Débats sur les rapports entre initiatives sociales et politiques

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Le média en ligne Rapports de force publie un article sur les rapports entre les mobilisations intersyndicales annoncées le 29 septembre 2022 et l’annonce par la France Insoumise et la NUPES d’une manifestation contre « la vie chère » en octobre. Ce qui suscite un débat sur la manière de faire. Cependant un appel unitaire entre syndicat, associations, forces politiques vienne de paraitre, sans encore donner de date (lire ici : https://wp.me/p6Uf5o-4UJ).

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Grande marche

Grande marche, la tentation de la France Insoumise de griller la priorité aux syndicats

 Jean-Luc Mélenchon exprimait son souhait, le 5 juillet, que la NUPES lance une grande marche contre la vie chère en septembre pour donner le la de la rentrée sociale. Depuis, la France Insoumise est à la manœuvre pour ne pas froisser, voire pour associer au mois d’octobre, les organisations syndicales qui organisent, elles, une journée de grève interprofessionnelle sur les salaires le 29 septembre. 

 

« Nous aurons une belle marche à la moitié du mois d’octobre ». Lors du meeting de clôture de l’université d’été insoumise, ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon concrétise un projet imaginé début juillet. Celui d’une grande manifestation « contre la vie chère ».

C’est qu’avec un score de 22 % à la présidentielle et 75 députés élus aux législatives, la France insoumise est sans conteste la première force politique de gauche aujourd’hui. De par la place de choix qu’elle occupe au sein de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociales (NUPES) elle est également la figure de proue de l’opposition politique. Une place de choix, qui lui permet de se rêver à la tête d’un potentiel mouvement social, qui pourrait être un parfait marchepied vers le pouvoir en cas de dissolution de l’Assemblée nationale.

 

Priorité aux syndicats

 

Or, en faisant cette annonce, le triple candidat à la présidentielle sait pertinemment qu’il bouscule un certain ordre des choses. Et prévient : « Si tout le monde n’est pas d’accord, et bien c’est pas grave, on fera avec ceux qui sont d’accord. » On sait que la petite phrase vise globalement les syndicats, habitués à être à la manœuvre lors des manifestations sociales. On se doute qu’elle vise plus précisément encore Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, le syndicat le plus à même de mobiliser dans la rue.

Interrogé par France Info, début juillet, ce dernier avait déjà mis en garde le leader insoumis contre « le mélange des genres ». Pour le syndicaliste, l’organisation des manifestations sur le terrain social est avant tout une prérogative syndicale et doit être reliée à des mouvements de grève. Aussi, la CGT et Solidaires organisent déjà une journée de grève interprofessionnelle le 29 septembre, pour l’augmentation des salaires. Si la grande marche souhaitée par la France insoumise est aujourd’hui présentée comme complémentaire à cette journée de grève, puisque souhaitée sur un week-end, elle pousse néanmoins les syndicats à se lier momentanément à des organisations politiques, voire à apparaître dans leur sillage.

 

Un duel Mélenchon vs Martinez déjà vu

 

C’est un vieux débat qui se rejoue là, celui de l’indépendance du mouvement syndical. Un débat vieux comme la charte d’Amiens, à laquelle se réfèrent toujours les syndicats de transformation sociale en France. Mais un débat qui a trouvé de nombreuses occasions de s’actualiser au cours de l’histoire, notamment lors d’une passe d’armes entre Mélenchon et Martinez en 2017 et 2018.

Rappelons-nous : le 23 septembre 2017, le leader de la France insoumise souhaite (déjà) organiser une grande marche « contre le coup d’État social ». Il s’agit là de s’opposer aux ordonnances Macron, qui dérégulent une fois encore le droit du travail, dans la foulée de la loi El Khomri. Fin de non-recevoir côté CGT. Le leader insoumis est amer et accuse alors les syndicats d’être responsables des défaites passées. « La stratégie qui a échoué face à El Khomri a encore moins bien marché face à Macron. Je ne vois aucune raison de faire semblant de ne pas l’avoir vu », écrit-il dans un billet de blog daté du 31 octobre 2017.

