Le « jour d’après » de Gérard Gourguechon

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Gérard Gourguechon, ancien secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts (SNUI), porte-parole de l’Union syndicale Solidaires à sa fondation (1998), aujourd’hui militant de l’Union nationale interprofessionnelle des retraité-es solidaires (UNIRS), nous a fait parvenir ce texte très complet sur les origines et l’histoire détaillée des choix politiques qui ont amené depuis Jacques Chirac à détruire à petit feu le service public hospitalier, les moyens de santé publique, et à introduire la concurrence partout. Il termine son travail par des propositions. Nous donnons accès au texte complet et en publions des extraits.

Gérard-Gourguechon-credit-Attac

Le jours d’après commence aujourd’hui

 

 

 

  • Extraits :

[…]

« Pris individuellement, chacune, chacun d’entre nous est plus ou moins sidéré par ce qu’il nous arrive. Du jour au lendemain, nos genres de vie ont changé, les rythmes ont été modifiés, les jours, les semaines, sont différents, tant pour celles et ceux qui sont « en première ligne », comme les nomme Macron, que pour les autres. C’est, plus qu’à l’ordinaire, le temps des interrogations, des questionnements, des angoisses. Au fur et à mesure des jours, la principale certitude qui ressort, c’est que nous sommes dans une période de grande incertitude, où même celles et ceux qui devraient savoir, soit reconnaissent leurs doutes, pour certains, soient avancent des affirmations vite contradictoires ou changeantes, pour d’autres. Les gouvernants, en général, continuent de piloter selon leurs logiciels anciens, mais nous promettent que, le « jour d’après », il y aura des choses essentielles à changer. Le « jour d’après » est la formule qui leur permet de nous présenter, autrement, les promesses qui ne seront pas tenues : « demain », sera autre, demain, à la Saint- Glinglin. »

[…]

1 – Legs Jacques Chirac.

 

« Sans remonter aux mesures prises par Raymond Barre en 1978 s’inscrivant dans le choix idéologique de « maîtrise des dépenses de santé », nous pouvons rappeler, dans les premiers mois qui ont suivi l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, le « Plan Juppé » de 1995 qui a fait entrer plus directement l’hôpital dans une enveloppe budgétaire préfixée et contrainte par tout rejet de déficit. L’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) voté chaque année avec la loi de financement de la Sécurité sociale va désormais, année après année, fixer des moyens inférieurs aux besoins. Et les nouveaux directeurs des Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH) ont les pleins pouvoirs pour attribuer les budgets, fermer des établissements, imposer des privatisations. Il s’agissait bien de réduire les financements publics et le service public afin de dégager un espace aux acteurs privés.« 

[…]

« Nous n’oublions pas Philippe Douste-Blazy, ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, qui, avec ses ordonnances de mai et septembre 2005, dans le cadre de la « nouvelle gouvernance hospitalière », a instauré une nouvelle tarification à l’activité qui privilégie les recettes sur les dépenses et les résultats sur les moyens. Depuis une loi de janvier 1983, les établissements publics de santé ainsi que les établissements privés Participant au Service Public Hospitalier (PSPH)

 

recevaient une dotation globale de fonctionnement (DG) annuelle, reconduite chaque année : la dotation annuelle était calculée sur la base de l’exercice précédent modulé du taux de croissance des dépenses hospitalières, ce qui déconnectait les moyens de l’évolution de l’activité. Désormais, ce sont les recettes issues des activités hospitalières qui vont déterminer les dépenses, et non l’inverse. Cette « T2A » remplace le budget global qui finançait chaque établissement, souvent de façon insuffisante pour l’hôpital public et pour les établissements privés Participant au Service Public Hospitalier (PSPH), c’est-à-dire le secteur associatif, le secteur mutualiste, les fondations, les centres de lutte contre le cancer, etc. Désormais, chaque établissement public ou privé est financé en fonction de son activité (de sa production d’actes de soins et de la rentabilité de cette production).« 

[…]

2  – Legs Nicolas Sarkozy.

