Anthony Smith et sanctions antisyndicales : la lutte continue

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Voici la Newsletter N° 10 du collectif mis en place en soutien à Anthnoy Smith, inspecteur du travail sanctionné pour avoir fait son travail et son activité syndicale.

 

 smith soutien

 

Newsletter n°10 : La lutte continue !

Bonjour à toutes et tous,

Elle ne s’arrête jamais la lutte ! Nous étions il y a peu à Poitiers avec les enseignants de Melle lourdement sanctionnés depuis (https://www.humanite.fr/education-les-quatre-de-melle-ils-ne-nous-ont-pas-brises-695884?fbclid=IwAR1PbkNQazN9rNYjljbBasQjJmRfToQYP0_6R5JH89VxfxJlwhpPBGJ7cQg ) et nous serons le 26 novembre prochain avec les 18 militant.es de la CGT Monoprix convoqué devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir dénoncé la faiblesse de leurs salaires.

Entre-temps il y a, ci-dessous, ce portrait paru dans l’édition de Libération des 13 et 14 novembre (papier et numérique) et que nous voulions vous faire partager après ces longs mois de lutte.

Et toujours les infos : sur notre site Internet https://soutienanthonysmith.fr facebook https://www.facebook.com/SoutienAnthonySmith/ et Twitter @SoutienA_Smith https://twitter.com/SoutienA_Smith

 

A très bientôt,

Anthony Smith

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Anthony Smith, haut les masques

Par Frantz Durupt, photo Fred Kihn — 13 novembre 2020 à 18:36

L’inspecteur du travail a été sanctionné après avoir demandé des protections pendant le premier confinement, suscitant un tollé.

Une formule résume l’idiotie de la situation dans laquelle se trouve Anthony Smith, et c’est à Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, qu’on la doit : cet inspecteur du travail, suspendu en pleine première vague de Covid-19, puis sanctionné par son ministère, a «trop bien fait son travail». Le quadragénaire à lunettes rectangulaires et monture fine aura gagné au passage, et bien malgré lui, une célébrité impromptue. Après s’être astreint au silence, le temps que la procédure à son encontre suive son cours, celui qui est aussi responsable syndical (CGT) au sein de son ministère veut aujourd’hui témoigner. D’où notre rencontre ce mardi d’octobre à Reims (Marne), là où tout a commencé, au terme d’une journée qui l’a vu se former à la langue des signes. Ce qui a de quoi le perturber un peu : «En général, je parle beaucoup, et là, j’ai été pendant sept heures dans le silence.» C’est vrai : Smith parle beaucoup, et vite. Son histoire, on n’aura pas forcément la place de la déplier entièrement ici mais en voici l’essentiel : en mars, alors que la France vient de se confiner, les 300 salariées d’une association d’aide à domicile historique de Reims, l’Aradopa, s’inquiètent de travailler sans protections suffisantes au contact de clients touchés par le Covid-19 ou qui en présentent des symptômes. Leur direction n’agissant pas, elles se tournent vers leur inspecteur du travail, qui est déjà intervenu, raconte Virginie Mangin, déléguée syndicale FO : «Avec lui, on savait qu’on avait un soutien. Que si on le sollicitait, l’employeur serait obligé de faire quelque chose.» Elle ajoute : «C’est le genre d’inspecteur que tous les salariés rêveraient d’avoir.»

Aussitôt, Smith contacte le directeur de la structure. «Je lui demande de revoir son évaluation des risques et des protocoles. Comment on traite les charlottes, les surblouses, les gants…» Des «trucs qui n’ont rien de bolcheviques», précise-t-il. Quant aux masques, «[il] demande des FFP2 et FFP3 parce que le risque de diffusion du Covid-19 par aérosol est réel, rapporté dans des fiches INRS et de l’OMS. Ce n’est pas une fiction».

Sans réponse satisfaisante de l’association, l’inspecteur avertit le dirigeant qu’il envisage d’engager un référé en justice. Le problème, c’est qu’à ce moment-là, en France, il n’est pas facile de se procurer des masques. En un sens, la demande de Smith embarrasse sa hiérarchie plus qu’autre chose. Dans son dos, sa cheffe directe le désavoue auprès du directeur de l’association. Le 15 avril, alors qu’il vient de saisir la justice, il apprend qu’il est suspendu. «Il faut s’imaginer ce que c’estOn me coupe mon téléphone professionnel et mon accès à distance. Vous êtes physiquement débranché. C’est une sensation extrêmement étrange.»

