51ème congrès CGT (N°9) : éclairages pour un bilan

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Après notre article écrit immédiatement au retour du congrès CGT, d’autres éclairages plus approfondis sont nécessaires. Ci-dessous le point de vue d’un militant CGT.

 

51e congrès de  la CGT à Marseille, un congrès pour rien ?

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 Le 51ème congrès de la CGT se déroulait dans un contexte extraordinaire et à bien des égards prometteur.  En plein mouvement social multiforme contre la loi Travail, la CGT et les congressistes éprouvaient le besoin de s’y ressourcer. Il aurait fallu proposer dès le début un temps d’analyse du mouvement gréviste, de la possibilité des grèves reconductibles, de la jonction des luttes … Examiner avec discernement, la possibilité des convergences avec Nuit Debout, et les moyens de renforcer l’unité du monde du travail.. Ce choix n’a pas été fait, ce qui n’a pas contribué à résoudre les problèmes d’orientation posés depuis plusieurs années.

 

Dans un précédent article de DS, nous soulevions les problématiques qui, selon nous, se posaient au mouvement syndical français et donc à sa première organisation syndicale, la CGT.

 

A l’examen des textes soumis à la discussion des syndicats, nous redoutions que celles-ci ne soient pas abordées à Marseille (voir syndicollectif « questions sur le syndicalisme à la veille du 51e congrès de la CGT »).

 

Force est de constater que nos craintes se sont avérées fondées. En effet, des sujets aussi décisifs au regard de leur importance pour sortir de la crise que traverse la CGT et le syndicalisme ont été occultés :

 

  • Décalage entre les forces syndicales et le salariat réellement existant. Celui-ci s’accentue de congrès en congrès faute d’avoir eu la volonté de mettre en œuvre les résolutions décidées lors des congrès précédents. Comment ne pas traiter cette question aussi primordiale alors que la CGT n’est présente que sur 25 % du salariat de notre pays ?

 

Tout le monde comprendra que dans ces conditions, il est difficile d’entraîner l’ensemble des secteurs professionnels dans des mouvements qui concernent l’ensemble du salariat. Cela nous handicape considérablement dans les rapports de force à mettre en œuvre.  Un seul exemple, mais nous pourrions les multiplier, le commerce en France compte plus de 4 millions de salariés et 40.000 syndiqués, et donc, des déserts syndicaux innombrables.

 

  • Absence de stratégie et par conséquent de propositions sur la nécessaire recomposition du mouvement syndical français. Il est regrettable que l’organisation mère du syndicalisme en France n’ait rien à répondre à la FSU sur sa proposition votée à son dernier congrès concernant « la mise en place de comités permanents de coordination intersyndicale ».

 

Il ne fut pas non plus question de syndicalisation, pas plus que du rapport au politique ou encore de la démocratie interne dont pourtant la direction confédérale avait reconnu, lors de l’affaire Lepaon, qu’elle était déficiente.

 

Il relève donc d’un choix politique d’avoir voulu, dans le rapport d’activité, ne pas s’interroger sur les échecs, comme sur la non mise en œuvre de la précédente résolution décidée au 50e congrès sur le développement. Au lieu d’examiner collectivement les raisons de ces échecs pour trouver ensemble une issue, le choix (mauvais) a été fait de mettre la poussière sous le tapis.

 

Le choix du non débat ?

 

Notons qu’en amont du congrès, contrairement aux congrès précédents, ni la presse CGT, ni les moyens modernes de communication n’ont été mis à la disposition des syndicats et des syndiqués pour donner leur avis, débattre, échanger, confronter.

 

En définitive, les documents soumis aux congressistes (rapport d’activité et d’orientation) ne permettaient pas à ceux-ci, aux syndiqués avant le congrès, les nécessaires échanges, débats contradictoires, sur les questions évoquées ci-dessus.

 

Pour faire émerger celles-ci, peut-être aurait-il fallu qu’un autre texte voit le jour afin de tirer véritablement les enseignements de la période écoulée (rapport d’activité) et mettre en débat de véritables perspectives pour l’avenir au lieu d’un catalogue « fourre-tout » qui était soumis au débat.

 

A la place de ces confrontations de points de vue nécessaires et indispensables, tant sur l’activité passée que sur les orientations à venir, pendant plus de deux jours, le congrès fut occupé par l’actualité et donc la loi El Khomri.

 

Encore une fois, pourquoi ne pas avoir organisé, dès les premières heures – ou dans une séance exceptionnelle en soirée – une discussion qui aurait pu aboutir à un appel du congrès au lieu d’avoir zappé la discussion sur les orientations ?

 

Evidemment et sans surprise, sur ce sujet, les délégués ont manifesté leur combativité et leur volonté d’en découdre. Cette volonté et cette colère légitime est naturelle dans les rangs de la CGT. Les questions posées, sont : quelle stratégie, quelle évaluation faire du réel rapport de force, quelles possibilités concrètes de mise en œuvre de reconduction de la grève ? Il aurait fallu, pour avoir des réponses à ces questions, un vrai débat sur la suite du mouvement en tant que tel, déconnecté du rapport d’orientation. Ce n’est pas cette option qui a été retenue.

 

Unité, rassemblement …

 

Une autre question fut débattue et celle-ci figurait dans le rapport d’orientation : le syndicalisme rassemblé. Lorsqu’on évoque cette notion à la CGT, il faut comprendre unité syndicale.

 

A n’en pas douter, si un vote séparé, comme le demandaient de nombreux congressistes, avait été organisé, le passage du texte proposé aurait été battu (140 amendements allant dans ce sens). Philippe Martinez reconnaissant dans son rapport introductif « une erreur faite ces dernières années en favorisant nos relations avec la CFDT », cette dernière étant copieusement sifflée.

 

Il n’en reste pas moins que la question de l’unité demeure. Il est un fait que la direction de la CFDT depuis plusieurs années s’arcboute sur son syndicalisme d’accompagnement des volontés patronales. Cela étant, les syndiqués et les électeurs de cette organisation ne sauraient être confondus avec leur direction, et c’est bien à partir de ce constat qu’il est nécessaire d’élaborer des politiques unitaires.

 

En guise de conclusion provisoire, ce fut donc un congrès difficile pour la CGT où les questions essentielles posées au syndicalisme n’ont pas été débattues. Dans ce contexte, soulignons que le rapport d’activité n’a recueilli que 59 % des suffrages et celui d’orientation que 63 %, ce qui est une première depuis 65 ans !

 

Si la combativité, le courage, le dévouement, l’implication dans les luttes des militants de la CGT sont un bien précieux pour l’ensemble du mouvement syndical français, nous sommes convaincus que pour faire fructifier ce capital humain, cette culture et la transmettre aux nouvelles générations, la CGT devra répondre aux questions auxquelles elle est confrontée, comme l’ensemble du mouvement syndical.

 

Faute de quoi, elle pourrait perdre sa place de premier syndicat, ce qui, convenons-en, serait une bien mauvaise chose pour le salariat de notre pays.

 

 Patrick BRODY, militant CGT

 

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