Notre Dame : la CGT et des associations s’alarment sur la pollution au plomb

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L’Union départementale (UD) CGT de Paris et d’autres associations luttant contre le saturnisme, notamment l’Association Henri Pezerat, avec sa porte-parole Annie Thébaud-Mony (EHESS), demandent le confinement de Notre Dame de Paris pour pouvoir poursuivre la réparation. La protection des travailleurs-euses et des populations ne doit pas dépendre du prestige de la cathédrale.

Association Henri Pézerat :  « L’Association Henri Pézerat a pour but de créer et de faire vivre un réseau d’échanges d’expérience et d’aide aux luttes sociales concernant la santé des personnes en lien avec le travail et l’environnement. Henri Pézerat était convaincu que l’on ne peut séparer production de connaissances et action militante pour la santé, la vie, la justice, la dignité de tous ceux mis en péril par un développement économique dénué de tout respect de la vie humaine« .

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  • Communiqué de presse du 1er août 2019. Pollution au plomb.
Communiqué de presse du 1er août 2019. Pollution au plomb.

Avant la reprise du chantier Notre-Dame, un collectif de syndicats CGT et d’associations demande le confinement total du site et la création, à l’Hôtel-Dieu, d’un centre de suivi pour toutes les personnes exposées.

Une conférence de presse animée par les syndicats CGT et associations aura lieu lundi 5 août 2019, à 11H place du parvis de Notre Dame à Paris.

Après un rapport de l’inspection du travail et trois mois d’alertes successives – tant de la part des médias, que des associations et syndicats, confrontés à l’inquiétude des agents de nettoyage, des travailleurs du chantier, de tous ceux/celles dont l’activité est proche du site, des riverains, commerçants, familles, etc… – le préfet de région a suspendu le chantier pour cause de pollution au plomb. Nous savons maintenant que celle-ci ne concerne pas seulement le site de Notre-Dame mais les quartiers situés à proximité. Le non-confinement du chantier entraîne en outre, inéluctablement, le ré-envol des poussières présentes sur tout l’édifice et sur le parvis, bien au-delà des limites du chantier, ces poussières venant s’ajouter à la contamination initiale.

Refusant toute polémique concernant les seuils avancés par l’administration, nous tenons à rappeler que le plomb – neurotoxique, reprotoxique, cancérogène et toxique cardio-vasculaire – est dangereux quel que soit le niveau d’exposition. Les seuils réglementaires sont des valeurs de gestion du risque. Il s’agit de seuils d’intervention visant à déterminer les actions nécessaires pour faire cesser la contamination, non pour laisser les personnes exposées.

Nous considérons que la gravité de la situation exige des mesures à la hauteur des menaces qui pèsent sur tous ceux/celles qui, depuis plus de trois mois, vivent et travaillent en permanence dans les lieux contaminés. Il faut arrêter la dissémination de cette pollution toxique et l’exposition possible de tous ceux/celles qui vivent, travaillent, circulent dans les arrondissements touchés.

Le chantier doit être confiné dans sa globalité, comme le prévoit le code du Travail pour tous travaux impliquant les risques Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR).

Une cartographie rigoureuse de la pollution au plomb, telle que, les uns et les autres, nous la demandons depuis le mois d’avril, doit être faite et actualisée à intervalles réguliers, les résultats devant être rendus publics.

Enfin, nous demandons la création, à l’Hôtel Dieu, d’un centre, non pas seulement de dépistage, mais aussi de suivi pour toutes les personnes exposées – pompiers, travailleurs, riverains, etc… – et pas seulement les enfants de moins de 7 ans et les femmes enceintes, même si une attention particulière doit les concerner. L’objectif est celui d’un suivi clinique, psychologique et social, qui devra s’inscrire dans la durée compte tenu des délais d’apparition des différents troubles associés à l’intoxication au plomb.

Nous refusons, d’emblée, qu’un prétexte de « coût » nous soit opposé. La reconstruction de Notre-Dame implique, en premier lieu, le respect de la vie et de la santé. Ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

De plus amples détails seront donnés au cours de la conférence de presse.