 

« Nous nous souvenons très bien de la loi Bachelot, portée par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé sous la présidence de Nicolas Sarkozy et promulguée en juillet 2009. Cette loi HPST (Hôpital- Patients-Santé et Territoires) complète le plan Hôpital 2007. De nouveau, il s’agit officiellement de réorganiser et de moderniser l’ensemble du système de santé. Nous sommes habitués à ce discours, souvent utilisé quand ils veulent casser un service public ou des systèmes sociaux. Avec cette loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital, le statut des établissements de santé est profondément modifié. Deux nouveautés apparaissent : tout d’abord la définition d’un statut unique pour l’ensemble des établissements de santé au motif avancé de simplifier leur gestion et de faciliter les coopérations hospitalières. Cette nouvelle définition ne se fonde plus sur le statut des établissements de santé mais sur leurs missions. Par ailleurs, des ESPIC (Etablissements de Santé Privés d’Intérêt Collectif) vont remplacer les établissements de santé privés Participant au Service Public Hospitalier (PSPH). Depuis plusieurs années, les attaques avaient commencé contre le secteur privé à but non lucratif, dès 2003, puis dans la loi hôpital 2007. Ce secteur PSPH a une vieille histoire liée à la prise en charge des soins et des personnes les plus démunies par les congrégations religieuses, puis par la mutualité. L’extension de ce secteur gênait celles et ceux qui voulaient laisser le plus de place au secteur privé lucratif (aux investisseurs, etc., tous ceux qui cherchent à rentabiliser leurs capitaux et qui, ensuite, vont pressurer les établissements pour tirer un maximum de profits avec un minimum de dépenses). Ce secteur associatif médico-social non lucratif s’était fortement développé dans le domaine du handicap enfants et adultes. Dans un premier temps, le gouvernement avait envisagé de mettre d’un côté l’ensemble du secteur privé (sans aucune distinction entre privé lucratif et privé non lucratif). Mais les employeurs du secteur sanitaire et médico-social privé non lucratif et la mutualité sont fortement « montés au créneau », refusant d’être assimilés au secteur lucratif. Le gouvernement a sensiblement reculé par rapport à son projet initial, maintenant la suppression des PSPH et les réintégrant plus ou moins sous le terme d’ESPIC. Les ESPIC vont être financés selon la même méthode que les établissements de la Fonction Publique Hospitalière. La T2A va y faire les mêmes ravages : baisse des moyens, baisse des effectifs, blocage des carrières et des salaires. Tout ceci va conduire progressivement, là aussi, à une perte de sens du travail, à une augmentation de la souffrance et du mal-être au travail, notamment du fait de nouveaux types de management reposant sur l’évaluation de la performance des individus. Des grèves se développeront aussi dans ces secteurs, souvent dans l’ignorance totale des médias et du grand public, et avec le mépris total des gouvernements.

 

Avec cette loi « HPST », les missions de service public peuvent être assurées par un établissement de santé quel que soit son statut. Désormais, les personnes morales et physiques à but lucratif sont considérées comme des acteurs de soins entrant dans le service public, et c’est le directeur de l’ARS qui va organiser l’offre de soins du service public et du privé au sein d’un territoire de santé. C’est dire que ce directeur peut glisser ce qui est rentable aux amis détenteurs de capitaux investis dans

« le secteur de l’hôpital ». En effet, les Agences Régionales de Santé (ARS) remplacent les ARH et  vont devoir assurer l’organisation et l’articulation entre l’hospitalisation publique, les cliniques privées, la médecine de ville libérale et le secteur médico-social. Les ARS, dont la compétence territoriale correspond à celle des régions administratives, ont pour but «d’assurer un pilotage unifié de la santé en région ». Il s’agit de moderniser (comme toujours) et de rationaliser (comme toujours aussi) l’offre de soins.« 

[…]

2  – Legs François Hollande.

