Espace international CGT : 12 questions sur la guerre

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A propos de la guerre en Ukraine, l’espace international CGT, notamment sur la région Europe du nord et orientale, publie une note très détaillé de réflexions sous la forme de « 12 questions« , incluant des documents du syndicalisme d’Ukraine, de Russie, et des organisations syndicales internationales (CSI-CES-FSM).

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 12 questions sur la guerre en Ukraine

 

Paix en Ukraine – Liberté en Russie 1 !

 

 

Depuis le jeudi 24 février à 5h30 du matin, Vladimir Poutine a ordonné à ses armées une invasion de l’Ukraine, que les peuples russes comme ukrainiens, dans leurs immenses majorités, n’imaginaient pas possible, ni ne voulaient d’aucune manière.

 

Le risque de déclenchement d’une guerre mondiale est réel. Il nous commande de prendre le temps de l’analyse et de transmettre aux organisations les éléments que la confédération réunit depuis le déclenchement du conflit. Il nous commande aussi le calme, la retenue, la décence, le respect et l’humilité dans le commentaire que nous faisons de la situation.

 

Dans une telle situation, la solidarité de la CGT va d’abord en direction des populations civiles victimes de la guerre en Ukraine. La condamnation de la CGT doit quant à elle frapper avant tout l’agresseur, en l’espèce Vladimir Poutine, qui assume devant l’histoire la responsabilité d’avoir réinvité la guerre à grande échelle et la mort sur le continent européen, après les conflits de Tchétchénie , de Yougoslavie et de Géorgie.

 

Notre camp, est celui de la paix. Mais pour retrouver la paix, il faut avec certitude que la liberté trouve enfin son chemin en Russie.

 

Notre pacifisme, celui qui plonge ses racines dans la conférence de Zimmerwald en 1915, réactualisé par le refus du « campisme », revient à rejeter ce jeu des alliances qui entrainent les peuples dans les conflits mondiaux au profit des bourgeoisies ou des aristocraties qui les gouvernent. Mais notre pacifisme sait faire la différence en fonction de la nature des dangers d’escalade encourus et des impératifs liés à la résistance des peuples pour défendre leur droit à l’auto-détermination. De la Commune de Paris à la guerre du Vietnam en passant par la guerre d’Espagne ou la résistance, notre histoire est aussi celle d’un soutien aux peuples en lutte pour la défense de leurs droits et libertés face à l’oppression ou à l’agression.

 

Pour rendre le propos de cette note aux organisations plus vivant et intelligible sur une situation complexe et en évolution constante, le choix fait est celui d’une série de douze questions auxquelles elle apporte des réponses aussi claires et précises que possibles.

 

 

Première question : où en est-on de la situation militaire sur le terrain ?

 

Les forces militaires russes enserrent, à l’heure où nous écrivons ces lignes les deux principales villes du pays, Kiev et Kharkov, qu’elles soumettent à des bombardements de moins en moins ciblés. Le stationnement, d’une soixantaine de kilomètres de véhicules militaires, autour de Kiev empêche toute fluidité sur les routes et bloque la population dans la capitale, alors que les vivres et les médicaments viennent à manquer après une semaine de conflit. L’artillerie russe fait usage de bombes au phosphore contre des installations militaires ukrainiennes autour de Kiev et d’armes thermobariques pour accélérer leur progression dans le Sud à partir de la Crimée. Six mini-fronts sont en fait déployés. Au nord en direction de Kiev, au Nord Est toujours en direction de Kiev, au Nord Est en direction de Kharkov, au Sud-Ouest en direction d’Odessa, au Sud Est en direction de Marioupol (aux dernières nouvelles, les villes de Kherson et de Marioupol semblaient en passe de tomber aux mains des troupes russes), et dans une moindre mesure à l’Est depuis le Donbass. Ce dernier fait démontre la caducité de l’argument du Kremlin qui assure que son opération vise avant tout à protéger les populations civiles de Donetsk et de Lugansk. C’est précisément ici qu’elle concentre le moins son effort de guerre !