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  • Pollution au plomb issue de l’incendie de Notre Dame de Paris

« L’obligation de subir nous donne le droit de savoir »

Conférence de presse, 5 août 2019 Annie Thébaud-Mony

 

 

Les faits

Selon le Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la pollution Atmosphérique (CITEPA, https://www.citepa.org/fr/ ), depuis l’interdiction de l’essence au plomb, on observe une forte réduction des émissions nationales de plomb dans l’atmosphère. Celles-ci sont passées

  • de 1 476 tonnes en 1995, à 240 tonnes en 2000,
  • puis à 110 tonnes environ, chaque année depuis 2015

 

Ainsi, les 400 tonnes de plomb parties en poussières dans l’incendie, représentent près de 4 fois plus que les émissions annuelles de plomb dans l’atmosphère, sur la France entière.

 

Qualité de l’air extérieur

 

L’ARS et la préfecture de police affirment que la qualité de l’air est bonne, en comparant les prélèvements aux valeurs de référence, à savoir un objectif de qualité de 0,25 µg/m3, mais en omettant d’indiquer que cet objectif est établi en « concentration moyenne annuelle civile », et une valeur limite de 0,5 µg/m3, elle aussi « en moyenne annuelle civile » (Décret n° 2010-1250 du 21/10/10 relatif à la qualité de l’air). Elles taisent aussi le rapport du Haut Conseil à la Santé Publique (HCSP, 2014), qui indique que le bilan de la qualité de l’air en France en 2012 montre partout des valeurs inférieures à 0,03 µg/m3 de plomb en site urbain (les rares valeurs supérieures étant retrouvées au voisinage de sites d‘émissions industrielles).

 

Or sur les 51 prélèvements d’air faits entre le 26 avril 2019 et le 15 juillet à l’angle rue d’Arcole X rue du cloître Notre Dame, 31 dépassent la valeur de référence de 0,03 µg/m3. Le 24 mai avec 0,380 µg/m3, la pollution est 12 fois2 la valeur de référence. Et pourtant le capteur est placé à 2,50m de haut, soit beaucoup plus haut que l’atmosphère respirée par les passants. Or Or la pollution vient essentiellement du sol. Ainsi, les résultats de ces prélèvements d’air témoignent d’une pollution persistante de l’air, qui peut être liée au réenvol des poussières, avec le vent et l’activité humaine.

Intensité et Dissémination de la pollution

La carte qui a enfin été publiée en juillet par l’ARS comporte principalement les données du laboratoire central de la préfecture de police de Paris, avec quelques données de la DRAC et du service parisien de santé environnementale.

Aucune cohérence spatio-temporelle ne se dégage de cette carte qui mélange les données recueillies à des dates différentes et à des endroits différents.

 

Néanmoins, il faut souligner :

  • des valeurs de pollution sur le sol, extrêmement élevées, non seulement Place du parvis et sur l’Ile de la cité, mais dans les 5e, 6e arrondissements, y compris récemment (voir en annexe quelques unes des valeurs relevées sur la carte).
  • Les points verts désignent non pas l’absence de plomb mais des valeurs comprises entre quelques µg/m2 et 5000 µg/m2, une fourchette particulièrement large et qui amalgame des mesures préoccupantes, y compris en juin – juillet, avec celles qui pourraient donner une meilleure idée du fameux « bruit de fond ».
  • En voici un exemple : le panache de fumées est parti en direction ouest- sud ouest. Le 5 juin, le LCPP mesure 4860 µg/m2, rue de Vaugirard en bordure du jardin de Luxembourg, alors que le 3 mai, on trouve 100 µg/m2 sur la place de l’hôtel de Ville.

Le HCSP (p 62) considère pour les sols contaminés, qu’il n’est pas pertinent de fixer un objectif de qualité qui s’appliquerait pour tout type de sol, tant sont variées les conditions et circonstances d’exposition. La définition d’objectifs de qualité doit nécessairement intégrer une analyse des circonstances particulières de contact entre les personnes et les milieux considérés.

 

La pollution intérieure des logements :

Entre mai et juillet, seulement 16 prélèvements ont été effectués dans des logements, situés, dans le 4e, rue du Cloître Notre-Dame, rue d’Arcole, rue Chamoînesse, et, dans le 5e, quai Saint Michel, rue de la Bûcherie et rue de Poissy.

