, modes d’action, recrutements, influence, etc., de la CGT avec ceux du Parti communiste.

 © Capture d’écran / compte Youtube Université Permanente © Capture d’écran / compte Youtube Université Permanente

Cette désaffection remonte-t-elle à la fin des années 1980, avec l’effondrement progressif du bloc soviétique ?

Il faut remonter une décennie plus haut. La question commence à se poser à l’occasion et à la suite du congrès de Grenoble de la CGT, en 1978. Son secrétaire général confédéral, Georges Séguy [qui a dirigé la CGT de 1967 à 1982 – ndlr], entreprend alors un aggiornamento du syndicat. Il pense avoir l’aval de Georges Marchais, mais il réalise trop tard que ce n’est pas le cas.

Il souhaite une séparation des deux organisations ?

Une séparation, non. Mais il constate que le PCF est englué dans la polémique qui suit l’abandon du programme commun avec le Parti socialiste (PS). Communiste, mais chargé de la CGT, il ne souhaite pas que celle-ci colle à la roue du Parti communiste dans sa dénonciation du PS, instrumentalisation dont il perçoit les risques pour la confédération et pour les relations, déjà tendues, avec la CFDT.

Dans l’esprit de Georges Séguy, il est hors de question de rompre avec son parti ; il s’agit, en revanche, d’affirmer la spécificité et l’autonomie de la CGT. De lui permettre de se déterminer sur la base de ses orientations et objectifs propres.

On dit souvent que Georges Séguy a payé cette volonté d’indépendance en n’étant pas reconduit à la tête de la CGT au congrès suivant. Est-ce exact ?

Il y a eu, en tout cas, un malentendu. Après le congrès de Grenoble, l’illusion tombe. À l’évidence, la direction communiste, en difficulté, y compris en interne, entend user de la CGT, qu’elle tient pour son bras syndical. L’époque ne le permet plus, mais le PCF dispose d’assez de relais dans la centrale pour mener une dure bataille de reprise en main, que solde le départ de syndicalistes de premier plan, dont des communistes.

Le dirigeant syndical est alors membre de la direction du PCF. Mais lui et ses successeurs vont peu à peu s’éloigner des instances dirigeantes du parti.

Georges Séguy siège en effet au bureau politique du Parti communiste depuis 1965, soit deux ans avant son élection à la tête de la CGT. Communiste convaincu, c’est au syndicat qu’il consacre toutefois l’essentiel de sa vie militante. C’est là une différence avec Henri Krasucki [qui succédera à Séguy entre 1982 et 1992 – ndlr]. Plus engagé dans des tâches politiques, celui-ci passe pour « l’œil du parti » dans la CGT.

Dès Grenoble, Henri Krasucki insiste sur l’identité de classe de la confédération. Efficace et déterminé, fort de l’appui de cadres intermédiaires, il circonscrit les partisans de l’ouverture et prend le contrôle des postes-clés de l’appareil confédéral. Non sans casse : la crise de direction qui secoue la CGT brouille les anciens critères d’étiquetage politique, et des désaccords inédits fracturent les communistes au sein même du bureau confédéral.

Pourtant, Krasucki lui-même va s’affronter avec la direction du PCF…

La fonction transforme ceux qui l’exercent. Krasucki, regardé comme le gardien de l’orthodoxie, a tôt fait de se glisser dans ses habits neufs de secrétaire général. Les relations avec la direction du PCF se compliquent après le départ des ministres communistes du gouvernement, en juillet 1984.

Dès lors, le parti ne passe plus rien au PS et à François Mitterrand, dont le « tournant de la rigueur » se prolonge en culte de l’entreprise. Désireux de regagner l’audience perdue dans les milieux populaires, le PCF pousse aux mobilisations sociales et, à défaut, se lance dans une campagne d’agitation sous couvert syndical. Ce que n’accepte pas Krasucki, hostile aux initiatives « coups de poing » sans lendemain.

Au comité central du PCF de mai 1985, des membres du bureau confédéral, dont Louis Viannet, critiquent la « mollesse » supposée du syndicat. Krasucki tient bon, mais la tension monte. En juin 1991, il met en cause les militants qui « se considèrent encore en mission dans la CGT ». L’année suivante, Louis Viannet le remplace [et restera secrétaire général jusqu’en 1999 – ndlr], précédé d’une réputation de « conservateur ».

Mais Louis Viannet n’est-il pas justement celui qui se retirera officiellement des instances dirigeantes du parti en 1996 ?