 

Au septième jour de son offensive, l’armée russe a un contrôle total des airs après la destruction de plus de 70 bases militaires aériennes ukrainiennes dès le premier jour du conflit et sa prise de contrôle de plusieurs aéroports stratégiques dans la foulée, l’aéroport militaire de Gostomel à 20 km de Kiev a résisté plusieurs jours, malgré le parachutage de 200 militaires russes. Elle a aussi un contrôle quasi total sur mer avec sa flotte stationnée en mer Noire et en mer d’Azov et la pression d’artillerie qu’elle met sur les ports d’Odessa et de Marioupol.

 

Mais l’armée russe progresse difficilement sur terre et se trouve confrontée à une résistance qu’elle n’attendait pas. À Kharkov notamment, ville la plus russophone et russophile d’Ukraine, la résistance est farouche et la population n’accueille absolument pas les russes en libérateurs.

 

Rappelons que Poutine, avait déclaré en 2014 que s’il le voulait, il prendrait Kiev en deux jours. Il est donc déjà battu sur ce plan.

 

Tout laisse à penser que la guerre est déjà beaucoup plus longue que ne le pensait l’état-major russe et qu’elle est appelée à durer encore. Or, chaque jour qui passe devient problématique pour Poutine sur un plan financier et logistique mais aussi sur un plan politique, confronté qu’il est à une opinion publique peu convaincue par sa logique de guerre et ses arguments pseudo humanitaires. Chaque jour qui passe conduit à une intensification de l’usage de la force militaire, impliquant toujours plus de victimes civiles ukrainiennes !

 

 

Deuxième question : où en est-on de la situation sur le plan diplomatique ?

 

Sans doute en raison de la résistance ukrainienne qui contrecarre le rêve poutinien d’une Blitzkrieg, les russes ont proposé des pourparlers aux ukrainiens à Minsk, puis à Gomel en Biélorussie. Les pourparlers se sont finalement tenus à la frontière avec la Biélorussie. Les délégations des deux pays s’y sont rendues le 28 février au matin.

 

Cette première rencontre n’a donné aucun résultat concret et aucune autre n’est intervenue à ce jour. Notons que la décision prise le dimanche 27 février par Poutine à 14h30 d’activer l’ensemble des forces russes de frappe nucléaire tactique et stratégique en réponse à ce qu’il qualifie « d’attitude occidentale inamicale », visait aussi à signifier quelle atmosphère il souhaitait créer pour ces supposés pourparlers… Une deuxième rencontre doit avoir lieu le 3 mars au matin, mais ses résultats ne sont pas connus à l’heure où nous écrivons ces lignes.

 

 

Troisième question : Poutine est-il responsable de cette situation ?

 

Il l’est absolument et en quasi-totalité. Cette guerre est sa décision. Il en a fixé lui-même l’ampleur et la temporalité.

 

Il en rêve depuis des années et si les occidentaux sont responsables, c’est d’abord et surtout de l’avoir laissé faire l’annexion de la Crimée en 2014, en entérinant de fait cette situation au fil du temps, y compris sur un plan géopolitique. Son annexion des Sudètes ne pouvait que confirmer à ses yeux la faisabilité de son rêve d’annexion pure et simple.

 

Poutine est au pouvoir depuis 22 ans et l’homme est enfermé dans des certitudes et enivré par son propre pouvoir. Il gouverne seul même s’il est très entouré. Ses proches lui disent ce qu’il veut entendre compte tenu du climat de terreur qui règne.

 

 Quatrième question : l’OTAN porte-t-elle une part de responsabilité dans  l’escalade ?

 

Bien sûr, depuis 2008, l’OTAN joue un jeu dangereux avec plusieurs pays de l’ex-URSS (Ukraine, Géorgie), leur laissant envisager une adhésion.

