Une contribution au bilan du Forum syndical antiraciste

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Théo Roumier, de Solidaires (SUD Education) tire un premier bilan du Forum syndical antiraciste organisé le 18 mai dernier (paru sur son blog dans Médiapart). Des discussions se mènent pour la poursuite et le renforcement de cette initiative.

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Forum syndical antiraciste, un premier jalon

Le samedi 18 mai s’est tenue à la Bourse du travail de Paris la première édition, et le premier succès, du Forum syndical antiraciste. Retour sur cette journée et aperçu de ses échanges riches, stimulants, intenses parfois.

 

Près de 90 participant·es sur la totalité de la journée ; une diversité certaine, avec des syndicalistes de secteurs et d’organisations variées, racisé·es et non-racisé·es, hommes et femmes ; des échanges riches, stimulants, intenses aussi. Même s’il y a pu y avoir quelques « bricolages », le premier Forum syndical antiraciste du samedi 18 mai dernier est une réussite.

À l’origine il y a un groupe de syndicalistes de SUD-Solidaires, de la CGT, de la FSU, qui se retrouvaient régulièrement dans les mobilisations antiracistes depuis plusieurs années, et qui a décidé de prendre à bras le corps une préoccupation qui leur était commune : que le mouvement syndical prenne à sa juste mesure la réalité du racisme aujourd’hui et le combatte en conséquence.

Et notamment tout ce qui fait système sur les lieux de travail et contribue à produire et reproduire les inégalités, les stigmatisations, les discriminations.

Déclinaison de l’universalisme républicain, les discours syndicaux sur le racisme sont généralement teintés en miroir « d’universalisme prolétarien ». Il s’agirait avant tout de rappeler que, au sein d’une même classe sociale, « nous sommes toutes égales et tous égaux en fait »…

L’une des ambitions du Forum était de ne pas partir de cet a priori de principe, pour montrer que, si l’on parle de faits, le racisme est justement une réalité matérielle vécue spécifiquement et directement par toute une partie du prolétariat, une fabrique permanente d’inégalités.

Ouverte par les interventions de Saïd Bouamama, sociologue et membre du FUIQP (Front uni de l’immigration et des quartiers populaires), et Sabina Issehnane, économiste du travail, enrichie des échanges avec la salle, la matinée a été l’occasion de brosser un tableau des ressorts du racisme au travail, chiffres à l’appui (voir notamment l’enquête Trajectoires et origines, TeO, réalisée par l’Ined et l’Insee et dont de nouveaux résultats sont attendus pour 2020).

L’une des choses à retenir de la matinée (entre pleins d’autres passionnantes) est que si l’on arrive à voir les assignations et mesurer les discriminations dans l’accès au travail, c’est beaucoup plus compliqué dès lors qu’on parle d’inégalités salariales et de déroulé de carrière à l’intérieur même des entreprises et des services.

Mesurer les discriminations pour les combattre

L’après-midi démarrait par trois ateliers en parallèle : sur les luttes des travailleurs et travailleuses sans-papiers, sur l’auto-organisation des racisé·es au travail, sur les revendications syndicales antiracistes spécifiques.

Dans ce dernier, la question s’est posée d’avoir une plateforme commune de revendications à porter au sein de nos structures : la recherche d’outils qui permettraient de quantifier de manière incontestable les discriminations raciales en entreprise (des « statistiques ethniques » donc), comme cela peut se faire pour les discriminations de genre, a été notamment débattue.

Au-delà d’arriver à les réaliser sur le terrain même du travail (ce qui est en soi un chantier en tant que tel), il faut également que des équipes syndicales puissent se les approprier pour travailler sur des campagnes revendicatives, des actions syndicales pour exiger et obtenir des réparations et des sanctions de pratiques discriminatoires.

Ont aussi été évoquées, là aussi pour l’impact concret qu’ont ces revendications, la défense des congés bonifiés pour les ultra-marins, l’abolition de la clause de nationalité dans la fonction publique, la régularisation de toutes et tous les sans-papier…

Et il en est globalement ressorti l’enjeu de se doter d’un « centre de ressource et d’aide à l’organisation, qui soit aussi support de campagne, groupe de veille et d’accompagnement juridique, d’analyse et d’élaborations de revendications, espace de solidarité collective et de coordination » pour reprendre les termes de la déclaration finale. Dont il reste néanmoins à déterminer le périmètre et la forme, ce que ce sont donné pour objectif des prochains mois les organisatrices et organisateurs.

La dernière plénière voulait interroger les liens entre mouvement antiraciste et organisations syndicales : des différences, parfois des contentieux, sur la manière d’envisager ces liens témoignent de l’importance qu’il y a justement à les investir davantage. Pour ça, continuer à agir ensemble est un préalable. Ce qui veut aussi dire qu’il faut faire le travail, avec les camarades racisé·es, pour mettre en lumière les oppressions jusque dans nos structures. Quitte à ce que ça bouscule, concrètement, nos luttes, nos engagements, la manière de les construire et de les mener.

Un manque peut-être pour finir (mais qui ne demande qu’à être comblé lors de la prochaine édition !) : il n’y a finalement eu que peu d’échanges de pratiques entre les syndicalistes présent·es sur des mobilisations antiracistes concrètes sur les lieux de travail… alors que ces dernières existent bel et bien (voir quelques exemples dans le numéro 8 des Utopiques, la revue de Solidaires).

Quoi qu’il en soit, ce premier Forum aura permis de mettre en lumière une nécessité : que s’articulent plus et mieux action syndicale et antiraciste.

(Rédigé d’un point de vue de participant et d’organisateur, ce texte est un premier bilan : il ne présage pas des suites ultérieures qui seront décidées collectivement et prochainement)

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