Si. C’est même avec lui que s’amorce la procédure de divorce avec des actes symboliques, à l’exemple de sa décision de ne plus siéger au bureau politique du PCF. Ses successeurs feront de même, du moins ceux qui appartenaient au parti au moment de leur élection – ce qui n’est plus le cas, soit dit en passant, de Philippe Martinez lorsqu’il devient secrétaire général en 2015.

Sur le fond, Bernard Thibault [secrétaire général de 1999 à 2013 – ndlr], lui-même communiste, fait adopter en 2001 le refus de tout soutien à un programme politique. Position étendue, en 2006, à toute co-élaboration d’un programme électoral.

L’appartenance partisane des dirigeants n’éclaire plus les orientations cégétistes. Le PCF, miné par ses divisions et sa perte de substance n’est plus en mesure d’agir en ce sens. Le souhaite-t-il toujours ? En « mutation », le parti du tournant du siècle conserve l’étiquette historique mais largue sa singularité. Se voulant « à l’image de la société », il oublie ses cellules d’entreprises et parle plus volontiers aux « gens » qu’à la « classe ouvrière ».

Le fait que le PCF ne représente plus grand-chose en termes électoraux lors des élections nationales joue-t-il dans cette désaffiliation ?

Le Parti communiste ne cesse de s’affaiblir, tant sur le plan de ses capacités d’intervention que du côté de son audience électorale. Ces déclins s’entretiennent et amplifient les désarrois militants. Ils affectent la fonction tribunitienne qui l’érigeait en pôle d’attraction et permettait, à travers lui, d’affirmer une identité de classe, fière et radicale. Paradoxalement, la marginalisation du PCF accompagne un double processus de banalisation sociale et d’institutionnalisation politique. Le décrochage électoral atteint les sympathisants de la CGT qui, à compter de 1995, n’accordent plus leur préférence au PCF. Le vote ouvrier, quand il s’exprime encore, se disperse.

Vers l’extrême droite notamment… Mais n’y a-t-il pas toujours eu un vote ouvrier de droite ?

Il y a toujours eu un vote ouvrier conservateur, conformiste. L’extrême droite offre toutefois une nouvelle possibilité de vote protestataire, phénomène flagrant dans d’anciens bastions ouvriers et communistes. Si le transfert direct de pans entiers de l’électorat communiste vers le Front national n’est pas démontré, le vote FN est une manière de manifester sa défiance envers le « système ». Loin de l’entamer, les peurs et les rejets qu’il suscite le confortent, quitte à teinter de xénophobie le vieux clivage « eux »/« nous ».

Quid des militants syndicaux ? Comment ressentent-ils cette perte d’influence communiste ?

Un monde s’écroule. L’implosion contemporaine de l’URSS et du « camp socialiste » achève de fragiliser les repères et les certitudes qui ordonnaient les représentations militantes et aidaient à affronter les revers. Pour autant, les réalités de l’exploitation subsistent, réactivent les résistances et les aspirations à un monde meilleur.

La CGT traverse mieux la tourmente que le PCF. En dépit d’une chute de moitié de son audience en un demi-siècle, elle conserve de beaux restes, notamment auprès des ouvriers, qui continuent de la classer en tête aux élections professionnelles. Le constat vaut également pour les effectifs, malgré une perte de syndiqués proportionnellement supérieure à celle de ses électeurs.

L’affaiblissement rejaillit sur son potentiel militant. La disparition d’anciennes bases, conjuguée aux difficultés d’implantation dans les nouveaux territoires du salariat, réduit son aire d’intervention. Sauf exception, sa capacité à enclencher des mobilisations d’envergure s’en ressent. Les militants le savent et l’intériorisent, d’autant que, acculés à des luttes défensives sur fond de dégradation du rapport des forces sociales, ils n’engrangent guère de succès revendicatifs au cours des dernières décennies.

« L’identité cégétiste n’est pas réductible à l’identité communiste »

Revenons en arrière. Comment le Parti communiste a-t-il mis la main sur la CGT, qui existait avant lui ? Vous évoquez la « construction réussie d’un syndicalisme communiste »

Cela nous ramène avant 1914. Le mouvement ouvrier repose alors sur une large gamme d’organisations qui, des syndicats aux partis en passant par les coopératives, les cercles d’études, les mutuelles, etc., tendent à doter la classe ouvrière d’outils nécessaires à la défense et à la représentation de ses intérêts. Jusqu’au tournant du XXe siècle, nombre de syndicats sont membres d’organisations socialistes, dont les militants s’activent, en retour, à l’essor du syndicalisme.