Confiné dans sa petite maison de Châlons-en-Champagne (Marne), avec sa compagne et ses deux enfants dont, pour protéger l’intimité, il ne voudra rien dire si ce n’est qu’ils lui ont fait découvrir la chanteuse Wejdene, il attendra trois mois pour passer en commission disciplinaire, puis près d’un mois pour apprendre qu’il est muté d’office à 200 kilomètres de chez lui, à Melun (Seine-et-Marne), dans un placard le privant de ses prérogatives d’inspecteur. Rien ne lui permet d’échapper à ses cogitations. Sur sa table de chevet, il a le dernier Piketty et Une histoire populaire de la France, de Noiriel, à peine entamés. Mais dehors, la mobilisation s’organise et prend de l’ampleur. Conseiller politique au sein de la Confédération nationale du logement, le communiste Thomas Portes lance un comité de soutien et une pétition, qui recueille près de 5 000 signatures en une journée, dont celles de très nombreux collègues d’Anthony Smith. Des rassemblements, qui réunissent parfois plusieurs centaines de personnes, sont organisés dans plusieurs communes de la Marne et à Paris.

Pendant ce temps, l’ex-professeur d’économie reste silencieux. Il décide de vivre sa situation en militant plus qu’en individu frappé par une injustice. Il se dit qu’à travers lui, c’est toute l’inspection du travail que le ministère veut «mettre sous cloche», ne supportant plus que ses agents tirent leurs pouvoirs de conventions internationales et non de leur hiérarchie administrative. Il a trouvé «hallucinant», mot qui revient souvent, un texte signé de l’ex-directeur de cabinet du ministère pour faire l’apologie de celui qui l’a sanctionné : le directeur général du travail, Yves Struillou. Anthony Smith s’y voit assimilé à une «minorité agissante» au sein du ministère, qui œuvrerait dans un but purement idéologique. Le responsable syndical s’emporte : «Quand il y a des surcharges de travail, on dit aux agents : « Priorisez ce que vous avez à faire. » Mais comment ça, « je priorise ? » Je choisis quoi entre un accident mortel et un harcèlement sexuel dans une entreprise, dites-moi, je choisis quoi ? C’est quoi la priorité ? En moins de dix ans, on a perdu un quart des effectifs de contrôle. Et la priorité, c’est de s’attaquer à des soi-disant minorités agissantes ? Mais, c’est le code du travail qui est une minorité agissante !»

Anthony Smith pourrait expliquer pendant des heures les raisons qui font que l’inspection du travail ne peut et ne doit, ontologiquement parlant, pas être «neutre». C’est pour ça qu’il est syndiqué depuis son entrée dans le corps en 2005, après trois années comme professeur d’économie. Engagé depuis sa jeunesse, il a brigué des mandats politiques. Pour le dernier en date lors des municipales à Châlons-en-Champagne, il figurait en troisième position sur une liste menée par La France insoumise (LFI) et le Parti communiste français (PCF). Sa mère était une institutrice «qui [lui a] appris que [s’il] travaillai [t] bien à l’école, [il] vivrai [t] mieux que [ses] parents». Son père était un immigré anglais, ouvrier-jardinier venu en France dans les années 50 pour travailler dans les cimetières américains.

L’histoire se finit presque bien. Arrivée après l’éclatement de l’affaire, la nouvelle ministre du Travail, Elisabeth Borne, a eu assez de flair politique pour voir se profiler le problème suivant : un inspecteur du travail placardisé pour avoir voulu équiper des salariés de masques, ça la fout mal au moment où le gouvernement systématise le port du masque en entreprise. Elle a allégé la sanction de Smith, finalement muté à Bar-le-Duc (Meuse), bien plus près de chez lui, où il conserve ses pouvoirs d’inspecteur et son mandat syndical. Elle a aussi désavoué son punisseur, Struillou, qui a claqué la porte. Qu’en dit-il, d’avoir fait tomber le numéro 2 du ministère ? La question semble presque le vexer : «Je m’en serais bien passé. Un déplacement d’office, c’est inscrit dix ans dans mon dossier disciplinaire. Non, je ne fais rien tomber, moi.» Il aimerait que tout soit effacé, et retourner à Reims. A part lui, cela ferait une autre heureuse, Virginie Mangin : «Nous, ce qu’on aimerait, c’est qu’il revienne !»

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