 

Pourtant les promesses qui ont été formulées au moment de l’unification de l’Allemagne excluaient la possibilité de toute extension de l’alliance vers l’Est. L’URSS disparaissant en 1991, l’idée de l’élargissement de l’OTAN fut évoquée en Occident dès 1993 et s’est concrétisée en 1997 (Pologne, Hongrie, République Tchèque – extension négociée avec l’accord de Moscou ; sept autres pays dont les pays baltes rejoignent l’alliance en 2004). Aujourd’hui, l’OTAN compte 14 pays de plus qu’à la fin de la guerre froide et considère, décision officielle à l’appui, depuis 2008, que sa porte est ouverte à la Géorgie et à l’Ukraine. L’élargissement et la coopération économique de l’Union européenne avec ses voisins proches se sont retrouvés étrangement couplés avec l’extension de l’influence militaire transatlantique. Cette extension n’a pas apporté la paix promise. Les frontières des pays en Europe continuent à être redessinées, de gré ou de force, et plusieurs conflits non résolus couvent sur le continent.

 

C’est donc irresponsable de la part de l’OTAN que d’avoir laissé envisager cette possibilité à ces pays, froissant au passage les susceptibilités russes, qui considéraient avec légitimité que les gesticulations et danses du ventre de l’OTAN étaient une violation des accords de 1991.

 

Mais notons que les derniers événements renforcent considérablement la popularité de l’OTAN en Europe centrale et orientale, où elle apparaît aujourd’hui aux yeux des populations et des dirigeants de ces pays comme une forme d’assurance vie. Même la Suède et la Finlande parlent aujourd’hui de rejoindre formellement l’alliance atlantique ! Et Sergueï Lavrov, Ministre russe des affaires étrangères leur répond que cela aura des conséquences militaires ! Beau résultat à mettre encore au crédit de Poutine !

 

Enfin, notons que jeudi 24 février au soir dans son allocution faisant suite au déclenchement de la guerre, Joe Biden a clairement exclu toute intervention de l’OTAN dans la situation actuelle, ce qui démontre, espérons-le une conscience des conséquences d’une telle intervention que n’aurait peut-être pas eue Donald Trump.

 

Certes l’OTAN a été pendant toute la guerre froide un outil de l’impérialisme américain. Certes la disparition de l’URSS aurait pu justifier sa disparition et son remplacement par une force de paix intégrée et acceptée par l’ensemble des nations sur le modèle de ce que les deux blocs avaient esquissé à la fin des années 70 à Helsinki, ou en donnant les clés de la sécurité du monde aux forces de maintien de la paix de l’ONU, ce que les USA se sont toujours gardés de faire !

 

 

 

Cinquième question : que faut-il penser de l’emploi des termes « opération de denazification » de l’Ukraine ?

 

La propagande poutinienne insiste lourdement sur cet aspect.

 

A la source de cette propagande, il y a le fait bien réel qu’en 2014, lors des mobilisations de Maïdan qui ont conduit à la chute de Yanoukovitch, à la prise de la Crimée et à la guerre dans le Donbass (près de 14000 morts dont plus de 3000 civils), de nombreux groupes d’extrême droite ont occupé la rue, fait régner la terreur en pesant sur le président Porochenko et son administration. Plusieurs ministres d’extrême droite étaient même rentrés dans son gouvernement.

 

Mais le contexte est très différent aujourd’hui et on ne peut absolument pas qualifier Zelensky de nazi comme le fait la propagande russe. Comme le lui rappellent régulièrement les fachos ukrainiens, il se trouve être « juif de père et de mère ». En 2019, au moment de son élection, il était même plutôt présenté comme pro-russe, se trouvait de ce fait vilipendé par l’extrême droite ukrainienne et proposait une politique de dialogue et de réconciliation avec la Russie. Aux élections législatives qui ont suivi son élection, largement remportées par son parti, l’ensemble de l’extrême droite coalisée (Svoboda et Pravï Sektor) n’a rassemblé que 2,15% ne conservant qu’un seul élu (au scrutin majoritaire dans une circonscription) à la Rada tandis que la formation nationaliste de Oleh Liachko perdait tous ses sièges malgré un score de 4,01%. Il n’y a donc plus qu’un seul élu d’extrême droite sur les 450 que compte la Rada. Les autres sont soit issus du parti de Zelensky (254), soit des partis représentant plutôt les populations russophones d’Ukraine (49), soit de formations libérales pro-européennes (3 partis cumulant 71 sièges). Elu par une jeunesse qui avait soif de paix et d’ouverture du pays, Zelensky a indéniablement joué une carte d’arrimage de son pays à l’Europe continentale, mais n’était pas dans la surenchère et la provocation avec son voisin russe. C’est un libéral qui porte la responsabilité d’une réforme amoindrissant gravement les dispositions du code du travail, mais pas un nazi (la propagande du Kremlin ajoute « un drogué ») !