À compter de 1905, la SFIO, née de l’unité des socialistes, s’érige en parti de la classe ouvrière. La CGT lui dispute toutefois cet attribut. Revendiquant haut et fort son indépendance [notamment dans la charte d’Amiens, en 1906 – ndlr], elle affirme être le seul véritable « parti ouvrier », de par sa composition et ses modes d’action. Ainsi oppose-t-elle l’identité prolétarienne de ses militants et responsables à l’origine « bourgeoise » des dirigeants et élus socialistes.

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Surtout, elle critique l’intégration du socialisme parlementaire dans des institutions étrangères à la classe et à cent lieues de l’action directe prônée par la Première Internationale – « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » – et que le syndicalisme s’efforce de réaliser, au quotidien et dans la perspective de la grève générale émancipatrice à venir.Puis arrive la Première Guerre mondiale. Que change-t-elle ?

La Première Guerre mondiale met tout le monde KO, y compris la CGT, qui renonce à la grève générale dont elle menaçait le pouvoir en cas de conflit militaire. Lors des obsèques de Jean Jaurès, le 4 août 1914, Léon Jouhaux [secrétaire général de la CGT depuis 1909, qu’il quitte en 1947 pour fonder Force ouvrière, en opposition au communisme – ndlr] engage ses camarades à partir à la guerre afin de « repousser l’envahisseur ». Pour leur part, les socialistes rallient « l’union sacrée » et deux d’entre eux entrent au gouvernement. Ils soutiendront l’effort de guerre jusqu’en septembre 1917.

Après-guerre, le congrès de Tours, en 1920, est la conséquence directe de ces prises de position…

C’est bien à l’aune de ces attitudes qu’il faut comprendre le congrès de Tours, étape cruciale du règlement des comptes de la guerre au sein du mouvement ouvrier français. Le Parti communiste naît du rejet des anciens tenants de l’Union sacrée. La réaction est identique dans la CGT. Partout, les plus critiques sont les plus jeunes, revenus révoltés de l’horreur des tranchées.

La volonté largement partagée du « plus jamais ça » et l’espoir réinsufflé d’une révolution amènent beaucoup d’entre eux à se tourner vers « la grande lueur à l’Est » (Jules Romains). À défaut d’en connaître les modalités exactes, la révolution russe d’octobre 1917 défriche la voie à suivre. Tel est le choix de la majorité des congressistes de Tours.

C’est également celui des syndicalistes, plus sensibles à l’expérience des soviets qu’au bolchévisme. En 1921, les différents courants révolutionnaires de la CGT rompent avec Jouhaux et l’aile modérée de la confédération pour se regrouper dans une nouvelle centrale, la CGT « unitaire » (CGTU).

CGTU qui va devenir le véhicule de Moscou pour « ouvriériser » le tout nouveau Parti communiste ?

Oui. La Section française de l’Internationale communiste (SFIC) née à Tours témoigne d’un indéniable virage à gauche. Pour autant, elle est loin de répondre aux exigences des bolchéviques russes. La composition et le fonctionnement de sa direction, l’organisation et le mode d’action du parti demeurent ceux de la SFIO. Le Parti communiste est à construire, ce qui passe par l’ouvriérisation de ses cadres… lesquels sont à chercher dans les syndicats. Vu de Moscou et à cette date, le potentiel révolutionnaire de la CGTU paraît très supérieur à celui du PC.

Il faut donc fondre les deux mouvements ?

En tout cas, les rapprocher, ce vers quoi tend la « bolchévisation » engagée à partir de 1923. L’expression situe l’origine de l’initiative, menée au forceps par les Soviétiques. Il s’agit d’abord de forger un parti discipliné dans son « soutien inconditionnel » à l’URSS, mais la métamorphose inclut aussi une mue sociologique.

La chose ne va pas plus de soi au sein du PC que du côté de la CGTU, où la tradition syndicaliste révolutionnaire entretient la méfiance envers toute subordination politique. Qu’à cela ne tienne, au printemps 1925, l’Internationale communiste propulse au sommet du PC quatre dirigeants de la CGTU, dont trois – Dudilieux, Monmousseau et Racamond – n’étaient pas communistes jusque-là ! À cette date, la « courroie de transmission » entre syndicat et parti fonctionne en sens inverse de celui qui sera le sien par la suite.

