Discriminations syndicales : une étude de l’OIT et du Défenseur des droits

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L’Organisation internationale du travail (OIT) et le Défenseur des droits se sont associés pour faire une enquête sur les discriminations à l’emploi, qui est ciblée cette fois sur les discriminations syndicales en France. Nous publions le résumé synthétique des résultats et mettons l’accès à l’étude complète. 33 000 adhérent-es des syndicats y ont participé. 

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Enquête sur les discriminations syndicales

Résumé

Depuis plus de dix ans, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail réalisent une enquête annuelle sur les discriminations dans l’emploi. Inédite par son ampleur et sa méthode, l’enquête réalisée cette année vise à mieux documenter les discriminations en raison de l’activité syndicale au travail.

Les résultats s’appuient sur les réponses apportées par 1 000 personnes représentatives de la population active d’une part, et par plus de 33 000 adhérents et adhérentes des huit principales organisations syndicales françaises (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, UNSA, FSU et Union syndicale Solidaires) d’autre part.

Les résultats indiquent que près d’une personne active sur trois (29%) et une personne syndiquée sur deux (52%) considèrent que les discriminations syndicales se produisent souvent ou très souvent, ce qui fait de la discrimination syndicale au travail un phénomène perçu comme répandu. Un tiers également de la population active interrogée estime que la peur des représailles de la part de la direction est le facteur qui dissuade le plus les salariés de s’engager dans une activité syndicale. Plus de quatre actifs sur dix (42%) considèrent que l’exercice d’une activité syndicale représente un risque pour son emploi ou son évolution professionnelle, et près de sept sur dix (66%) parmi les personnes syndiquées.

D’après l’enquête, près de la moitié (46%) des personnes syndiquées estiment avoir déjà été discriminées au cours de leur carrière professionnelle en raison de leur activité syndicale. Pour 51% d’entre elles, leur activité a représenté un frein à leur évolution professionnelle. Plus de quatre personnes syndiquées sur dix (43%) estiment que les relations avec leur hiérarchie se sont dégradées en raison de leur activité syndicale. Par ailleurs, les salariés syndiqués du secteur privé sont plus nombreux (50%) à déclarer avoir été discriminés en raison de leur activité que les agents du secteur public (40%).

Un fort investissement dans une activité syndicale visible (adhésion de longue durée, grèves, distribution de tracts, exercice d’un mandat syndical, participation à des négociations…) accroît significativement le risque de déclarer une expérience de discrimination. Les délégués et déléguées syndicales en particulier rapportent une exposition significativement plus forte aux discriminations et à la dégradation de leurs conditions de travail.

Certaines catégories de personnes syndiquées rapportent plus de discriminations que les autres. C’est le cas des hommes, des ouvriers et des ouvrières, des personnes en situation de handicap ou atteintes d’une maladie chronique, ou qui ont une personne dépendante à leur charge.

La plupart du temps, les discriminations syndicales rapportées par les victimes se manifestent sous la forme d’absence d’évolution ou d’avancement professionnel, de blocage dans l’évolution de la rémunération, et de dégradation du climat ou des conditions de travail.

Près de huit personnes syndiquées sur dix qui estiment avoir été discriminées ont tenté de faire cesser la situation, principalement en sollicitant leur syndicat et/ou en s’adressant à leur employeur. Près de quatre fois sur dix, les personnes estiment avoir fait l’objet de mesures de rétorsion de la part de leur employeur à la suite de leurs démarches. Pour quatre personnes sur dix, la difficulté d’accès à la preuve les a dissuadées d’entreprendre des démarches pour faire valoir leurs droits.

 

  • Réactions syndicales :
  • CFDT :Discriminations syndicales : il faut agir de toute urgence

En partenariat avec l’organisation du travail (OIT), le défenseur des droits a présenté ce jeudi matin les résultats du 12ème baromètre des discriminations dans l’emploi, ciblé cette année sur la thématique de la discrimination syndicale.

Plus de 33 000 adhérents à une organisation syndicale et 1000 personnes représentatives de la population active ont répondu à cette enquête.

Il apparaît que :

–           Le premier frein à la syndicalisation est la peur des représailles.

–           Un tiers de la population active et la moitié des syndiqués considèrent que les discriminations syndicales se produisent souvent ou très souvent.

Par ailleurs, les salariés adhérents du secteur privé sont plus nombreux à déclarer avoir subi une discrimination en raison de leur activité syndicale que les agents du secteur public, alors même que, par son expérience, la CFDT perçoit également de nombreux cas de discrimination syndicale au sein du secteur public.

La discrimination syndicale n’est pas préjudiciable qu’aux syndiqués qui en sont victimes, mais elle pénalise tous les salariés et donc toute l’entreprise. En effet dans ce contexte, comment avoir un dialogue social de qualité ? Comment ces représentants du personnel discriminés pourraient-ils jouer sereinement leur rôle pour les travailleurs ? Au final, c’est bien toute l’entreprise qui peut en pâtir.

La CFDT accompagne ses militants victimes de discrimination syndicale, et met à leur disposition de nombreux outils. Mais au vu de l’ampleur des atteintes signalées, la CFDT demande que toutes les parties prenantes (organisations syndicales, organisations patronales, État) se réunissent pour que cette situation cesse.

  • CGT : Les discriminations syndicales enfin incontestées
    Les discriminations syndicales sont une réalité historique dans notre pays mais, jusqu’à présent, les pouvoirs publics refusaient d’en reconnaître l’ampleur – voire niaient cette réalité.