Dans le document de l’ARS, il n’est pas fait référence à la méthodologie utilisée ni au choix des logements concernés. Pas de détails sur les lieux précis de prélèvements. Or :

  • Si pour 10 logements tous les prélèvements sont inférieurs à 7,5 µg/m2 (seuil de détection de l’opérateur)
  • 6 logements ont au moins 1 prélèvement compris, non pas entre 7,5 µg/m2 et 1000 µg/m2, comme l’écrit l’ARS, mais entre 77 µg/m2 et 1000 µg/m2, soit très au dessus du seuil de 70 µg/m2 qui justifie une intervention rapide
  • dans 1 logement (parmi les 6 mentionnés) 1 prélèvement supérieur à 1 000 µg/m a été noté.

 

La pollution des écoles

La mairie de Paris a réalisé des prélèvements dans les écoles, en mai3 et en juillet4. Comment a été fait le choix des écoles ? Ceci n’est pas indiqué dans le rapport de la mairie. Les résultats de juillet témoignent de niveaux de pollution très élevés dans les cours de récréation.

Le 23 juillet, les prélèvements faits à l’école maternelle Saint Benoît (rue Saint Benoît, 5e arrondissement), montrait une pollution à 110 µg/m2, sous le préau, à 543 µg/m2 et 7 123 µg/m2 dans les cours de récréation. A l’école élémentaire Saint Benoît, outre des valeurs dépassant les 70 µg/m2 dans certaines classes ou locaux intérieurs, le centre de la cour de récréation présentait un taux de 7 115 µg/m2. L’école maternelle Saint Germain l’Auxerrois (1er arrondissement), présentait, le 26 juillet, des taux à plus de 200 µg/m2 dans les cours de récréation.   L’Ecole   maternelle   Saint   André   des   Arts  (5e arrondissement) présentait le 29 juillet des taux très élevés dans les espaces extérieurs (cours de récréation) : 24 088 µg/m2, 543 µg/m2 et 583 µg/m2.

La pollution la plus importante est retrouvée dans l’école maternelle, rue Verneuil, dans le 7e arrondissement le 31 juillet 2019 : à l’intérieur, on trouve des points à 73, 110, 113, 123 µg/m2 ; à l’extérieur, les cours présentent des taux à 24 148, 1755 et 833 µg/m2.

Nous espérons que les opérations de nettoyage envisagées seront techniquement appropriées pour faire cesser une telle situation de danger pour les enfants, dont le suivi s’avère, dans ces circonstances indispensables. C’est aussi ce que montre le témoignage recueilli par Mediapart auprès d’un couple dont l’enfant présente une plombémie à 48,8 µg/litre de sang5. C’est aussi le besoin qui se dégage des résultats des premières plombémies faites chez des enfants.

 

Les plombémies :

L’ARS a publié les données concernant 82 plombémies faites chez des enfants entre mai et juillet 2019 : pas de données précises âge et date de prélèvements, pas de mise en contexte espace/temps par rapport à la pollution. Or la plombémie décroît en quelques jours ou quelques semaines, hors exposition. D’où la difficulté d’interprétation, mais surtout la nécessaire compréhension pratique de l’exposition subie, en particulier pour les 11 enfants ayant une plombémie supérieure à 25µg/L, surtout s’il y a cumul d’exposition entre le plomb de Notre Dame et celui d’une pollution antérieure à l’incendie. De nouvelles données sont présentées le 6 juillet qui témoignent à nouveau de plombémies dépassant les 25 µg/L, voire même les 50 µg/L.

Soulignons que cet examen est incontournable (tant chez l’adulte exposé que chez l’enfant), mais très clairement insuffisant, tant pour la connaissance des personnes contaminées et des conditions d’exposition que des effets sanitaires.

 

AGIR Maintenant?

Rappelons que le plomb – neurotoxique, reprotoxique, cancérogène et toxique cardio- vasculaire – est dangereux quel que soit le niveau d’exposition.

Les seuils réglementaires sont des valeurs de gestion du risque. Il s’agit de seuils d’intervention.