 

« En mai 2012, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, Marisol Touraine devient ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Il est décidé de ne pas abroger la loi HPST. Pourtant déjà de nombreux décideurs hospitaliers, des professionnels médicaux, des soignants, des organisations syndicales, etc., ont alerté sur les conséquences de la réforme hospitalière engagée par la loi HPST de 2009 qui a fortement dégradé l’organisation du personnel hospitalier. Il est redouté une perte de sens du service public et la remise en cause de la qualité de la prise en charge médicale. Pour rassurer son monde, Marisol Touraine s’engage en septembre 2012 pour un pacte de confiance pour l’hôpital (le Président Hollande retiendra souvent ce terme de « confiance », vis-à-vis des collectivités territoriales aussi, par exemple). Comme le font souvent les gouvernements, une longue phase de concertation va être engagée au cours de laquelle moult rapports seront publiés. Cette mise en scène est généralement retenue pour montrer que le gouvernement a longuement réfléchi, qu’il n’était bien entendu pas du tout arrêté dès le départ sur certaines orientations, et que tout était « ouvert », tout ceci étant organisé pour dissimuler le fait qu’il s’agissait bien de choix idéologiques destinés à favoriser, au final, l’accumulation financière. Ces opérations vont notamment déboucher sur une loi de janvier 2016 dite « loi de modernisation de notre système de santé ». Nous le voyons, il s’agit encore de « moderniser », comme il est dit chaque fois qu’un service public est fortement attaqué. Le gouvernement a bien annoncé sa volonté de redonner à l’hôpital public une place particulière. En réalité, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) votée fin 2012 pour 2013 et celle votée pour 2014 vont sévèrement ponctionner les budgets de l’hôpital public. En mars 2015, Emmanuel Valls étant Premier ministre, Marisol Touraine annonce un plan de 3 milliards d’euros d’économies sur 3 ans, dans le cadre d’une « maîtrise des dépenses de santé ». C’est bien que les intérêts de la finance passent avant ceux de la santé de la population. Ceci va se traduire par la suppression de 22 000 postes, soit 2 % des effectifs. En avril 2016, les organisations syndicales du secteur hospitalier vont rappeler que 100 000 lits ont été fermés en 10 ans et que l’espérance de vie à la naissance a commencé à reculer en France en 2015 (de 0,3 an pour les hommes et de 0,4 an pour les femmes). Pour autant, dans le cadre du plan de redressement des finances publiques, le gouvernement Valls-Hollande demande aux hôpitaux de fermer 10 % des lits en chirurgie et médecine, soit 16 000 lits à fermer. Chaque année l’ONDAM est inférieur à l’inflation, ce qui signifie que, chaque année, les dépenses consacrées à la santé doivent être diminuées par rapport aux dépenses effectuées l’année précédente. Cette pression contribue à accélérer les fermetures de lits, les fermetures de services, les fermetures de petits établissements de proximité. A l’époque, une carte montre que les fermetures de lits seront les plus importantes en Alsace (14 %), en Lorraine (13 %), et en Franche-Comté (13 %), et de 12 % en Ile-de-France. A la même époque, des chefs de service et des organisations syndicales soulignent que des « accidents », les évènements indésirables associés aux soins (IEAS) et les évènements indésirables graves (EIG) ont fortement augmenté au cours des dernières années lors des hospitalisations. Au cours de cette période, on assiste à une forte accélération du mouvement de concentration des établissements privés commerciaux. Le déclin organisé de l’hôpital public s’est en effet accompagné d’un développement du secteur hospitalier privé. Ces cliniques privées commerciales, établissements à but lucratif, versent naturellement des dividendes à leurs actionnaires, lesquels sont, de plus en plus souvent, des groupes financiers, des fonds de pension, etc. C’est la confirmation que la financiarisation du secteur de la santé est en bonne voie. En 2014, la Générale de santé, premier groupe d’hospitalisation en France, fusionne avec l’australien Ramsay santé qui possède alors 151 établissements sur 3 continents. Il est par ailleurs constaté que l’extension du secteur privé lucratif s’effectue prioritairement dans les secteurs les plus rentables. En 2014, les cliniques commerciales assurent 25 % de l’activité hospitalière mais réalisent 54 % des actes de chirurgie, dont essentiellement les plus simples et les plus lucratifs (70 % des opérations d’ablation des amygdales, 74 % des opérations de la cataracte, 63 % des interventions de chirurgie plastique).« 

[…]

4 – Et arrive l’entrée en jouissance de l’ensemble des légataires avec l’apparition du coronavirus.

