Syndicalisme, mouvement social, forces politiques : nouveaux débats?

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Après la séquence électorale, le débat revient sur les rapports souvent difficiles entre mouvements sociaux et forces politiques. Deux exemples : Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, dans un entretien à Reporterre, et un article du HuffingtonPost, sur les réactions de responsables syndicaux aux initiatives de France insoumise. Plusieurs responsables syndicaux (PSA, commerce) ont cependant pris la parole au rassemblement du 12 juillet à Paris à l’appel des députés de France insoumise, contre les ordonnances Macron. 

  • Aurélie Trouvé : « Plutôt que d’insister sur la préservation des acquis, nous devons proposer un projet nouveau »

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15 juillet 2017 / Entretien avec Aurélie Trouvé

 


Extraits :

[…]

Une des forces du capitalisme n’est-elle pas aussi sa capacité à se réinventer ? Emmanuel Macron, avec son discours sur les start-up, l’esprit d’entreprise, la technologie, ne remet-il pas au goût du jour le capitalisme ?Oui, il a la capacité de se projeter dans un monde nouveau. Nous devons en prendre de la graine et cesser d’être sans arrêt dans la défensive. Par exemple, sur la loi Travail, plutôt que d’insister sur la préservation de nos acquis sociaux, nous devrions proposer un autre projet de société, une autre relation au travail. Comment faire en sorte que chacun puisse agir sur ses manières de produire ? Comment nous libérer du travail ? Idem dans l’agriculture, les scenarii Afterre 2050 nous expliquent comment développer la bio, les circuits courts, les énergies renouvelables… Nous avons déjà les outils, les cadres de pensée, il reste à se les approprier, et à les diffuser largement.Emmanuel Macron a réussi un incroyable tour de force en se faisant passer pour le renouveau. Il représente tout ce qu’il y a de plus ancien : l’ENA, le libéralisme pur et dur…
N’incarne-t-il pourtant pas un libéralisme qui se renouvelle ? Par rapport au capitalisme de Trump, fondé sur les énergies fossiles et la xénophobie, il prône un capitalisme technologique, vert, séduisant…Le moteur reste le même ! Le capitalisme financier se nourrit de la croissance économique. Or tout point supplémentaire de croissance s’accompagne d’émissions de gaz à effet de serre – c’est ce qu’a montré la commission sur le développement durable britannique de Tim Jackson. L’enjeu pour nous est de penser un système sans croissance qui apporte de la prospérité. Cela veut dire partager le temps de travail, soutenir la création d’emplois verts et dans les services relationnels.C’est ce type de vision sociétale qu’il faut promouvoir pour que les gens y adhèrent et se rendent compte que cette société est possible, mais que cela suppose de remettre en cause le système actuel.Emmanuel Macron est le promoteur le plus absolu du capitalisme financier, même s’il a eu besoin de le verdir. Mais l’écologie version Macron ne pourra être qu’un environnementalisme dénué de social — puisqu’il prévoit une destruction massive des droits des travailleurs — et compatible avec les multinationales. Les multinationales se développent en exploitant le travail et les ressources naturelles. Nous ne devons pas oublier que les mobilisations sociales et écologistes sont étroitement liées, car je crains que ce ne soit là la stratégie de Macron. En ayant recruté Nicolas Hulot et en verdissant son image, il montre qu’il a compris que le plus dangereux pour son système serait l’alliance entre les mobilisations sociales et écologistes.


Le choix de Hulot serait donc un coin dans le mouvement social, pour le diviser ?

Je crains qu’il y ait cette tentation de donner quelques gages aux organisations environnementales tout en allant à fond dans la loi Travail, en espérant ainsi endormir les écolos et affaiblir la mobilisation.


En l’absence d’une gauche politique forte comme contre-pouvoir, que peut le mouvement social ?

Dans ce contexte de recomposition, il est essentiel que le mouvement social et les partis politiques discutent. Il est peut-être temps de réinterroger la Charte d’Amiens de 1901, qui actait l’indépendance des mouvements syndicaux vis-à-vis des mouvements politiques. Aujourd’hui, le fossé se creuse de plus en plus. D’un côté, syndicats et associatifs rejettent les partis et la politique, allant même jusqu’au vote blanc ou l’abstention. De l’autre côté, un certain nombre de leaders politiques de gauche méprisent le mouvement social, considérant qu’il n’est plus représentatif et qu’il ne sert plus à grand-chose.

Au contraire, nous avons besoin d’une convergence très forte entre mouvements sociaux, intellectuels et politiques. Il y a des expériences très intéressantes qui vont dans ce sens : l’expérience des villes rebelles en Espagne, ou même à Grenoble. Les prochaines municipales pourraient permettre cette convergence. Mais ce n’est pas fait ! À Montreuil, où j’habite, les différents partis de gauche se bouffent entre eux, et les listes citoyennes n’ont pour l’instant pas donné grand-chose.


Attac est né de l’altermondialisme. Aujourd’hui, nous sommes passés à une opposition protectionnisme vs mondialisation. Quelle place pour la troisième voie qu’est l’altermondialisme ?

Il faut revenir à un multilatéralisme comme celui des Nations unies. Le mouvement altermondialiste n’est pas protectionniste : nous prônons une autre mondialisation, où l’on régulerait la finance, où l’on reviendrait à un ordre monétaire international beaucoup plus fort… C’était le projet de Keynes en 1944 à Bretton Woods, et il a failli aboutir. Notre projet n’est pas utopiste !

