A propos de la « grande sécu » : points de vue syndicaux

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Le gouvernement Macron fait miroiter de manière ambigüe l’idée d’une « grande sécu » qui éviterait de passer par des mutuelles, mais ressemblerait fort à une étatisation, comme sur l’assurance-chômage. Il dévoie donc une forte attente.Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie doit rendre public un rapport le 18 novembre. Voici des réactions syndicales. 

 

200px-CFDT_logo.svgLa grande fausse bonne idée

iconeExtrait de l’hebdo n°3799

 

Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale

Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale© InfoCom CFDT

Jocelyne Cabanal

secrétaire nationale de la CFDT

Les journaux évoquent l’idée que l’on pourrait résoudre nombre de problèmes de notre système de santé en érigeant une « grande sécu » ou le 100 % sécu. Notre attachement viscéral à ce qu’elle nous apporte rend l’idée séduisante, de prime abord. Mais ce serait nier l’histoire de la construction de notre système de soins et de protection sociale, bâti grâce à l’engagement des mutualistes et des partenaires sociaux, déterminés et fiers de cotiser pour définir le niveau de soins qu’ils voulaient collectivement.

L’État semble vouloir reprendre la main, au nom de la simplicité, de l’efficacité et surtout de la capacité qu’il s’attribue de définir l’intérêt général. Or, pour la CFDT, il n’en a pas le monopole. En effet, il est soumis à de fortes tensions, notamment budgétaires, et quiconque a tenté de faire bouger un PLFSS1 en fait l’expérience. Lorsqu’il est seul décideur, comme à l’hôpital, l’État peut conduire à l’asphyxie. Le choix gestionnaire d’attribuer la dette Covid à la Sécurité sociale afin d’alléger les finances publiques va limiter durablement ses capacités futures.

Or nous avons besoin de passer d’un système de soins à un système de santé qui permette à chacune et chacun de bénéficier de prévention et de la meilleure santé possible, y compris en vieillissant – et ce, quels que soient son travail et le lieu où elle ou il habite. Ignorer les acteurs qui le mettent en œuvre constitue une grave erreur.

La Sécurité sociale est grande ; elle n’a pas besoin de faire table rase des autres acteurs du bien commun pour le rester.

 

siteon0-dc90fSanté. « Nous revendiquons une Sécu à 100 % »

Mercredi 17 Novembre 2021

La fin des complémentaires et une Sécu « étendue » : c’est l’un des scénarios proposés jeudi par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, explique l’un de ses membres CGT. Entretien dans l’Humanité du 17 novembre 2021.

Paris - Le 10 Novembre 2015 - PIERRE YVES CHANU (économiste, conseiller confédéral CGT) - Débat "Dix ans après les luttes contre le plan Juppé". Photo Patrick Nussbaum


Photo Patrick Nussbaum

Pierre-Yves Chanu Membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie

Il est rare qu’un rapport d’une instance de réflexion inconnue du grand public sur un sujet aussi ardu et pointu que l’assurance-maladie fasse trembler le système de santé français. C’est pourtant bien ce qu’il se passe avec celui que le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-­maladie (HCAAM) doit rendre à ses 66 membres jeudi. Objet de cette soudaine poussée de fièvre : le scénario 2 des quatre propositions formulées pour mieux articuler assurance-maladie et complémentaires santé. Celui-ci projette la fusion de ces deux financeurs des soins. Pierre-Yves Chanu, membre du HCAAM pour la CGT, analyse ce bouleversement envisagé.

Que pensez-vous de ce scénario de « grande Sécurité sociale » ?

Pierre-Yves Chanu – Contrairement à ce qui a été écrit, Olivier Véran n’a jamais porté ce scénario. Le rapport du Haut Conseil est né d’une lettre de mission du ministre de la Santé demandant à l’instance d’envisager des évolutions avec, chose nouvelle, la mise à disposition des services du ministère pour évaluer ces pistes d’étude. Ce projet de rapport encore en discussion jusqu’à jeudi contient quatre scénarios, dont un propose la fusion de la Sécurité sociale et des complémentaires santé. Étant donné le nombre de pages qui lui a été consacré, c’est celui qui a le plus inspiré les auteurs. Mais, par rapport au projet de Sécurité intégrale que nous portons à la CGT, il soulève des problèmes. Nous ne sommes pas en condition d’approuver ce scénario, mais pas non plus en position de le refuser. Il faut d’abord éclaircir ces points.

Existe-t-il des points communs entre l’extension de la Sécurité sociale proposée et le 100 % Sécu que prône la CGT ?

Pierre-Yves Chanu Nous revendiquons une Sécu collectrice et financeur unique. Le rôle des mutuelles serait forcément bouleversé. Dès lors, nous demanderions que les 15 000 salariés qui gèrent les complémentaires soient repris par la Sécu. Au vu du scénario « extension » proposé par le HCAAM, nous considérons que nous avons pesé sur ses travaux. Mais nous continuons de revendiquer une Sécu à 100 %.

Vous parlez de points à éclaircir. Quels sont-ils ?

Pierre-Yves Chanu Le premier a trait à l’ampleur de la prise en charge à 100 %. Dans le scénario du HCAAM, le spectre de soins envisagé est large, puisqu’il ajouterait par exemple le 100 % santé (dentaire, optique et prothèses auditives – NDLR) aux affections de longue durée (ALD). Mais qu’en est-il des dépassements d’honoraires ? Nous militons pour la mise en cause de la médecine libérale et du tout paiement à l’acte. Nous proposons notamment le développement massif de centres de santé de proximité avec des médecins salariés. D’autre part, dans ­la logique qui veut que l’assurance­-maladie ne rembourse pas tout, cela laisserait de la place à des assurances supplémentaires, les actuelles surcomplémentaires.

Le rapport chiffre à 22 milliards d’euros les surcoûts liés à cette « grande Sécu ». Comment les trouver ?

Pierre-Yves Chanu C’est notre deuxième interrogation. Nous pensons que les financements existent. D’une part, ce scénario fait que nous économiserions les cotisations pour les complémentaires santé et leurs frais de gestion très lourds. Nous pensons que le reste est finançable par la cotisation et non par la CSG. Depuis 2018, les cotisations patronales ont été divisées par deux. La marge est là ! Il faut aussi se poser la question des revenus du capital. Le financement implique un retour à la démocratie sociale. Car si l’extension de la Sécu revient à une étatisation, c’est inacceptable. La Sécurité sociale intégrale relève d’une conception globale. C’est une mise en sécurité sociale de l’ensemble des citoyens. Ils doivent avoir voix au chapitre.

Que pensez-vous des trois autres scénarios ?

Pierre-Yves Chanu Le premier présente des corrections à la marge du système actuel. Le troisième est plus intéressant, avec la mise en place d’une « assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée », calquée sur le régime local d’Alsace-Lorraine. En revanche, le scé­nario 4 revient à une sorte de Yalta entre l’assurance-maladie, à laquelle reviendraient les plus gros risques, les plus graves ALD, et les assurances, mutuelles et institutions de prévoyance, qui s’occuperaient du reste.

Quelles seront les suites de ce rapport ?

Pierre-Yves Chanu Ce rapport prépare la prochaine mandature. Nous avons donc intérêt à ce qu’il soit le meilleur possible. Il relance des questions déjà présentes dans le débat public, comme celle des frais de gestion faramineux des complémentaires santé. Chaque candidat pourra y trouver des pistes pour son programme.

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