 

« Quand survient le coronavirus en France, fin janvier 2020, le pays, qui disposait de 11 lits (hôpitaux publics, privés, spécialisés, etc.) pour 1 000 habitants en 1980, ne dispose plus que de 6 lits pour 1 000 habitants. La relecture de statistiques internationales sur l’année 2015 éclaire l’examen comparatif que nous pouvons faire, au printemps 2020, des gestions de la crise sanitaire par différents pays dans les premiers mois de l’année 2020. En 2015, le nombre de lits d’hôpitaux pour    1 000 habitants était de de 13,2 au Japon, de 11,5 en Corée du Sud, de 8,5 en Russie, de 8,1 en Allemagne, de 6,1 en France, de 3,2 en Italie, de 3,0 en Espagne, de 2,8 aux Etats-Unis et de 2,6 au Royaume-Uni. Fin avril 2020, nous avons déjà assez de recul pour constater que certains pays ont pu affronter l’arrivée du virus dans des conditions moins mauvaises que la France. Et il s’agit, comme la France, de pays où le capitalisme financier triomphe tout autant qu’ici, mais où, manifestement, des priorités différentes ont été retenues. En Allemagne, au Japon, en Corée du Sud, les stocks de matériels et les capacités de production sur place mettaient les services sanitaires dans une moins mauvaise situation pour répondre à la pandémie. Ainsi, la Corée du Sud est en capacité de  tester  200 000 personnes par jour. Ces tests massifs permettent d’isoler prioritairement et strictement les personnes testées positives. Ceci évite de réduire le nombre de personnes obligées au confinement et devrait atténuer le contre coup économique qui va résulter d’un confinement massif et long. La France, début 2020, manquait cruellement de matériel, lequel était très souvent produit à l’étranger. Des personnes qui, au préalable, n’avaient pas la parole, peuvent maintenant nous dire qu’il n’y a pas d’industrie de biologie moléculaire en France« 

[…]

(Macron fin 2017) :  « Le parler vrai du Président a fait beaucoup de ravages, lesquels expliquent en grande partie le niveau d’estime et de confiance dans lequel le porte une majorité de la population du pays. Nous nous souvenons que lors de la nouvelle casse du droit du travail, avec ses Ordonnances Travail, il s’adressait aux manifestantes et aux manifestants dans un très grand esprit de dialogue social : « Je ne cèderai en rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ».« 

[…]

(Macron le 12 mars 2020): »

a)  – Emmanuel a dit (le 12 mars 2020):

 

« Le 12 mars 2020, le Président de la République a tenu des propos très forts qui annonçaient des « ruptures » et des choix différents de ceux retenus jusqu’à présent par lui-même et ses gouvernements. Il est utile de les rappeler : « La santé n’a pas de prix… Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires,… quoi qu’il en coûte. … Il nous faudra, demain, tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de notre démocratie. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres, est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà, une France souveraine, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai ».« 

[…]

« Au 1er mai 2020, il est impossible de prévoir le développement de la maladie, en France, en Europe, dans le monde. Les médecins, même les spécialistes des virus, nous l’avons vu, ont été assez désemparés lors de l’arrivée de ce virus. Certains adoptaient des positionnements assurés, au motif trouvé par la suite qu’il ne fallait pas affoler les populations (au risque donc de leur mentir et de leur faire prendre des risques). D’autres faisaient état de leurs doutes. Et, les uns comme les autres n’étaient pas d’accord entre eux et ont souvent changé d’avis, ce qui est plutôt rassurant, au fur et à mesure qu’ils en apprenaient un peu plus.

 

Il est certain que les syndicalistes n’ont aucune compétence particulière pour pouvoir émettre un avis dans ce domaine. Par contre, dans cette période, nous avons à dire et nous avons à faire. Et, effectivement, au quotidien, des syndicalistes disent et font, pour protéger les personnes qui sont au travail, pour garantir leur sécurité et leur santé, tant sur le lieu de travail que sur les parcours entre le domicile et le lieu de travail. Ils disent et ils font pour s’opposer aux atteintes au droit du travail, pour garantir les droits des travailleurs et des travailleuses dans tous les domaines. Et nous avons à dire et à faire, dès maintenant, pour éviter que ceci ne débouche sur un monde encore moins libre, encore moins solidaire, plus dangereux, plus injuste, où les insécurités s’accumuleraient pour le plus grand nombre et les privilèges et les protections pour la minorité privilégiée.