Nous considérons que la gravité de la situation exige des mesures à la hauteur des menaces qui pèsent sur tous ceux/celles qui, depuis plus de trois mois, vivent et travaillent en permanence dans les lieux contaminés. Il faut arrêter la dissémination de cette contamination et l’exposition possible de tous ceux/celles qui vivent, travaillent, circulent dans les arrondissements touchés.

Le chantier doit être confiné dans sa globalité, pour arrêter la dissémination du plomb substance redoutablement toxique et permettre que les équipements de décontamination gagnent en efficacité à l’intérieur du chantier.

Les mesures faites par à coup, à chaque fois dans des lieux différents, ne permettent pas de suivre rigoureusement la décroissance de la pollution. Une cartographie rigoureuse de la pollution au plomb, doit être faite et actualisée à intervalle régulier, les résultats devant être rendus publics.

Enfin, depuis 4 mois de nombreux travailleurs sur le chantier ou à l’extérieur, des riverains, écoliers, résidents, etc… sont exposés aux retombées de l’incendie.

Une des seules expériences semblables est celle du World Trade  Center.  Les  chercheurs de l’hôpital Mont-Sinaï à New York ont créé un centre de suivi des victimes du World Trade Center. Leurs publications montrent l’importance des problèmes de santé vécus par les intervenants et les bénévoles du 11 septembre 2001. Ces études témoignent de la nécessité d’un suivi à long terme6.

Il ne suffit pas de renvoyer chacun à son médecin traitant, car nombre des médecins n’ont reçu aucune formation concernant ce type de risque sanitaire et cela disperse la connaissance des effets d’une telle catastrophe sanitaire. La plombémie sans accompagnement médical ne peut répondre à l’inquiétude, voire l’angoisse, des familles concernées, mais aussi des travailleurs du nettoyage et de ceux du chantier, des commerçants, des enseignants, des policiers, des pompiers, des soignants….

C’est pourquoi, nous demandons la création, à l’Hôtel Dieu, d’un centre, non pas de dépistage, mais de suivi pour toutes les personnes exposées – pompiers, travailleurs, riverains, etc… – et pas seulement les enfants de moins de 7 ans et les femmes enceintes, même si une attention particulière doit les concerner. L’objectif est celui d’un suivi clinique, psychologique et social, qui devra s’inscrire dans la durée compte tenu des délais d’apparition des différents troubles associés à l’intoxication au plomb.

Notre préoccupation rejoint celle du Haut Conseil de la santé Publique :

« L’ensemble des données recueillies lorsque des milieux de contact (sols, poussières de maison, eau de boisson) présentent des concentrations de plomb excédant les niveaux déclenchant un dépistage préconisés dans ce rapport (HCSP) devraient être réunies dans une base de données nationale, où seront saisis les résultats des mesurages dans les milieux (avec spécification de la stratégie d’échantillonnage et méthodes de mesure) et des analyses de plombémie qui doivent en résulter, assorties d’informations caractérisant les sujets et conditions d’exposition. Cette base de données sera un précieux outil de connaissance pour l’étude des facteurs influençant la relation entre  teneurs environnementales et plombémies. » (Haut conseil à la santé publique, Juin 2014).

 

Annexe

Quelques valeurs relevées avec lieux et dates

Place du Parvis de ND

  • 19/6 (LCCP) :
  • 1 300 000
  • 550 000
  • 36 000

 

  • 15/7 (LCPP)
  • 85 000`
  • 13 500
  • 10 000

 

Ile de la cité

Quai du marché neuf (LCCP 15/7) : 62 000 et 22 000 (angle préfecture de police) Rue de la cité (LCPP 15/7) : 13 500

Hotel Dieu (APHP 05/7) : 6180 ; 12 100

Petit Pont (LCPP 15/7) : 37 000 et 17 000

Rue du Cloître Notre Dame (LCPP 15/7) : 7 210 ; 4 190

 

Hors Ile de la cité

Rue Bonaparte (LCCP 10/05) : 53 100

Rue de Bucie X rue Seguier (LCPP 10/05) : 7 300 Fontaine Saint Michel (LCPP 28/05) : 28 400 Saint Germain des prés (LCPP 5/6) : 7560

Rue Jacob (LCPP 05/06) : 7560

Rue du four X rue de Rennes (LCPP 05/06) : 6860

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