Débats sur le bilan de l’automne 2017

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Suite au dossier de la revue Les Utopiques de Solidaires, qui porte sur 2016, nous publions un extrait d’article de Laurent Degousée (Sud Commerce et animateur de Front Social) sur ce qui s’est produit à l’automne 2017, face aux ordonnances de Macron. Ces colonnes sont bien sûr ouvertes à tout autre contribution.

 

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« Les syndicats sont mortels comme les partis politiques »

 

Le vieux monde politique a sombré mais la situation n’est guère reluisante du côté syndical : au nom du primat du politique, pourtant bien mal en point au regard de l’accession répétée de l’extrême-droite au second tour de la présidentielle et d’une abstention record, les confédérations, en participant toutes à la concertation initiée dès juin dernier, ont contribué à désarmer leur base qui s’est retrouvée fort dépourvue une fois la bise des ordonnances venue. Les militant-es, quelle que soit leur orientation, ont pourtant bien perçu le danger mortel qu’elles recèlent : faire en sorte que tout ou presque que ce que les patrons ne respectaient pas au risque d’être sanctionné ait désormais, par le jeu du dialogue social, force de loi quand il ne s’agit pas, dans les petites entreprises, de draper la décision unilatérale de l’employeur dans le costume de la démocratie référendaire.

 

C’est du côté des syndicats dits réformistes que le trouble est le plus perceptible, à commencer par la CFDT, pourtant forte de sa première place dans le secteur privé depuis mars 2017 : la fête, organisée en octobre dernier, avec dix mille adhérent-es pour marquer l’événement a été gâchée et a donné lieu à une libération inédite de la parole dans une centrale au corpus idéologique plus que normalisé depuis 2003. À défaut de mobiliser ses troupes, Laurent Berger, dont le constat ouvre cette partie, est obligé de résumer le contenu des ordonnances à « un classicisme froid, techno et triste. » La fronde a été encore plus spectaculaire à FO, où Jean-Claude Mailly, après avoir vanté les pseudo-négociations et, en particulier, le renforcement des prérogatives des branches ˗ là où leur rôle est pourtant purement et simplement annihilé ˗ s’est vu mettre en minorité par le parlement de sa centrale et contraint d’appeler à la mobilisation du 16 novembre.

 

Du côté de ceux qui luttent, la situation n’est guère plus enviable. A la CGT, c’est le délitement qui prévaut : les secteurs où la centrale de Montreuil pèse, à commencer par les routiers et les dockers, négocient les uns après les autres la sanctuarisation de leur régime conventionnel illustre la défiance vis-à-vis de la stratégie de journées saute-mouton mise en œuvre par Philippe Martinez. À Solidaires, tiraillé entre mouvementisme, avec l’organisation d’une manifestation contre l’université d’été du MEDEF et une chasse aux DRH, et suivisme de la CGT, le débat se cristallise sur l’implication ou non dans le Front social, dont l’appel à participer à la marche nationale sur l’Élysée du 18 novembre a été rejoint in fine.

 

Des occasions de converger, il y en a pourtant eu : avec les retraité-es le 28 septembre, avec le secteur public le 10 octobre et une unité syndicale retrouvée, certes trop tardivement, le 16 novembre. Mais encore fallait-il que ces différentes échéances s’inscrivent dans un plan de bataille et s’accompagnent d’une volonté d’aller vers l’affrontement, portée par exemple par l’organisation d’une manifestation nationale, à l’instar de celle du 14 juin 2016 qui a ébranlé Valls et l’a amené à répondre par la répression. Après, on peut toujours appeler à l’unité mais ne serait-ce qu’une réunion entre dirigeant-es des organisations dite de gauche a-t-elle été organisée pour envoyer un signe, à commencer à leurs propres membres ? La gravité de la situation, à savoir un état de droit au conditionnel dans l’entreprise, n’exigeait-elle pas de mettre de côté tant ses divergences stratégiques que ses querelles d’egos, voire ses intérêts boutiquiers pour bâtir la riposte avec le plus grand nombre ? Seul le Front social, fort de l’acquis que représente la constitution l’an dernier d’une avant-garde large, a défendu cette perspective.

 

Et si la solution, pour cesser d’être dos au mur, c’était d’être aussi radical que l’est Macron lui-même ? Pourquoi ne pas s’unir sur un projet de transformation sociale plutôt que de miser sur un improbable repli dans les entreprises, là où l’application de la loi travail XXL va tout cristalliser, voire sur le corporatisme qui va bon train de la CGC à la FSU et reprendre le débat sur la réunification syndicale alors que les recompositions sur le terrain, dictées en premier lieu par la mise en place du nouveau comité social et économique, vont s’accélérer. Il est temps aussi que le mouvement syndical soit à l’image du monde du travail d’aujourd’hui, les luttes récentes de travailleurs ubérises ou les plus précaires montrent que c’est possible pour peu de faire appel à l’optimisme de la volonté : après tout, le fait syndical a réussi à s’imposer au 19ème siècle dans des conditions comparables à ce vers quoi la nouvelle législation du travail, devenue loi de l’entreprise, tend à nous ramener.

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Laurent Degousée

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