 

Nous l’avons souligné au début de ce texte, c’est la première fois que l’humanité, majoritairement, cherche à maîtriser le développement d’une pandémie, de contrôler plus ou moins la contagion, en suspendant une partie de ses activités pendant une période plus ou moins longue. Mais cette phase n’est déjà possible que par l’activité très grande des personnels soignants et celle de toutes les personnes qui permettent que la population puisse se nourrir chaque jour. Nous avons conscience que cette situation ne peut durer toujours, et qu’il faut bien trouver une façon d’élargir progressivement les activités permises car possibles. Aujourd’hui, la société vit « au ralenti », des activités sont totalement arrêtées et d’autres fonctionnent en surchauffe. Cette « suspension » ne résulte pas d’un choix débattu et décidé ; elle est faite, décidée, rythmée, par l’exécutif sous la contrainte d’un virus dont on ne sait pour le moment se protéger, hormis les gestes barrières, et qui peut provoquer la mort. Pour cette reprise des activités, l’humanité est confrontée à de difficiles choix, entre la santé collective, la santé et la sécurité de celles et ceux qui sont remis au travail, et les besoins économiques, sociaux, culturels, etc., qui, aujourd’hui, sont sacrifiés. Les réticences de celles et ceux qui sont et seront appelés à « reprendre le travail » sont d’autant plus fortes qu’ils et elles ne sont pas consultés pour donner leur avis. Du fait que de très nombreuses activités humaines sont contrôlées par des détenteurs de capitaux (c’est la caractéristique des sociétés capitalistes que les moyens de production appartiennent à des particuliers), celles et ceux qui travaillent peuvent légitimement craindre que les conditions d’exploitation soient aggravées et que leur santé et leur sécurité soient sacrifiées au besoin des détenteurs de capitaux de retrouver vite une place dans les marchés et la concurrence. Les salarié.es peuvent craindre que les profits passent avant leur sécurité et leur vie. C’était déjà le cas assez souvent avant le coronavirus. Il faut donc, dès maintenant, mettre dans le débat public la possibilité pour tous les « acteurs » d’intervenir sur les secteurs prioritaires à remettre en activité (quels secteurs ? à quel rythme ? comment et à quelles conditions ?). Et, dans chaque entreprise, les salarié.es doivent également avoir leur mot à dire sur les conditions de leur retour au travail : quelles activités prioritaires et, éventuellement, quelles activités abandonner et quelles nouvelles activités entreprendre ? Quels liens avec les fournisseurs et les clients, etc.

 

Nous voyons qu’il faut arriver rapidement à de multiples ruptures qui viendront contredire totalement tous les engagements, toutes les décisions, tous les choix idéologiques du Président de la République et de la majorité parlementaire et qui, plus fondamentalement, mettront en cause une partie des avantages et privilèges du capitalisme financier. Nous ne pouvons faire confiance à ce gouvernement, et, d’ailleurs, il ne faut jamais « faire confiance » à quelque gouvernement que ce soit, pour mettre en œuvre de tels choix aujourd’hui indispensables. Aujourd’hui, pendant la « crise sanitaire », la lutte des classes continue. Nous savons que, pendant la Grande Guerre, celle de 1914- 1918, des industriels français ont fait des fortunes colossales en répondant aux commandes de l’Etat. Et nous savons que, dans le même temps, dans les usines devenues des usines d’armement, les femmes et les enfants connaissaient des conditions de travail épouvantables et des conditions de vie misérables. C’est donc dès maintenant que les ruptures doivent être prises. Le mouvement syndical et le mouvement social doivent mettre en débat la question concrète du rapport de forces dans la période actuelle, où les manifestations dans la rue sont impossibles, mais où des lieux de production de biens et de services existent toujours et où la force de travail continue d’y être exploitée. Les forces syndicales et sociales progressistes doivent peut-être mettre en débat la question du rapport de forces à développer dans une telle situation. Aujourd’hui, les gouvernants ont un grand besoin de celles et ceux qui travaillent, qui produisent, qui nourrissent, qui transportent, qui soignent. Leurs propos soudain bienveillants, voire admiratifs et pleins de gratitude, sont le reflet de cette situation de dépendance sensiblement inversée. C’est maintenant qu’il faut s’appuyer sur ce rapport de forces, « le jour d’après » il sera déjà trop tard.« 

Gérard Gourguechon 1er Mai 2020

 

 

 

 

 

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