Syndicalisme en Grèce : une description par l’Institut européen du travail (ETUI)

Posté dans International avec les étiquettes , le par .
Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Share on LinkedInEmail this to someonePrint this page

L’Institut syndical européen (European Trade Union Institute, ETUI) est le centre indépendant de recherche et de formation de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui regroupe elle-même les organisations syndicales d’Europe. L’ETUI met ses compétences – acquises notamment dans le cadre de ses réseaux académiques, universitaires et d’experts – au service de la défense des intérêts des travailleurs au niveau européen et au renforcement du volet social de l’Union européenne.

etui_baseline

logo-numerique-ces-etuc


Les syndicats en Grèce

Entre un cinquième et un quart des travailleurs grecs sont membres d’un syndicat, mais la situation est très différente dans le secteur public, qui compte de nombreux affiliés, et dans le secteur privé, où l’influence des syndicats est assez faible. Il existe seulement deux grandes confédérations : l’ADEDY, qui représente les fonctionnaires, et la GSEE, qui regroupe les travailleurs des autres secteurs. Les structures syndicales inférieures sont toutefois très fragmentées.

Les statistiques sur le nombre de personnes syndiquées en Grèce sont variables, mais les chiffres fournis par les syndicats donnent à penser qu’elles sont au nombre de 800 000 environ. En tenant compte des affiliés qui ne sont pas travailleurs, on peut évaluer le taux de syndicalisation à 22 % de la population active. Selon un rapport publié en 2001 par la confédération syndicale majoritaire, la GSEE, reposant sur une enquête menée auprès de la population adulte, 30 % des travailleurs étaient affiliés à un syndicat. Cependant, la base de données des syndicats ICTWSS a chiffré le taux de syndicalisation en Grèce à 25,4 % en 20111 .

Le mouvement syndical grec se compose de deux grandes confédérations syndicales : la GSEE (Geniki Synomospondia Ergaton Ellados, Confédération générale du travail de Grèce), qui regroupe les travailleurs du secteur privé et les travailleurs employés dans les entreprises et les secteurs sous contrôle public (comme les banques, les transports ou les services tels que la distribution d’électricité et d’eau); l’ADEDY (Anotati Diikisis Enoseon Dimosion Ypallilon, Confédération des syndicats des fonctionnaires publics), qui représente uniquement les fonctionnaires (enseignants, employés des ministères ou des administrations locales).´

Lors de son congrès de 2007, la GSEE a déclaré 472 000 affiliés. L’ADEDY revendique environ 311 000 membres3 .

Dans le passé, les deux confédérations ont exprimé le souhait de travailler main dans la main en vue d’une éventuelle fusion. Bien qu’un certain nombre d’organismes sont d’ores et déjà dirigés conjointement par les deux confédérations, par exemple l’institut de recherche INE/GSEE-ADEDY, il y a eu peu d’avancées dans ce sens au cours de la période récente.

La législation grecque prévoit trois niveaux d’organisation des syndicats. À la base, on trouve les syndicats de premier niveau, qui étaient au nombre de 3 400 en 2007. Ils sont dotés d’une autonomie juridique et leur activité est encadrée par la loi. Dans le passé, les syndicats de premier niveau étaient principalement organisés par profession et souvent actifs dans une zone géographique restreinte. Aujourd’hui, beaucoup sont regroupés par entreprise ou sont des antennes d’organisations régionales ou nationales plus importantes. En conséquence, plusieurs syndicats peuvent, en théorie, être présents sur un même lieu de travail. Mais cela est moins fréquent que dans le passé.

Viennent ensuite les organisations de deuxième niveau. Il s’agit soit de fédérations sectorielles ou professionnelles, soit d’organisations régionales, appelées centres de travail. Chaque syndicat de premier niveau s’affilie à la structure de deuxième niveau de son choix, ce qui détermine les modalités d’affectation de ses délégués lors du congrès national de la GSEE, par l’intermédiaire des fédérations sectorielles/professionnelles ou des centres de travail régionaux.

