LES SALARIE-ES DES TPE NE SONT PAS DE LA CHAIR A PATRON !

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Dans le sillage des réflexions déjà relayées sur ce blog et dans l’esprit de Syndicollectif d’être un espace de débat intersyndical, nous publions aujourd’hui une contribution de Laurent Degousée, animateur de Sud Commerce et services.

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LES SALARIE-ES DES TPE NE SONT PAS DE LA CHAIR A PATRON !

PSA, Sanofi, Virgin, etc. hier ; Chapitre, Goodyear, Mory Ducros, etc. aujourd’hui : ces mal-nommés Plans de Sauvegarde de l’Emploi, qui font régulièrement la une de l’actualité et donnent lieu à des résistances de la part des salarié-es concernés, ne doivent pas faire oublier la masse des licenciements quotidiens dans les Très Petites Entreprises, que ce soit pour motif personnel ou via une rupture conventionnelle, la plus souvent contrainte.

Un salariat éclaté

En 2008, on comptait un million d’entreprises de moins de 11 salarié-es, soit 85 % des sociétés du secteur concurrentiel et 20 % du salariat 1, ce qui représente 4,6 millions de salarié-es, dont 1,6 million pour le seul particulier-employeur.

Plus encore, la détérioration du marché du travail depuis 30 ans 2, qui se traduit par une hausse ininterrompue du travail à temps partiel, des contrats précaires et du chômage, se ressent plus fortement dans les TPE où, par ailleurs, le salaire moyen est inférieur de 20 % aux entreprises de taille plus importante et se concentre… la moitié des smicards ! Pourtant, selon deux études récentes, la présence syndicale est facteur, d’une part, de baisse du contentieux 3 et, d’autre part, d’augmentation des salaires via le jeu de la négociation collective 4. On retrouve aussi une majorité de ces sociétés, sous-traitantes pour l’essentiel, dans la liste des défaillances d’entreprises qui ont atteint, en 2013, un niveau supérieur à celui de 2008, début de la crise actuelle.

Pour se soustraire aux seuils sociaux et externaliser les contraintes salariales, se développe également, depuis plusieurs années, un capitalisme de la franchise dans des secteurs tels que la grande distribution, la restauration rapide ou les services. Enfin, le management dans les TPE oscille, au mieux, entre le paternalisme et, au pire, les Thénardier : exercer des droits élémentaires tels que se faire payer, prendre ses congés, etc., relève alors du parcours du combattant.

L’interprofessionnel en première ligne

Face à cet angle mort du syndicalisme, nombre d’organisations mettent en œuvre des réponses telles que la présence d’Unions Locales pour mener une action syndicale de proximité (la CGT a construit historiquement le réseau le plus dense, Solidaires commence à la développer), la création de syndicats de sites 5 ou le développement dans les secteurs les plus précaires (le nettoyage par la CNT-SO, les services à la personne, les associations via ASSO, etc.).

De notre côté, nous nous efforçons, à travers notre permanence juridique qui existe depuis 2010, de conseiller, voir de défendre devant la juridiction prud’homale ces travailleurs/euses en majorité, souvent d’origine étrangère et/ou avec un faible niveau d’instruction, parfois non déclarés et en butte à des employeurs de plus en plus arrogants, car c’est à travers le respect des droits élémentaires que la prise de conscience de l’exploitation se construit.

Mettre à mal la subordination

Plutôt que de chercher à augmenter les seuils sociaux, des revendications existent, qui permettraient de changer le rapport de force dans les TPE et au-delà :

  • abolir le seuil de moins de 11 salarié-es (et des 2 ans d’ancienneté) en matière de réparation prud’homale,

  • l’abrogation de la rupture conventionnelle qui constitue trop souvent des licenciements déguisés 6,

  • permettre la reconnaissance, par la voie administrative, des Unités Economiques et Sociales pour contrecarrer plus aisément la mise en franchise (une mesure refusée par le gouvernement lors du récent débat parlementaire sur la réforme de l’Inspection du travail…),

  • les Conseillers du salarié, qui interviennent pour assister les salarié-es convoqués à un entretien de licenciement dans les entreprises dépourvues de représentation du personnel, doivent voir leur prérogatives élargies, voire être issus de ces mêmes boîtes à l’occasion de l’élection de représentativité dans les TPE de 2017, ce qui donnerait à cette dernière une vraie légitimité (seulement 10 % de participation en 2012 pour un scrutin sur sigle),

  • la réintégration, seul moyen de réparer intégralement le préjudice subi suite à la perte d’emploi, doit être de droit pour tout salarié dont le licenciement a été reconnu dénué de cause réelle et sérieuse, contrebalançant ainsi l’autorité patronale.

Il y a urgence car se répand, dans les petites entreprises, un infra-salariat soumis au bon vouloir du patron et, dans celles plus importantes, un droit du travail négocié à coups de reculs sociaux, dans la logique de la loi dite de « sécurisation » de l’emploi de juin 2013, par un syndicalisme le plus souvent enkysté.

Unifier le salariat, lui faire prendre conscience de sa force et développer ainsi la conscience de classe : c’est par des pratiques syndicales renouvelées et par nos luttes qu’on y contribuera !

Laurent Degousée, animateur de SUD Commerce

 

 

 


  1. DARES Analyses N°065, août 2011. 
  2. Dépêche AFP du 29 janvier 2014. 
  3. Le 4 pages du CEE, mars 2014, numéro 111. 
  4. DARES Analyses N°067, septembre 2014. 
  5. Eric Dupin, « Nouvelles structures syndicales pour nouveaux salariés », Le Monde Diplomatique, décembre 2010. 
  6. DARES Analyses N°064, octobre 2013. 
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