Etats-Unis : luttes enseignantes pour le « bien commun »

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L’article ci-dessous est introduit par Stephen Bouquin (sociologue et professeur à l’université d’Evry, directeur de publication de la revue Les Mondes du travail) (https://lesmondesdutravail.net). Merci à lui de nous mettre en relation avec un territoire et des expériences où les luttes et le syndicalisme peuvent apporter réflexions et innovations. Nous reproduisons l’avant-propos de Stephen Bouquin et donnons accès à l’article de Wim Benda. 

L’introduction de Stephen Bouquin met par exemple en avant l’idée suivante pour se rapprocher de la victoire : « Défendre un contre-projet d’enseignement pour le bien commun, comme modèle antagonique à celui que le néolibéralisme a distillé dans les esprits et les institutions ».

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Wim Benda est enseignant en philosophie et sciences sociales en Belgique néerlandophone. Il est délégué syndical ACOD-CGSP dans son école et membre de la direction du syndicat de l’enseignement en Communauté flamande.

« Comment les enseignants aux Etats-Unis s’organisent et font grève pour le bien commun »

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Brève introduction par Stephen Bouquin

« L’Education Nationale connaît une crise profonde. Pendant que certain·e·s continuent à enseigner avec passion et dévouement, d’autres luttent contre l’épuisement professionnel ou se protègent en fonctionnant sur pilote automatique. Souvent, les élèves sont perdus, les parents anxieux et la hiérarchie de plus en plus managérialiste et autoritaire. La gestion de la pandémie a été catastrophique. La réforme du Bac, avec l’intégration du contrôle continu, impose aux enseignants une surcharge de travail.

La qualité de l’enseignement est en régression constante. Dans les enquêtes PISA, la France atteint péniblement la moyenne des pays de l’OCDE. Les inégalités continuent à se creuser, malgré une dizaine de réformes empilées les unes sur les autres. Dans les pays de l’OCDE, la maîtrise de l’écriture des 10% d’élèves issus de familles à haut revenu équivaut à une avance de trois années scolaires par rapport aux 10 % d’élèves issus de familles à bas revenus. Pour la France, le retard des élèves défavorisés s’aggrave d’année en année.

Ce qui est tout aussi  alarmant, c’est le fait que la volonté de se battre pour la défense du métier et une école publique de qualité semble avoir disparue. Selon une enquête du SNUIPP-FSU, plus de la moitié des professeurs des écoles envisagent de démissionner. Selon une enquête récente de l’UNSA auprès de 43 000 enseignants, seuls 22% d’entre eux recommanderaient leur métier au plus jeunes.

Mais l’esprit défaitiste peut se retourner très vite. L’expérience a montré que changer le cours des choses ne passe pas seulement par les urnes et une « bonne réforme » mais implique avant tout des mobilisations sociales d’ampleur.

C’est pour cette raison qu’il vaut la peine de connaître les mobilisations victorieuses du monde éducatif aux Etats-Unis. Depuis 2018, d’abord à Chicago, puis dans les états pourtant très marqués droite et enfin à Los Angeles, le monde enseignant a réussi à mener des batailles victorieuses, tant au niveau de la revalorisation salariale que sur le plan des conditions de travail, la taille des classes, les modalités de contrôle tout en remettant en cause le modèle scolaire élitiste et entrepreneurial. Ces mobilisations sont peu connues en France. Les articles qui les évoquent, comme celui de Kim Kelly (« Une victoire par la lutte ») dans la revue Mouvements (2020/3, n°103), sont bien trop rares.

Depuis 2020, les acteurs de ces mobilisations du monde éducatif ont publié plusieurs ouvrages qui reviennent sur leurs méthodes de lutte. Dans l’article qui suit, Wim Benda, enseignant-chercheur et syndicaliste en Belgique néerlandophone, résume et discute les thèses défendues dans ces ouvrages.

Pour résumer, même si la victoire n’est jamais certaine, elle requiert néanmoins quatre conditions : 1). Défendre un contre-projet d’enseignement pour le bien commun, comme modèle antagonique à celui que le néolibéralisme a distillé dans les esprits et les institutions ; 2). Mener une bataille syndicale interne et changer la direction des organisations quand il le faut, afin que celles-ci redeviennent des outils efficaces ; 3). Questionner les pratiques syndicales. Dit autrement, arrêter de mobiliser en ordre dispersé les convaincus pour faire du lobbying auprès des cercles de pouvoir mais commencer à gagner les indifférents et les démoralisés, ce que Jane McAlevey désigne par le deep organising ; 4). Développer progressivement les capacités de mobilisation avant d’engager une véritable épreuve de force qui implique une grève ultra-majoritaire, en impliquant dans la mobilisation l’ensemble des parties prenantes, les élèves comme les parents.

Pour certains, ce sont des recettes un peu naïves et non transposables. C’est oublier que le management n’a jamais hésité à reprendre les « bonnes pratiques » de Taylor, de Ford ou de Taïchi Ohno. Il n’y a donc aucune raison pour penser que les bonnes pratiques de lutte ne pourraient pas l’être… L’article de Wim Benda nous invite à y réfléchir sérieusement.« 

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