 

Rappelons en revanche :

  • que le Parti de Vladimir Poutine, Yedinaya Rossia, est jumelé avec le Rassemblement National en France ;
  • que nous avions en 2015 écrit à la FNPR, première organisation russe, pour lui signifier notre dégoût devant l’envoi de son numéro 2, également député à la Douma, au congrès de Lyon du Front National, pour y lire un message de sympathie et de solidarité ;
  • que la campagne de Marine Le Pen en 2017 a été financée par une banque tchèque majoritairement détenue par des fonds russes ;

 

  • que Marine Le Pen et Eric Zemmour étaient les principaux propagandistes de la Russie dans la campagne présidentielle en cours ; que des membres de leurs équipes de campagne restent très liés au pouvoir russe et se taisent aujourd’hui ;

 

 

Sixième question : Que pensent et disent les syndicats ukrainiens et la population ukrainienne en général ?

 

Les deux organisations syndicales ukrainiennes affiliées à la CSI appellent à résister à l’agression russe et à ce qu’ils dénoncent comme des forces d’occupation. Notons leur forte unité actuelle malgré une très légère différence de tonalité entre la FPU, principale organisation du pays, héritière du VTsSPS soviétique qui a toujours développé des relations fraternelles avec la Russie, qui proclame son aspiration au retour à la paix tout en appelant à la résistance et aux sanctions économiques, et la KVPU qui a très vite réagi . Le 24 février, la KVPU appelle ainsi « à continuer et renforcer la pression diplomatique et économique internationale sur la Fédération de Russie et à faire le maximum pour arrêter la guerre et forcer la Russie à retirer ses troupes du territoire de l’Ukraine ». Elle demande « d’imposer un ensemble de sanctions efficaces à la Fédération de Russie et appelle à prodiguer toute l’assistance possible à l’Ukraine ».

 

Voici le texte de la déclaration de la FPU publiée le jour du déclenchement de la guerre :

« Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a décidé de mener une opération militaire dite spéciale pour « protéger le Donbass ». Dans la matinée, la Russie a cyniquement envahi notre pays, déclenchant une guerre à grande échelle avec le bombardement de villes pacifiques et d’installations militaires. Hitler fit de même en 1941.

Nos forces armées combattent les troupes ennemies sur tous les fronts et leur infligent une réponse décente : des dizaines de chars et d’avions ont été détruits.

Il est déjà clair que le plan d’occupation rapide du pays dans le cadre du « scénario de Crimée » ne s’est pas concrétisé. Mais des soldats, des civils meurent, des enfants sont obligés de se cacher dans des abris anti-bombes. Des milliers de mères ukrainiennes avec des enfants tentent de traverser la frontière polonaise pour sauver leur vie. Des dizaines de milliers de travailleurs ont été contraints de quitter leur emploi pour défendre notre patrie.

La Fédération des syndicats d’Ukraine lance un appel à tous les travailleurs. Les membres des syndicats doivent rester calmes, ne pas céder à la panique, s’acquitter consciencieusement de leurs devoirs professionnels sur chaque lieu de travail, en assurant les besoins vitaux de la population.

La guerre déclenchée de manière injustifiée par le chef du Kremlin ne lui apportera pas la victoire sur le peuple ukrainien épris de liberté, qui s’est d’abord battu pour son indépendance et, l’ayant remportée, la défendra définitivement.