C’est tout l’enjeu de la période actuelle : arriver à construire politiquement, intellectuellement et dans les mouvements sociaux, une mondialisation qui soit porteuse de protection pour les citoyens, et de progrès social et écologique. Pour ce faire, il s’agit de remettre en cause le dogme du libre-échange, et de faire passer les droits humains fondamentaux avant le droit de la concurrence.

Dans un contexte de xénophobie et de fermeture des frontières, l’altermondialisme n’a jamais été autant d’actualité.


Quel est l’objectif de l’Université d’été d’Attac, dont Reporterre est partenaire ?

L’objectif premier de cette Université, c’est de débattre. Dans la période actuelle de recomposition, nous avons un besoin urgent de discuter, entre chercheurs, leaders de mouvements sociaux, leaders de résistances locales. Deuxièmement, ce sera un moment fort de construction des mobilisations à venir. En septembre nous attendent trois campagnes. Celle contre la loi Travail, que l’on commence déjà à organiser. Celle contre le traité Ceta, puisque Macron ne fera aucune concession sur le traité, cela fait partie de son ADN libéral, sauf s’il y a une très forte mobilisation citoyenne. Et celle contre le capitalisme financier, que nous appelons « Rendez-nous l’argent ». Nous avons les moyens de financer la transition écologique, à condition que les multinationales plient. Nous allons donc cibler prioritairement la première multinationale en matière de capitalisation boursière, Apple, qui est aussi une championne de l’évasion fiscale.

  • Propos recueillis par Hervé Kempf et Lorène Lavoca
  • Loi Travail : Pourquoi Jean-Luc Mélenchon et les syndicats ne sont pas sur la même longueur d’onde

    La France insoumise est seule à faire un rassemblement contre la loi Travail ce mercredi soir

    Extraits :
    […]

    POLITIQUE – Première journée de « la bataille populaire ». Alors que son groupe de La France insoumise est très actif à l’Assemblée contre la réforme du code du Travail, Jean-Luc Mélenchon lance en parallèle une mobilisation dans la rue. Il a donné rendez-vous ce mercredi place de la République à 18h30 pour une manifestation qu’il espère se répandre partout en France.

     « Je demande à mes amis partout dans le pays d’organiser des rassemblements le 12 juillet, de le proposer aux autres« , avait-il déclaré au lendemain du vote de confiance à Édouard Philippe. Seulement, cet appel a été peu suivi, particulièrement par les syndicats qui veulent rester en dehors de cette contestation politique. Aucune grande centrale n’a répondu favorablement quelques jours après une première manifestation à l’appel d’une intersyndicale devant l’Assemblée.
     « Qu’on aille pas dire c’est la France insoumise toute seule. Oui mais on n’a pas le temps d’organiser des grandes rencontres, de faire des communiqués à 50-12 milles signatures. Vient qui veut. Notre sujet, c’est que tout le monde s’intéresse. Les syndicats ont déjà commencé leur part, j’ai vu du matériel de la CGT« , explique Jean-Luc Mélenchon dans une vidéo publiée sur Twitter.

    […]

      Chacun son rôle

    « Il fait ce qu’il veut, il est dans son mouvement politique. Les politiques rêvent souvent de doubler les syndicats en matière sociale. Leur préoccupation principale devrait être d’écouter les syndicats », a taclé Philippe Martinez, patron de la CGT. « Nous n’avons pas de relations formelles avec lui mais seulement des échanges ponctuels, le plus souvent à leur demande. Nous sommes très attachés à l’indépendance vis-à-vis des partis politiques« , lance Yves Veyrier, porte-parole de Force Ouvrière.

    Il ne voit pas forcément d’un mauvais oeil que Jean-Luc Mélenchon mène le combat à l’Assemblée. Pour peu, qu’il ne déborde pas de son terrain. « Nous ne sommes pas sur le même terrain, chacun avec un rôle différent. Que l’opposition politique critique les ordonnances parce qu’elle se sent dessaisie, c’est son droit mais n’oublions pas que c’est aussi par ordonnances que la Sécurité sociale a été créée ou que la cinquième semaine de congés payés a été obtenue en 1982« , souligne-t-il.

    Du côté de chez Solidaires, c’est la même ligne. « Aujourd’hui, la discussion est à l’Assemblée nationale. C’est logique que les députés insoumis, comme les communistes d’ailleurs, s’y fassent entendre. Jusqu’à présent nous d’avons pas de contacts officiels avec eux mais cela ne nous empêche pas d’être dans des appels communs contre le texte« , indique Eric Beynel.

    […]

    Un front syndical désuni

    Seulement, jusqu’à présent, le front syndical est désuni. Sentant qu’il n’obtiendra pas gain de cause dans la négociation, Philippe Martinez a lancé un appel à manifester le 12 septembre. Ce devrait être la première grande mobilisation de l’ère Macron. Solidaires y sera après un tour de chauffe le 30 août lors de l’université d’été du Medef « qui sont les vrais donneurs d’ordre de cette réforme« .

    Mais pour le moment, Force Ouvrière n’est pas sur cette ligne. « On ne peut pas être crédible dans la discussion avec un appel à la grève dès maintenant« , déplore Yves Veyrier qui veut attendre fin août et avoir le contenu des ordonnances avant de bouger.

    […]

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