Jean-Claude Mailly : « Jamais je n’aurais cru vivre ça »

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Un entretien paru dans l’Humanité à propos du livre que Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO,  vient de sortir sur la séquence des mobilisations contre la loi Travail : Les apprentis sorciers- L’invraisemblable histoire de la loi travail (éditions les Liens qui libèrent).

 

 

Jean-Claude Mailly : « Jamais je n’aurais cru vivre ça »

Loi travail
Entretien réalisé par Sébastien Crepel, Clotilde Mathieu,avec Sylvie Ducatteau
Mardi, 29 Novembre, 2016
L’Humanité

Pour le secrétaire général de Force Ouvrière, « le président de la République a décidé d’écouter le Medef et d’accentuer le libéralisme social ». Photo : Julia Rostagni

Pour le secrétaire général de Force Ouvrière, « le président de la République a décidé d’écouter le Medef et d’accentuer le libéralisme social ». Photo : Julia Rostagni

Entretien. À l’occasion de la sortie de son dernier livre, Jean-Claude Mailly revient sur six mois de conflits et assure que le combat contre cette loi antisociale n’est pas terminé.

Vous aviez promis de remettre le social au cœur de la campagne avec les syndicats qui ont lutté contre la loi travail. Est-ce toujours votre volonté, maintenant que François Fillon est investi candidat de la droite ?

Jean-Claude Mailly Avec la loi El Khomri, le gouvernement a entrouvert la porte sur la question du temps de travail. Le programme de François Fillon profite de cette brèche pour l’ouvrir complètement. C’est le cas avec sa proposition de passage de 35 à 39 heures pour la fonction publique. Ces heures en plus seront-elles payées ? Où va-t-il supprimer les 500 000 postes de fonctionnaires, alors qu’on est déjà partout à flux tendu. De même, il propose d’accentuer la logique libérale économique en réduisant massivement les dépenses publiques et sociales, ce qui va plomber l’activité économique. Si nous ne donnerons aucune consigne de vote, comme d’habitude, nous réaffirmerons nos positions quand tous les candidats seront déclarés, quand les programmes seront connus.

Dans votre livre, publié aujourd’hui, vous racontez la genèse de la loi travail. Les syndicats se sont pourtant largement expliqués sur le sujet. Pourquoi ce livre ?

Jean-Claude Mailly Jamais je n’aurais pensé un jour devoir rencontrer le ministre de l’Intérieur pour faire respecter la liberté de manifester. Les règles élémentaires de démocratie sociale ont été bafouées. J’ai voulu raconter ma vérité sur ce qui s’était passé concrètement et pour rendre hommage à tous ceux qui se sont battus. Durant ce quinquennat, nous n’avons pas eu d’interlocuteurs rompus aux négociations sociales. L’élément le plus important de la politique économique et sociale menée depuis 2012 est la signature du pacte budgétaire européen. À partir de ce moment, deux actes forts ont été mis en place. Le pacte de responsabilité, sans consultation, pour réduire quantitativement le coût du travail. Et la loi travail pour accroître la flexibilité, là encore imposée de manière autoritaire avec le recours au 49-3.

Vous considérez qu’un pacte conclu entre l’exécutif et la CFDT a rendu impossible toute négociation sur la loi travail…

Jean-Claude Mailly Au départ, le président de la République a décidé d’écouter le Medef et d’accentuer le libéralisme social. Puis il a cherché et trouvé un accord avec les syndicats dits « réformistes ». Je me suis entretenu trois fois avec François Hollande. Et au dernier rendez-vous, il n’avançait qu’une seule explication à sa fermeté : « Nous avons un accord avec la CFDT, nous ne bougerons pas. » Pourtant, nous avons fait des propositions, nous avons même écrit des articles et essayé de faire passer des amendements. Nous avons demandé de sanctuariser le principe de faveur sur trois thèmes supplémentaires : l’égalité professionnelle, le temps de travail et l’emploi. Si le gouvernement a accepté notre proposition sur l’égalité professionnelle et ajouté la pénibilité, en revanche il s’est montré inflexible sur le temps de travail et l’emploi alors que 120 à 130 députés soutenaient l’amendement sur les heures supplémentaires.

Depuis la rentrée de septembre, vous avez annoncé des recours juridiques. Où en êtes-vous ?

Jean-Claude Mailly Les décrets sont sortis la semaine dernière, nous sommes en train d’affiner les recours juridiques. Nous avons mis en place un site Internet (1) où les syndicats, nos délégués, font remonter les conséquences de l’application de la loi travail. Nous travaillons également avec la CGT, afin de dénoncer les atteintes aux conventions internationales auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Bientôt les élections professionnelles dans les très petites entreprises. Quels sont les enjeux ?

Jean-Claude Mailly Trois enjeux sont posés : la représentativité syndicale, la mise en place des commissions paritaires interprofessionnelles, la désignation future des conseils de prud’hommes. Elle permettra aux salariés des TPE d’avoir accès à des activités sociales et culturelles. Mais elles ont un lien avec la loi travail. D’autant qu’un salarié des TPE, exclu de toute négociation, n’aura plus que le Code du travail pour se protéger. Les conventions collectives nationales concernant le temps de travail sont d’ores et déjà menacées. Et cela pourrait s’étendre à l’ensemble des champs définis par les accords de branche.

Jean-Claude Mailly livre « sa » vérité sur la loi El Khomri
 

Dans cet ouvrage, intitulé les Apprentis sorciers. L’invraisemblable histoire de la loi travail (éditions les Liens qui libèrent), le secrétaire général de Force ouvrière a souhaité « raconter ces mois de tensions, de rebondissements, de dialogue de sourds et de mobilisations et en tracer la genèse ». À longueur de pages, Jean-Claude Mailly analyse « cette tranche de l’histoire sociale », pendant laquelle François Hollande et Manuel Valls ont imposé un projet « multiminoritaire » et « d’inspiration néolibérale sans en assumer l’étiquette ». Sortie prévue le 30 novembre.

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