    « Alors qu’en France, le droit de grève et la liberté syndicale sont garantis constitutionnellement, l’engagement syndical s’accompagne souvent d’une stigmatisation. Il peut être perçu par l’employeur comme incompatible avec la performance économique de l’entreprise, ses objectifs à court terme ou sa valeur concurrentielle. Ainsi, les pratiques antisyndicales, parmi lesquelles les discriminations, ne sont pas un phénomène isolé, tant dans le secteur privé que public. »

    C’est par ce rappel que commence le rapport du défenseur des droits et de l’OIT (Organisation internationale du travail) consacré au baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi.

    Ainsi, plusieurs chiffres viennent étayer ce que les syndicalistes dénoncent depuis de nombreuses années :

    • 46 % des personnes interrogées estiment avoir été discriminées de fait de leur activité syndicale ;
    • 67 % des syndiqués perçoivent leur engagement comme un risque professionnel ;
    • 4 fois sur 10 ceux ayant tenté de faire cesser une situation discriminante liée à l’activité syndicale estiment avoir fait l’objet de mesures de rétorsion.

    Ces chiffres prouvent que les discriminations syndicales en France ne sont pas des situations isolées, qu’elles résultent d’une négation de la légitimité du fait de l’engagement syndical par une partie du patronat, qui met en place des stratégies antisyndicales afin de dissuader les salariés de se syndiquer et de s’organiser ainsi collectivement.

    Baromètre discriminations syndicalesEn effet, ces discriminations subies par les syndiqués  et la crainte des conséquences que cela pourrait engendrer sur l’emploi, les conditions de travail et la rémunération sont la première cause de non syndicalisation chez les salariés.

    Selon le baromètre des discriminations syndicalesDepuis de nombreuse années, la CGT porte des propositions concrètes pour lutter contre la répression et la discrimination syndicale avec, notamment, la création d’un outil permettant de les démonter de manière indiscutable. Ce dernier a même été cité en référence dans les conclusions du baromètre. Le défenseur des droits va même plus loin en préconisant son application dans les contentieux, car il juge l’outil de la CGT comme la seule méthode fiable pour lutter contre les discriminations.

    Selon le baromètre des discriminations syndicalesMaintenant que des chiffres officiels viennent confirmer l’ampleur des discriminations syndicales, dénoncées depuis toujours par la CGT, les pouvoirs publics ne peuvent plus ignorer la situation. La liberté syndicale est un droit garanti par la Constitution et le gouvernement à le devoir de préserver cette liberté.

    La CGT continuera toujours d’agir pour lutter contre la répression et la discrimination syndicale et pour permettre l’exercice des libertés syndicales nécessaires aux conquêtes sociales.

    FO :Oui, il faut se syndiquer !

    C’est le sens du message que Jacques Toubon, Défenseur des droits, et Karen Curtis, représentante de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ont conclu la matinée de présentation du 12e Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, consacrée aux discriminations syndicales réalisée avec la participation de Force Ouvrière.

    Trop souvent perçues comme le pendant de leur engagement, les discriminations syndicales sont une réalité pour les travailleurs.

    Ainsi, près d’un actif sur trois et une personne syndiquée sur deux estiment que les discriminations en raison de l’activité syndicale se produisent souvent ou très souvent. En outre, 46% des syndiqués interrogés affirment avoir déjà été victime de discrimination et 35% de la population active ne se syndique pas de peur de représailles !

    Pour Force Ouvrière, l’engagement syndical doit être considéré pour ce qu’il est : un facteur de progrès social. Toute discrimination en constitue un frein ainsi qu’un danger pour les droits des travailleurs et la démocratie.

    Dès lors, le rôle de l’État dans cette lutte est primordial afin que la liberté syndicale, obligation constitutionnelle et conventionnelle (convention n°87 de l’OIT), soit respectée.

    C’est pourquoi FO a pointé du doigt les contre-réformes qui ont réduit le nombre de mandats tant dans le public que dans le privé, et acté la disparition des CHSCT particulièrement propices à agir dans ce cadre. En outre, la baisse continue des effectifs de l’Inspection du Travail, pourtant essentielle dans la lutte contre la discrimination syndicale, a été fortement dénoncée. FO a ainsi pointé l’incohérence d’un discours promouvant le dialogue social quand les politiques mises en œuvre le réduisent.

    En conclusion de la matinée, la représentante de l’OIT a rappelé que les perceptions sont aussi importantes que les actes, soulignant la nécessité que le rôle des syndicats et de la négociation collective soit promu à tous les niveaux, y compris national. FO a pointé le discours dénigrant les syndicats souvent décrits comme « inutiles » ou « ringards », qui ne participe pas à prévenir et empêcher les discriminations. Au contraire, il conforte ceux qui discriminent et renforce la crainte de représailles des salariés désirant se syndiquer.

    Pour FO, la discrimination syndicale n’est pas une fatalité et doit être combattue notamment en facilitant la preuve et la prévention. Pour y faire face, FO revendique notamment : la mise en place d’indicateurs objectifs permettant aux institutions représentatives du personnel d’obtenir toutes les informations nécessaires pour prévenir les discriminations dans le déroulement de carrière et les rémunérations.

    Enfin, FO revendique également l’augmentation des moyens humains et financiers de l’Inspection du Travail ainsi que la relance du groupe de dialogue relatif aux discriminations au recrutement et en entreprise, délaissé par le patronat depuis 2016.

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