 

En cette période difficile, l’Ukraine a besoin du soutien urgent d’autres États et nations, notamment en organisant des rassemblements syndicaux devant les ambassades russes dans les pays où la Confédération syndicale internationale est organisée, en appelant ses gouvernements et ses politiciens à former une coalition anti-Poutine, et imposer immédiatement des sanctions sévères à la Russie et fournir un soutien défensif et financier à l’Ukraine.

La paix en Europe est menacée. Il n’est possible d’arrêter l’agresseur que par des efforts conjoints. Unis nous sommes invincibles !

NON À LA GUERRE ! OUI À LA PAIX ! »

 

La population ukrainienne manifeste unanimement l’hostilité à l’envahisseur. A l’abattement des deux premiers jours succède une résistance de plus en plus ouverte. Des dizaines de militants syndicaux, s’engagent dans les détachements populaires de la résistance.

 

 

 

Septième question : Que pensent et disent les syndicats russes et la population russe en général ?

 

La population russe est largement désinformée. Pour une grande majorité de la population, la guerre contre ce peuple frère est inconcevable. La télévision d’état et une armada de bloggeurs nationalistes sur Internet concentrent leur récit sur les combats se déroulant dans les « Républiques populaires » de l’Est de l’Ukraine comme s’il s’agissait juste d’une opération de protection des populations civiles de l’Est du pays. La majorité des russes n’est tout simplement pas au courant que leur pays a envahi l’ensemble de l’Ukraine en provoquant à ce jour plus de 2000 morts parmi les populations civiles, parmi lesquels des dizaines d’enfants et la destruction des infrastructures.

Le mouvement pour la paix prend néanmoins de l’ampleur. Les pétitions et les lettres ouvertes se multiplient. Une des pétitions citoyennes a par ailleurs déjà recueilli plus de 1 million de signatures. Deux élus communistes seulement (un au niveau local et un au niveau national) condamnent l’invasion. Ces deux élus sont aujourd’hui sommés de s’expliquer devant la direction de Parti communiste de la Fédération de Russie qui soutient l’intervention.

Les deux organisations russes se sont exprimées sur le sujet le jour même de l’invasion pour

la FNPR et le lendemain pour la KTR.

La FNPR soutient sans condition le président Poutine en demandant juste d’être attentif à l’économie en cette période difficile. Leur déclaration reprend les arguments du discours poutinien de façon absolument scandaleuse, ce qui motive aujourd’hui une demande d’exclusion de la CSI de la part de dizaines d’organisations.

« La Fédération des syndicats indépendants de Russie soutient la décision du président russe Vladimir Poutine de mener une opération de dénazification de l’Ukraine. L’avenir du pays doit

être déterminé par son peuple, mais les gangs de Bandera, les nationalistes et les complices des nazis ne doivent pas faire pression sur leur volonté. Nous sympathisons avec ceux qui ont été forcés d’évacuer vers le territoire russe à cause des bombardements réguliers et de la mort d’êtres chers. Les syndicats de Russie leur fournissent toute l’assistance possible. Nous pensons que la paix reviendra en Ukraine et que l’Ukraine deviendra un État démocratique, pacifique et neutre. Les Hitler et les Zelensky vont et viennent, mais la solidarité internationale des travailleurs demeure.

Paix aux nations ! Guerre aux nazis ! »

 

De son côté, la KTR a fait une déclaration particulièrement courageuse, compte tenu du contexte (plus de 3000 arrestations, vote d’une loi punissant la propagande pacifiste d’une réclusion criminelle de 20 ans) :

« La Confédération du travail de Russie, faisant partie du mouvement syndical international, se sentant directement responsable envers les travailleurs de Russie, d’Ukraine et du monde entier, et consciente de son rôle dans la promotion et la garantie de la paix entre les peuples, est extrêmement préoccupée par les événements en cours.

La KTR est convaincue que les désaccords et les contradictions, quelle que soit leur profondeur ou leur ancienneté, doivent être résolus par des négociations sur les principes de bonne volonté et d’engagement en faveur de la paix mondiale. Cette vision fait partie intégrante de l’agenda mondial et anti-guerre du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle et s’est concrétisée par la création d’institutions et de mécanismes internationaux conçus pour assurer la paix.