Et comment les militants de la CGTU vont-ils, à leur tour, partir à l’assaut de la CGT, jusqu’à y devenir majoritaires ?

D’abord, les communistes, renforcés par l’adhésion d’une partie des syndicalistes révolutionnaires, deviennent majoritaires dans la CGTU. La courroie de transmission fonctionne cette fois dans le sens voulu par le PCF. En 1929, la CGTU en prend acte et déclare « travailler […] en accord étroit avec le Parti communiste ».

À l’époque, tout le mouvement syndical est affaibli par sa division. Les « confédérés » de la « CGT Jouhaux » bénéficient de l’adhésion des fonctionnaires, qui obtiennent le droit de se syndiquer, mais ses effectifs baissent dans le secteur privé, où elle est peu active. La CGTU verse, au contraire, dans un activisme débridé, qui voit dans chaque grève l’amorce de la révolution.

Son sectarisme, aligné sur celui du PCF, n’arrange rien et épuise les militants. Mais ceux qui ne partent pas développent, dans la continuité du legs syndicaliste révolutionnaire, un savoir-faire et une culture de lutte qui s’avéreront précieux après la réunification des deux CGT [en 1935-1936, lire ici] et à l’heure des mobilisations ouvrières de 1936.

Il y a donc, au fil du temps, un jeu incessant d’allers-retours entre les divers pôles du mouvement ouvrier ?

L’image d’allers-retours a le défaut de suggérer un mécanisme ordonné une fois pour toutes, comme indifférent aux dynamiques historiques et aux expériences qui se cumulent. Le syndicalisme communiste de la fin des années 1930 n’est déjà plus celui du milieu des années 1920.

Les ex-unitaires, plus aptes que leurs rivaux ex-confédérés à encadrer les grandes grèves de 1936, découvrent à cette occasion l’art de conduire un mouvement et une organisation de masse, de mener des négociations et de réaliser des compromis. La forte progression des ex-unitaires s’effectue aux dépens des ex-confédérés. Probablement majoritaires en termes d’effectifs affiliés aux syndicats qu’ils contrôlent, ils ne sont cependant pas en mesure de diriger la confédération, au sein de laquelle ils acceptent de composer.

Le basculement s’opère après la Seconde Guerre mondiale, à la faveur de la poussée du PCF, conséquence du poids des communistes dans la Résistance et du prestige dont jouit l’URSS, lequel déborde des rangs des sympathisants communistes.

Il y a néanmoins une identité syndicale propre, même à cette époque ?

L’identité cégétiste n’est pas réductible à l’identité communiste. Sans doute, longtemps, nombre de responsables syndicaux étaient également membres du PCF, tandis que la CGT partageait avec le parti bien des références, dont celle du rôle déterminant de la lutte des classes. Reste qu’un syndicaliste, communiste ou pas, doit faire ses preuves dans le syndicat et tire sa légitimité des mandats que lui confient les salariés. Mais il y a plus. La CGT, ne l’oublions pas, a une histoire antérieure à celle du PCF, avec ce que cela implique de repères et principes propres.

Gardons-nous, en outre, d’une vision par trop monocolore de la CGT. Dans les profondeurs de son corps social, la superposition et l’hybridation l’emportent sur le monolithisme et l’exclusive : en 1906, des réformistes convaincus votent ainsi la charte d’Amiens d’inspiration révolutionnaire ; dans l’entre-deux-guerres, bien des pratiques « unitaires » témoignent d’une imprégnation syndicaliste révolutionnaire ; après 1945, les ex-unitaires se coulent dans le moule de réalisations – assurances sociales, nationalisations, planification – dont se réclamaient autrefois les « confédérés » de l’entre-deux-guerres.

Aujourd’hui, les syndicats sont-ils la seule voix réellement représentative du monde du travail et des ouvriers ?

Avec l’essoufflement, sinon la marginalisation des « partis ouvriers » d’antan, les syndicats demeurent, quoique divisés et affaiblis, les dernières forces organisées des milieux populaires. Cela vaut plus particulièrement pour la CGT. Le constat invite sans doute à reconsidérer la place du syndicalisme, en des temps où la défiance populaire à l’égard du système représentatif incite à repenser, par-delà les dispositifs institutionnels, la nature du politique, du gouvernement des hommes et de l’administration des choses.

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