Il faudra attendre mai 2018 pour que la jonction ait enfin lieu. Si le 5 mai, la manifestation intitulée « Fête à Macron », portée par le député Insoumis François Ruffin, n’est pas rejointe par les syndicats, ce sera en revanche le cas le 26 mai lors d’une nouvelle manifestation nommée « La marée populaire ». Cette fois, Mélenchon exulte : « L’événement du 26 mai en soi est une très bonne nouvelle. Depuis des mois, ici et dans mes revues de la semaine, je plaide au nom de mes amis insoumis pour le décloisonnement du syndical, de l’associatif et du politique ».

La sortie mélenchonienne, pendant les universités d’été de LFI, devance les conclusions d’une discussion entre les syndicats, des associations et les partis membres de la NUPES (plus le NPA), entamée le 23 août, à propos de la grande marche. Une indélicatesse qui fait écho aux propos de Jean-Luc Mélenchon le 5 juillet, lorsqu’il déclarait que « le mouvement social est hors d’état d’organiser quoi que ce soit » et rêvait qu’à l’avenir « le lieu où le peuple se retrouve pour faire quelque chose, c’est la NUPES ». Des sorties qui ne rendent pas la tâche facile aux responsables de la France insoumise qui discutent avec les syndicats et les associations.

Pourtant, interrogés à l’issue de la réunion du 23 août, les représentants de Solidaires et de la FSU ainsi que la représentante de la CGT, déclaraient tous que la France Insoumise était dans une volonté de construction commune de la manifestation. Une date concrète était proposée, mais aucune décision n’avait cependant été prise, les leaders syndicaux n’ayant pas reçu de mandat de leurs organisations. Tous les participants de la réunion doivent se revoir le 12 septembre pour la concrétiser.

Aurélie Trouvé, ancienne co-présidente d’Attac et désormais députée LFI, qui négociait dans cette réunion en compagnie de Manuel Bompard et d’Adrien Quatennens, nous faisait-elle aussi part de sa volonté de “co-construire” une journée. L’occasion semble manquée.

 

Grande Marche : « le risque c’est de trop lier nos perspectives »

 

Les syndicats accepteront-ils de se mettre dans la roue des Insoumis ? À l’intérieur des structures, les voix divergent. « Nous avons fait une consultation chez Solidaires. On a deux types de réponses : la première, c’est qu’il y a nécessité de mobiliser en complément des actions de grève. D’autres disent qu’ils excluent de travailler avec des partis politiques », raconte Simon Duteil, co-délégué général de Solidaires.

Le mode d’action aussi interroge. Qui dit manifestation un week-end, dit pas de grève et donc pas de blocage de la production. Les syndicats sont alors en droit de s’interroger sur l’efficacité d’une telle initiative. Appeler à manifester le week-end pour peser sur l’augmentation des salaires brouille leur discours : la victoire sera-t-elle obtenue par la grève ou par des manifestations massives ?

« L’avantage de ces manifestations, c’est qu’elles nous permettent de toucher un nouveau public et de porter d’autres mots d’ordre. La taxation des superprofits par exemple, ce n’est pas une revendication que l’on porte habituellement dans les manifestations syndicales », affirme Benoît Teste de la FSU. Si la manifestation a lieu, la question de la visibilité du mouvement syndical se posera inéluctablement. « Les syndicats peuvent avoir peur d’être noyés, car les personnalités politiques ont une visibilité plus importante. L’organisation du cortège, la place de Jean-Luc Mélenchon dans celui-ci, tous ces détails qui peuvent paraître dérisoires à qui vient manifester pour boucler ses fins de mois, ne le sont jamais. Ils deviendront des enjeux pour les organisateurs ».

« Le risque peut aussi être de trop lier nos perspectives de victoire à des enjeux strictement politiques et d’attendre une alternance qui peut décevoir. Des camarades disent que ça nous met dans une forme de dépendance », continue Benoit Teste de la FSU.

De fait, les objectifs syndicaux ne rejoignent pas forcément ceux de la FI. Il arrive même que des élus Insoumis se positionnent contre certains droits syndicaux, comme le nous l’avions documenté à Lyon.

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