La Confédération du travail de Russie note avec amertume que les deux parties qui subissent directement les dommages du conflit militaire sont les travailleurs de nos pays. L’approfondissement du conflit militaire porte la menace d’un choc sévère pour les économies nationales et la sphère sociale, une baisse du niveau de vie des travailleurs et crée la base d’une violation massive des droits du travail des travailleurs.

En relation avec ce qui précède, la Confédération du travail de Russie exprime sa confiance dans la nécessité d’une cessation rapide des hostilités, de la reprise d’un dialogue pacifique et de la coexistence entre les peuples multinationaux de Russie et d’Ukraine. »

 

 

 

Huitième question : Que pensent et disent les autres syndicats et les internationales ?

 

La CES et la CSI ont réagi ensemble par un communiqué dès jeudi dernier et ont pris la décision de transformer la mobilisation du jeudi 24 février pour les salaires en Europe en manifestation pour la paix. Dans cette déclaration commune, elles « appellent à la cessation immédiate des hostilités et du conflit et demandent d’engager des négociations de bonne foi pour résoudre cette crise dans l’intérêt des populations. (…)Le conflit actuel a des conséquences dramatiques

 

sur les économies russe et ukrainienne, ainsi que partout ailleurs en Europe. Le risque d’une escalade des tensions et de leurs conséquences dramatiques est bien réel et le restera tant qu’un dialogue sérieux n’aura pas été engagé pour déterminer les causes profondes de cette crise. Elles demandent « instamment que des mesures urgentes soient prises pour que, tous ensemble, les responsables politiques concernés définissent un cadre pour la sécurité commune, à l’instar de celui initié à Helsinki ». Cette dernière phrase revient à mettre fin au cadre de l’OTAN (qui d’ailleurs n’est pas citée) et à lui en substituer un nouveau.

Le Comité exécutif de la CES, réuni de façon exceptionnelle le 1er mars 2022 sur la situation en Ukraine a adopté une nouvelle résolution qui « exprime sa solidarité avec le peuple, les travailleurs et les syndicats ukrainiens, réitère sa condamnation de l’attaque russe contre l’Ukraine, exige l’arrêt immédiat des opérations militaires, que les troupes russes quittent le pays, et que le dialogue réel et les pourparlers de paix soient intensifiés ». Le texte demande aussi « l’établissement de couloirs humanitaires en faveur des réfugiés, dans les pays de la région et dans tous les autres pays de l’UE, la reconnaissance de la situation spécifique des femmes et des enfants dans les zones de conflit (…) et l’établissement d’un passage sûr aux frontières de l’UE pour les citoyens de pays tiers résidant en Ukraine et ne disposant pas d’un visa Schengen ». Enfin, il prévoit un soutien humanitaire et financier à la population ukrainienne et aux syndicats du pays.

De son côté la FSM nous dit que « l’attaque russe doit cesser maintenant, l’OTAN doit être dissoute maintenant et un dialogue substantiel doit avoir lieu. ». Hormis la condamnation de cette « guerre injuste et destructrice », la responsabilité du gouvernement Poutine n’est pas engagée dans ce communiqué qui souligne que « La FSM était et reste opposée aux pratiques fascistes du gouvernement ukrainien qui est une marionnette des Etats-Unis et de l’OTAN».

Parmi les multiples réactions d’organisations syndicales nationales notons enfin celles de nos camarades du BKDP du Belarus du 24 février : « Il n’y a aucune nation dans le monde qui veut la guerre. Les peuples russe, ukrainien et biélorusse ne font pas exception. Peu de personnes dans le monde ont subi des pertes aussi terribles, sacrifié dans leur histoire la vie de dizaines de millions de leurs citoyens, comme trois peuples proches les uns des autres. Et le fait que le gouvernement russe ait déclenché une guerre contre l’Ukraine aujourd’hui ne peut être compris, justifié ou pardonné. Le fait que l’agresseur ait envahi l’Ukraine depuis le territoire du Bélarus avec le consentement des autorités bélarussiennes ne peut être ni justifié ni pardonné. Des choses irréparables se sont produites, et leurs conséquences pour longtemps, sur la vie de plusieurs générations, vont empoisonner les relations entre Russes, Ukrainiens et Biélorusses. Au nom des membres des syndicats indépendants de Biélorussie, les travailleurs de notre pays, nous nous inclinons devant vous, nos frères et sœurs ukrainiens. Nous nous excusons pour la honte, la honte que le gouvernement biélorusse a imposée à tous les Biélorusses, en devenant un allié de l’agresseur et en ouvrant la frontière avec l’Ukraine. Mais nous voulons vous assurer, chers Ukrainiens, que la grande majorité des Biélorusses, y compris les travailleurs, condamnent l’aventure du régime biélorusse actuel, qui tolère l’agression russe contre l’Ukraine. Nous exigeons la cessation immédiate des hostilités et le retrait des troupes russes d’Ukraine, ainsi que de Biélorussie. En cette période difficile du destin, nous déclarons que nous sommes avec vous de cœur et d’esprit, chers Ukrainiens. Nous vous souhaitons de persévérer et de gagner ».

 

 

Neuvième question : Quel accueil pour les réfugiés venant d’Ukraine ?

 

Il est évident que notre pays ainsi que l’ensemble des pays européens ne peuvent se soustraire à l’obligation morale de tout mettre en place afin d’assurer un accueil digne de l’ensemble des personnes qui en ce moment même fuient les bombes Russes, et ce quelles que soient leurs origines.

Plusieurs sources concordantes nous confirment qu’à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, nombre de ressortissants issus de pays africains ainsi que d’autres continents sont refoulés et « triés » et sont victimes d’actes racistes et discriminatoires.

L’Union Africaine déclarait Lundi 28 Février : « Les rapports selon lesquels les Africains sont l’objet d’un traitement différent inacceptable seraient choquants et racistes et violeraient le droit international. À cet égard, les Présidents exhortent tous les pays à respecter le droit international et à faire preuve de la même empathie et du même soutien envers toutes les personnes qui fuient la guerre, nonobstant leur identité raciale. »

En France, en pleine campagne présidentielle certains candidats n’hésitent pas à instrumentaliser ce sujet. Zemmour se permettant de déclarer qu’il ne fallait accepter aucun refugié Ukrainien sur notre territoire et Valérie Pécresse souhaitant faire un tri en exigeant que les populations fuyant les bombes justifient de leur statut d’exilé.

 

 

 

Dixième question : Faut-il intensifier les sanctions à l’égard de la Russie ? Quelles peuvent en être les conséquences économiques pour l’Europe ?

 

Dans le contexte actuel, les sanctions économiques et financières sont logiquement devenues le principal outil mobilisé et mobilisable pour répondre à l’agression de Poutine. Contrairement à ce que l’on dit souvent, elles peuvent se montrer efficaces, à la condition de frapper vite et fort.

Les effets possibles d’une privation d’accès des banques russes au système bancaire international de transactions (appelé « swift ») peuvent provoquer une déstabilisation totale de l’économie russe aux lourdes conséquences pour la population et pour l’économie mondiale. La question de l’intensification des sanctions économiques se pose donc et plusieurs voix en Russie nous laissent entendre qu’il s’agit d’une piste à explorer. Côté occidental, on enregistre déjà des chutes boursières spectaculaires des entreprises françaises ayant des liens importants avec la Russie (Renault, Alstom, Total). Les pays dont la dépendance au gaz russe est forte comme l’Italie ou l’Allemagne sont réticents au fait de prendre certaines mesures plus fortes. Mais le niveau actuel est notoirement insuffisant du fait que Poutine prépare son intervention depuis longtemps, il avait anticipé ce train de sanctions et il est habitué à faire avec ce type de mesures depuis 2014.

 

La deuxième mesure, peu commentée dans les médias, est pourtant potentiellement beaucoup plus dévastatrice pour le système économique russe et porte en elle les germes d’une déstabilisation profonde de l’ordre monétaire international. Les sanctions occidentales visent à couper la banque centrale russe de ses avoirs en réserves de change en dollar et en euro (soit près de la moitié). Cette mesure, utilisée une seule fois dans l’histoire, contre le gouvernement taliban pendant l’invasion américaine, va considérablement affecter la capacité du système économique russe à trouver des liquidités et assurer ses besoins de paiement. La chute du rouble de plus de 20%, en est la première conséquence directe, presque plus aucun acteur économique ne souhaite échanger des roubles ; la deuxième est l’entrée dans l’inconnu pour le système financier mondial qui voit un découplage complet entre le système financier occidental et russe, ce dernier n’ayant d’autres alternatives que de se reporter sur le système monétaire alternatif porté par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

 

Les oligarques russes commencent à manifester quelques signes d’inquiétudes. Frydman, patron de Alpha Bank s’est dit être contre la guerre, ainsi que Deripaska, magnat de l’aluminium. Le mercredi 2 mars, la gouverneure de la banque centrale enregistre un message à l’attention de ses salariés les invitant à garder leur calme et leur sang-froid, en évitant de parler politique. Ceci illustre la fébrilité ambiante en Russie.

 

 

Onzième question : Comment la CGT peut-elle agir ?

 

Si les sanctions sont nécessaires, elles peuvent donc produire des contre-effets et ne seront sans doute pas totalement efficaces. Le principal espoir réside donc dans la résistance de la population ukrainienne et dans l’aspiration au changement des peuples de Russie et du Belarus, appuyés par de larges mobilisations en Europe et dans le monde. D’où l’urgence et la nécessité d’un soutien au peuple ukrainien et à la paix dans les manifestations organisées partout en France depuis le 24 février. Dès le premier jour de la guerre, la CGT participait d’ailleurs à une manifestation à Bruxelles, avec le mouvement syndical européen et international réunissant les mots d’ordre de paix en Ukraine et d’augmentation des salaires en Europe.

 

La CGT appelle ses adhérents à participer partout en France aux très nombreuses manifestations pour la paix en Ukraine et contre l’inacceptable agression dont Vladimir Poutine s’est rendu coupable.

 

La CGT travaille actuellement avec d’autres organisations syndicales sur l’idée d’un convoi syndical (sur le modèle du convoi syndical pour la Tchétchénie que nous avions soutenu dans les années 90) pour l’Ukraine afin de témoigner la solidarité des travailleuses et travailleurs de France à la population Ukrainienne en envoyant sur place produits de première nécessité et matériel de soin aux blessés.

 

 

 

Douzième question : Que faut-il espérer ?

 

Le retour à la paix passe par la chute de Poutine. Sa victoire serait catastrophique. Si elle se trouve avalisée par un accord de paix avec une partition de l’Ukraine, l’agresseur se trouverait alors conforté dans sa politique impérialiste et belliciste. La prochaine étape pourrait être définitivement une guerre mondiale si ses appétits se portaient sur « la défense des minorités russes » dans les pays Baltes. Et que dire de l’exemple donné à d’autres puissances majeures et notamment à la Chine dont on connaît les prétentions sur Taïwan ! Un match nul ou même une défaite russe sans le départ de Poutine laisserait planer la menace d’une résurgence de la guerre. Une paix durable ne peut être obtenue que par son départ et celui-ci n’interviendra que par la conjonction de trois facteurs : des sanctions internationales fortes et réellement efficaces, une résistance ukrainienne qu’il faut espérer victorieuse et un soutien aux oppositions russes démocratiques et progressistes, seules à même de parvenir à sortir enfin ce pays des ténèbres totalitaires, nationalistes et impérialistes dans lesquelles il se trouve plongé depuis plus de vingt

 

1 Slogan porté et communiqué par un camarade syndicaliste russe de la KTR, lors des manifestations pacifistes sauvages actuellement interdites en Russie par le régime de Poutine.

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