« Défendre ce qui nous tient à coeur »

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Joel est un zadiste. Son témoignage nous a été communiqué par Odile Hélier (qui tient un blog sur les luttes et surtout en Grèce), que nous remercions. Ici, c’est un peu différent du « syndicalisme », mais cela a tellement de…sens.

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Salut à vous,

J’écris en mon seul nom de personne qui a lutté pour la ZAD d e près   comme de loin durant plusieurs années, avec d’innombrables moments qui m’ont procuré de la joie, de la colère, des souffrances, des espérances,de l’exaltation, du dépit, et d’innombrables autres sentimentscontraires qui ont fortement déterminé et marqué mon existence et celacertainement jusqu’au dernier de mes jours. Je vous écris à vous, car àun moment ou l’autre nous avons lutté ensemble dans l’un ou l’autre
collectif et que chacun.e de vous a contribué à ma vision politique de la lutte mais surtout de la vie, d’une façon ou d’une autre.

Demain l’État, et avec lui une vision ultralibérale du monde, n’a pas seulement décidé de procéder à « l’expulsion d’une partie de la ZAD » mais d’attaquer l’idée même de Zone à Défendre. Car que restera-t-il encore à défendre après qu’une nuée de gendarmes ait mutilé, amputé et piétiné une partie d’un tout qui forme la ZAD ? La ZAD ne peut être réduite par la force dans le nombre de ses lieux de vie sans qu’une partie de ce qui fait sa diversité d’idées, d’initiatives et de visions politiques ne
s’en trouve irrémédiablement diminuée. Et même si je sais qu’à l’imagede 2012-2013 nous renaissons toujours de nos cendres sous l’un ou l’autre de nos innombrables visages, j’ai peur que nous nous battions alors davantage pour le souvenir de la ZAD que pour son avenir, et je ne peux m’empêcher, comme beaucoup, de ressentir que ce qui se jouera demain est irréversible. Nous risquons de voir mutilée une des plus formidables brèches de liberté que nous ayons ouvertes dans le sombre horizon actuel que nous dessine le capitalisme. Et je ne suis pas certain que nous puissions le refaire de sitôt ailleurs.

Quoi qu’on puisse penser de l’abandon de l’aéroport, des conflits qui divisent la ZAD, des comportements des un.es ou des autres dans la lutte ou des pratiques en terme d’actions, la venue de 2500 gendarmes avec des blindés représente une offensive militaire sans pareil contre l’ensemble d’entre nous, sur tous nos terrains de lutte. Nous ne pouvons pas regarder cela en silence sans réagir, ce serait un message beaucoup trop encourageant pour l’offensive généralisée du gouvernement Macron et de ses voisins européens contre l’ensemble de nos sociétés.

J’ai envie que demain et dans les jours, semaines et mois à venir nous luttions de toutes nos forces pour ne pas laisser disparaître la ZAD, mais la faire ressentir, vivre et batailler à travers chacun.e d’entre nous. Que nous nous rendions sur place en nombre ou que nous investissions l’espace en ligne pour riposter à une propagande réactionnaire dans les médias, blogs ou réseaux sociaux, que nous y acheminions vivres et matériaux, que nous y prenions soin et accueillions celles et ceux qui souffriront, que nous en parlions à chacun.e que nous croiserons dans les prochains jours dans la rue ou au boulot, que nous prenions la parole pour le dénoncer dans les assemblées et moments de mobilisation contre les réformes, que nous écrivions une infinité de textes, de chansons, de films, de sons pour le faire
entendre avec une multitude de voix, que nous investissions chaque espace dehors et dedans pour que notre riposte soit omniprésente et tapageuse, que nous ne laissions personne seul.e entre les mains de la police et de la justice sans appeler à un large soutien, que nous fassions vibrer et exister le mot solidarité aussi puissamment que possible !

Car je ne peux m’empêcher de penser que le visage que nous oppose Macron, si n’est pas celui si redouté du fascisme haineux de l’extrême-droite, est néanmoins celui bien plus sournois et rampant qu’a abhorré avant lui le national-socialisme. Nous pourrions bien nous trouver devant une forme encore inédite de fascisme, celui de l’individualisme roi qui s’impose à travers nos renoncements, nos peurs de nous perdre, nos fatalismes, nos indifférences et nos égoïsmes. Il n’est pas certain que bientôt nous ayons encore des forces et des espaces pour lutter et réagir, avec la privatisation et vampirisation accélérée du moindre centimètre carré de terre, d’air et d’eau qui nous entourent. Plus la planète et les populations sont exsangues, plus ceux qui les saignent cherchent à tirer encore le maximum de profit pour
leurs satisfactions présentes, avant la grande faillite générale.

Alors battons-nous, n’attendons pas la prochaine assemblée, une échéance de grand jour qui tarde à venir, ou une convergence illusoire des luttes. La seule convergence qui vaille c’est de mettre dès à présent toutes nos forces individuelles et collectives à défendre ce qui nous tient à cœur et à investir de nouveaux espaces de liberté sans attendre qu’on nous les brade au rabais. Le dialogue, si tant est qu’il ait existé véritablement, est rompu, il ne reste plus que la place pour un
rapport de forces sans concessions et sans retour arrière possible !

No Pasaran !

Joël

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