Enfin, les structures de troisième niveau sont les confédérations, comme la GSEE, composées d’organisations de deuxième niveau. La GSEE se compose d’environ 150 organisations de deuxième niveau (75 fédérations sectorielles/professionnelles et 70 centres de travail régionaux). L’ADEDY est essentiellement organisée par ministère et est présente dans 52 fédérations4 .

Il en résulte une grande fragmentation organisationnelle. Bien que les confédérations se soient efforcées de réduire la fragmentation organisationnelle du mouvement syndical, en encourageant par exemple la coopération entre les fédérations sectorielles, les progrès ont été lents jusqu’à présent.

L’une des raisons est sans doute que les pressions financières qui ont conduit à des fusions dans d’autres pays sont moins fortes en Grèce, car les syndicats (de deuxième et troisième niveau) ne dépendent pas entièrement des cotisations directes de leurs affiliés. Une grande partie de leurs ressources provient en effet de l’État par le biais d’un fonds auquel contribuent tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non. Ce fonds sert à couvrir les coûts d’équipement et de personnel, ainsi que certains frais généraux, comme les frais d’affranchissement et de communication. Mais depuis la crise, cette source de financement est menacée. En novembre 2012, les contributions à ce fonds ont été réduites de 50 % et l’OEE, l’organisme qui a notamment la mission de fournir un financement aux syndicats, a été dissous. Reste à savoir comment les syndicats seront financés à l’avenir.

Le syndicalisme grec est traditionnellement très politisé, les principaux partis politiques étant représentés directement dans les organisations par le biais de fractions organisées. Les 45 membres du conseil exécutif de la GSEE sont élus lors du congrès sur la base des blocs politiques. Le conseil exécutif élu lors du congrès de mars 2010 compte 22 membres apparentés aux sociaux-démocrates du PASOK, 11 membres de la fraction proche du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie, 9 membres liés au parti communiste et 3 membres d’une fraction autonome, apparentée au parti de gauche SYRIZA. Ces blocs étaient auparavant représentés dans la direction de la GSEE : son président est issu de la fraction liée au PASOK et son secrétaire de la fraction proche du parti de la Nouvelle démocratie. La crise que traverse actuellement le pays a cependant remodelé les positionnements politiques.

En l’absence de statistiques précises, il est difficile d’étudier en détail l’évolution des effectifs syndicaux. Les tendances à long terme semblent toutefois claires, marquant une ligne de partage entre le secteur public et le secteur privé. Alors que le taux de syndicalisation dans le secteur privé est aujourd’hui deux fois moins élevé qu’au milieu des années 80, il a progressé de 50 % dans la fonction publique en 20 ans. Au total, le taux de syndicalisation a reculé d’un tiers. On observe par conséquent des différences substantielles dans les niveaux d’organisation des branches de l’économie. Si le taux de syndicalisation est élevé dans le secteur public et les secteurs sous contrôle public ou récemment privatisés, comme dans la compagnie publique d’électricité DEH ou chez l’opérateur national des télécommunications OTE (que le gouvernement a privatisé en vendant une partie importante de son capital à la société allemande Deutsche Telecom), il est faible dans l’ensemble du secteur privé, dominé par les très petites entreprises5 .

L. Fulton (2013) La représentation des travailleurs en Europe. Labour Research Department et ETUI. Réalisé avec l’aide du Réseau SEEurope, publication en ligne, disponible sur : http://fr.worker-participation.eu/Systemes-nationaux

1. ICTWSS Database: Database on Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts, in 34 countries between 1960 and 2012. Créée par Jelle Visser, Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies (AIAS), Université d’Amsterdam, version 4, avril 2013 (voir http://www.uva-aias.net/207). [2]
3. Voir EIRO, Greece: Industrial relations profile, 2009 : http://www.eurofound.europa.eu/eiro/country/greece.htm.
4. Ibid.
5. Pour de plus amples informations sur les tendances et les structures du taux de syndicalisation, voir Christos A Ioannou, From Divided “Quangos” to Fragmented “Social Partners”: The Lack of Trade Union Mergers in Greece, dans Jeremy Waddington (dir.), Restructuring Representation, The Merger Process and Trade Union Structural Development in Ten Countries, p. 139-164, P.I.E-Peter Lang, Bruxelles, 2005.
Print Friendly

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *