Birmanie : les enseignant-es résistent à la junte

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Cet article est paru dans The Irrawaddy, media birman paraissant en Thaïlande, qui suit les mobilisations au Myanmar : ici les enseignant-es et étudiant-es. Merci à Patrick le Tréhondat pour la traduction.

 

Les enseignant·es  du Myanmar résistent à la pression de la junte pour la réouverture des universités et des écoles

Par The Irrawaddy 19 mai 2021

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Les enseignant·es et le personnel administratif en grève au Myanmar poursuivent leur action contre le régime, malgré les pressions exercées par ce dernier pour qu’ils et elles reprennent le travail et rouvrent les universités et les écoles.

La junte a récemment ciblé les enseignant·es et le personnel administratif en grève qui refusaient de servir sous le régime militaire en les arrêtant, en lançant des mandats d’arrêt et en les suspendant de leurs fonctions.

Depuis la dernière semaine d’avril, le régime émet des mandats d’arrêt contre les enseignant·es et le personnel de l’éducation qui ont rejoint le Mouvement de désobéissance civile (MDC).

À la date de mardi, 220 enseignant·es, dont des professeur·es, des directeurs et directrices d’école, des responsables de l’éducation et des fonctionnaires, ont été inscrit·es sur la liste [des « séditieux »] .

Un certain nombre d’enseignant·es qui ont fait grève ont récemment été arrêté·es, inculpé·es ou condamné·es. Des annonces de suspension de leur poste ont également été faites.

Malgré les menaces croissantes, de nombreux enseignant·es et personnels en grève poursuivent leur résistance contre la junte.

Les fédérations d’enseignant·es du Myanmar ont déclaré qu’environ 60 % des universitaires et des collèges ont résisté à la réouverture des campus par la junte. La junte a annoncé la réouverture, le 5 mai, des universités et des collèges qui avaient été fermés pendant plus d’un an en raison de la pandémie de COVID-19.

Ces universitaires en grève, plus de 19 000 sur un total de 35 000 enseignant·es dans les universités et les collèges, ont été suspendu·es de leurs fonctions pour avoir poursuivi leur grève contre le régime.

Et dans les écoles publiques de l’enseignement de base, plus de 100 000 enseignant·es et membres du personnel éducatif sur un total de 450 000 [soit environ 27 %] ont rejoint le MDP, selon une première annonce du ministère de l’éducation le 23 avril.

Depuis le 7 mai, la junte a émis des ordres de suspension pour les enseignant·es et le personnel éducatif en grève dans les écoles publiques du pays. Parmi les personnes suspendues figurent le personnel de garde, les agents de sécurité des écoles, les technicien·nes de laboratoire, les enseignant·es, les directeur·trices d’école et les fonctionnaires du département de l’éducation de base du ministère de l’Éducation.

« La réouverture des écoles vise juste à montrer que le pays est bien sous le contrôle des militaires plutôt que de se préoccuper de l’éducation perturbée« , a déclaré à The Irrawaddy un responsable de la fédération des enseignant·es, qui a demandé à rester anonyme.

Il a déclaré que même si certains enseignant·es du CDM [Mouvement de désobéissance civile] ont cédé et sont retourné·es au travail par crainte d’être arrêté·es après que la junte ait intensifié les détentions [en prison], beaucoup d’entre eux·elles poursuivront la grève jusqu’à ce que le régime militaire s’effondre.

« Nous sommes déterminé·es à poursuivre la lutte jusqu’à la chute de la dictature et le retour d’un gouvernement civil élu par le peuple« , a déclaré le fonctionnaire, qui a lui-même été récemment suspendu de l’une des universités de Yangon.

Une enseignante de la région de Yangon, récemment suspendue de son poste, a déclaré qu’elle était fière de s’opposer à l’injustice, même si cela signifiait qu’elle devait renoncer à un travail qu’elle adorait. « Je ne retournerai travailler que sous notre gouvernement civil élu« , a-t-elle ajouté.

Face à une pénurie d’enseignant·es, le régime militaire recrute des maîtres de conférences et prévoit de  donner des promotions à des professeur·es non-CDM pour remplacer les universitaires en grève. Dans les écoles publiques, le régime fait appel à des enseignant·es payé·es à la journée pour remplacer les enseignant·es en grève.

Pendant ce temps, le régime continue à faire pression sur les enseignant·es en grève pour qu’ils et elles cèdent. Dans certains cas, la junte a arrêté les proches des enseignant·es, les retenant comme otages pour forcer les enseignant·es à reprendre le travail.

Les étudiants boycottent « l’éducation esclavagiste de l’armée« .

Ce ne sont pas seulement les enseignant·es, mais aussi les étudiants qui boycottent « l’éducation esclavagiste des militaires« . Les étudiant·es protestataires ont déclaré qu’ils et elles n’assisteraient pas aux cours ou ne s’y inscriraient pas sous un régime dont les forces ont tué des centaines de jeunes, y compris des lycéens et des enfants.

Selon la fédération des enseignant·es (MTF), environ 80 à 90 % des étudiant·es universitaires ont boycotté les cours en refusant de s’y rendre ou de s’inscrire.

La junte prévoit également d’ouvrir les écoles publiques le 1er juin, mais de nombreux étudiant·es ont fait savoir qu’ils et elles ne voulaient pas d’une éducation sous la dictature.

Les parents ont également exprimé leur inquiétude quant à la sécurité de leurs enfants en raison de la probabilité de violence dans le cadre des actions brutales continues des forces du régime contre les civils.

Pour aggraver la situation, plusieurs écoles du pays ont été incendiées ou bombardées de grenades artisanales par des inconnus. Le régime a affirmé que les attaques contre les écoles avaient été perpétrées par des « émeutiers« , terme qu’il utilise pour désigner les manifestants hostiles au régime. Irrawaddy ne peut pas vérifier de manière indépendante les affirmations de la junte. Malgré les attaques contre les écoles, le régime insiste toujours sur le fait qu’il ouvrira les écoles comme prévu le 1er juin. Au cours d’une conférence de presse la semaine dernière, un porte-parole a déclaré que le régime assurerait une sécurité suffisante pour les écoles, mais a refusé de révéler tout détail, invoquant des questions de sécurité.

Entre-temps, le risque de contracter le COVID-19 est également une autre source d’inquiétude, car le Myanmar détecte encore une douzaine de cas par jour. Le régime a déclaré qu’il fournirait gratuitement des masques faciaux et des protections aux étudiant·es.

Un lycéen a déclaré que lui et ses amis ne retourneraient pas à l’école tant que la révolution ne prévaudrait pas. « Nous n’irons à l’école que lorsque Grandma Suu [conseillère d’État Daw Aung San Suu Kyi, mise en détention au moment du coup d’État du 1er février] sera libérée. »

Traduction Patrick Le Tréhondat

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