Le scandale des primes anti-grève à la SNCF

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Robi Morder, juriste en droit du travail, réagit au scandale des primes attribuées aux non grévistes à la SNCF, dont nous apprenons l’existence le 30 janvier 2020.

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PRIME ANTI-GREVE: SNCF HORS LA LOI? 

L’attribution d’une prime à des salariés qui n’ont pas participé à un mouvement de grève est discriminatoire et illicite. C’est ce qu’a tranché la Cour de Cassation dans un arrêt du 1er juin 2010. Il est curieux que les services des ressources humaines de la SNCF ignorent à ce point le droit du travail, à moins qu’ils considèrent que le droit du travail n’est pas fait pour eux!

 

La SNCF a décide de « remercier » les salariés qui se sont « impliqués » au travail pendant la grève en leur accordant une prime, à charge pour les « managers locaux » de décider à qui l’attirbuer, et combien pour chacun. En restant sur le terrain strictement juridique, que des non-grévistes aient travaillé et donc que leur salaire leur soit versé, cela s’entend. Que certains aient travaillé plus, et donc accompli des heures supplémentaires, et que ces heures soient payées en tant que telles s’entend aussi. L’inverse serait d’ailleurs illicite. Pourquoi dès lors parler de prime? Quels critères? Est-ce que cela signifie que cela se fait  à la tête du client sans critère objectif? C’est qu’en réalité il s’agit quasi-explicitement d’une prime anti-grève, d’autant que la SNCF lie explicitement la « récompense » à la période de la grève.

Or, une telle prime est illicite. L’attribution d’une prime à des salariés qui n’ont pas participé à un mouvement de grève est discriminatoire. Peu importe que la raison invoquée soit celle d’une surcharge de travail pour les salariés non grévistes. C’est ce qu’a tranché la Cour de Cassation dans un arrêt de sa chambre sociale du 1er juin 2010 (n° 09-40144).

Cette affaire concernait 17 salariés grévistes qui s’étaient vus privés d’une prime de 150 €, alors qu’elle avait été versée à tous les autres salariés. Ils avaient saisi la juridiction prudhomale pour s’opposer à ce qu’ils estimaient, à juste titre, constituer une mesure discriminatoire fondée sur l’exercice normal du droit de grève. Immédiatement après la saisine du Conseil des prud’hommes, l’employeur versa la prime à certains grévistes…. du moment qu’ils avaient travaillé au moins un jour durant la grève, espérant ainsi échapper à un verdict de condamnation. Le Conseil des prud’hommes décelant la manoeuvre a relevé dans son jugement la mauvaise foi de l’employeur, et annulé la mesure discriminatoire, constatant que le versement de la prime était uniquement lié à la non-participation à la grève.

En appel, puis en cassation, l’employeur expliquait qu’il n’avait pas voulu sanctionner pécuniairement les grévistes, justifiant la différence de traitement par le fait que les non-grévistes avaient du effectuer des tâches supplémentaires durant la grève. Ces arguments ont été rejetés par la Cour de cassation en ces termes: « est discriminatoire l’attribution d’une prime aux salariés selon qu’ils ont ou non participé à un mouvement de grève », même s’il y a eu surcharge de travail des salariés non grévistes.

Il est curieux que les services des ressources humaines de la SNCF ignorent à ce point le droit du travail, à moins qu’ils considèrent que le droit du travail n’est pas fait pour eux!

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