Représentativité et syndicalisme (suite) : « L’étoile du berger »

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Robert Pelletier, de l’hebdomadaire  l’Anticapitaliste (NPA), a publié un article sur la mesure des résultats de représentativité syndicale : « des additions stupides« .

 

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Qu’est-ce qui fait briller l’étoile du Berger ?

 

La presse bourgeoise ne cache pas sa joie : la CGT est dépassée par la CFDT dans les résultats électoraux. « Séisme » pour le Monde, « déculottée finale » pour les Échos…

 

L’honnêteté de la présentation est telle qu’elle rend difficile voir que, si la CGT est devancée par la CFDT dans le privé à 24,85 % contre 26,37%, elle reste la première organisation syndicale dans le public, à 23,08 % contre 19,27%, et dans la mise en commun des deux secteurs à 24,26 % contre 24,01 %…

 

Les additions stupides

Dans le privé, le plus notable est la progression de la CFE-CGC, qui passe de 9,43 % à 10,67 %. Le piège des dispositions sur la représentativité syndicale, mise en place sous Sarkozy avec la bénédiction de la CFDT et de la CGT, se referme sur cette dernière qui espérait éliminer les petits syndicats dans l’optique d’un « syndicalisme rassemblé » avec la CFDT. L’addition des résultats électoraux des TPE-PME, des grandes entreprises et du secteur public au travers des élections de comités d’entreprises (où le clientélisme est très important et où l’étiquette CGT est souvent synonyme de répression), est mortifère. Les gouvernements ne s’y sont pas trompés en supprimant les élections prud’homales où la CGT et FO obtenaient de meilleurs résultats. Les élections dans les TPE ont montré que, malgré le matraquage anti-CGT lors de loi travail, le positionnement « contestataire » de la CGT est validé. Ces résultats ne rendent pas compte des capacités de mobilisation que peuvent porter des syndicats comme ceux de Solidaires.

La presse réactionnaire fait de ces résultats un test censé sanctionner la politique de la CGT lors de la loi travail. En fait, sur quatre ans, ce sont aussi les zigzag du « syndicalisme rassemblé » et le désarroi causé par l’affaire Lepaon qu’il faut prendre en compte.

 

Les coups du capital

Les explications mises en avant par la direction de la CGT sont centrées sur l’évolution du salariat. Indéniablement, la quasi-suppression de grands secteurs industriels, les profondes restructurations de l’appareil productif et modifications dans l’organisation du travail ont contribué à l’affaiblissement d’une CGT dont ils constituaient des « bastions ». Oscillant entre ouvriérisme et adaptation sans discernement aux préoccupations des ingénieurs, techniciens et cadres (ITC), de nombreux syndicats CGT ont éclaté, se retrouvant minorisés face une CFDT plus « souple » ou à une CGC plus conséquente dans la défense catégorielle des cadres.

Ceci pèse lourdement sur les capacités de mobilisation, dans un contexte où le chômage reste une menace toujours plus grande.

 

Le coût de la bureaucratie

La deuxième explication réside dans la politique de la CGT. La CFDT qui avait su capter une partie des aspirations de mai 68 a, dès le milieu des années 70, compris la nécessité d’un « recentrage » syndical, ouvertement réformiste, qui apparaîtra au grand jour en 1995, lors des mobilisations sur les retraites et… la loi travail. De son côté, la CGT, « courroie de transmission » du PCF, va s’embourber dans l’accompagnement syndical des politiques des gouvernements de gauche. Une orientation qui déstabilisera bien des équipes militantes, prenant des distances avec tout projet politique et/ou abandonnant le militantisme. Le résultat est sans appel : de plus de 50 % en 68, la CGT tombe à 25 % dans les années 80 alors que la CFDT ne progresse quasiment pas.

Pire, dans le public, les ministres communistes, bras dessus bras dessous avec les responsables CGT à EDF, à Air France, dans la sidérurgie, aux « PTT », vont carrément scier la branche sur laquelle ils étaient assis, engageant au travers des privatisations des destructions d’entreprises qui vont déstabiliser le syndicalisme. Les petits profits (garder la main sur les CE, sources de revenus décisifs ou des postes dans les couloirs du pouvoir), le disputent aux convictions politiques. Le patronat va de plus en plus s’appuyer sur des syndicats CFDT plus conciliants (les moutons noirs sont exclus), alors que FO est souvent plus imprévisible. Et la mise en place des 35 heures, avec les lois Aubry cautionnées par la CGT, accélère le processus de mise place de structures CFDT dociles.

 

Ceux qui vivent sont ceux qui se battent !

La CFDT fait valoir que son poids parmi les seules organisation syndicales représentatives dans le privé est de plus de 30 % pour agiter la « menace » de signature d’accords par elle seule, permettant le contournement des autres syndicats au travers des référendums d’entreprise. Rodomontade bien inutile car dans tous les mauvais coups, la CFE-CGC, l’UNSA ou la CFTC ont rarement fait défaut.

La direction confédérale CGT ne pourra se contenter de dénoncer les évolutions sociologiques de la « classe ouvrière » ni les manœuvres gouvernementales. Prendre l’initiative, la tête des mobilisations, reste le meilleur moyen pour qui veut prétendre représenter la classe ouvrière. Dans un secteur comme l’automobile, chez Ford, à la SBFM, à PSA Poissy, à Renault Cléon et Lardy, la preuve est faite que combativité et audience ne sont pas incompatibles.

Repartir sur la piste des réformes internes (fusion de fédérations, mise en place bureaucratique de structures régionales chapeautant des UL ou des UD indociles) est à l’opposé de ce qui est nécessaire. Et il faut enfin mettre la question de la démocratie ouvrière, de la démocratie syndicale au cœur de l’activité, en arrêtant de la diaboliser comme antisyndicale. Car, comme le dit Philippe Poutou, l’urgence est de prendre nos affaires en mains. Toutes nos affaires…

Robert Pelletier

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