Jean-Pierre Page, Hong Kong et la Chine

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Jean-Pierre Page, ancien responsable du secteur international de la CGT, et partisan du « rapprochement » de la CGT avec la Fédération syndicale mondiale (FSM), n’a pas apprécié que la CGT soutienne les manifestations à Hong-Kong contre l’Etat bureaucratique chinois (qui parque les peuples Ouïghours de la région du Xinjiang dans des camps, selon des témoignages et reportages concordants). Nous republions ici le communiqué de la CGT avant le texte de Jean-Pierre Page qui en fait le commentaire. La revue Le Grand Soir dans laquelle il s’exprime se refuse quant à elle à publier la CGT (« nous ne la publierons pas« , écrit la rédaction) : sans doute est-ce la marque de sa conception du pluralisme de la presse. Nous publions aussi cette note de la rédaction du Grand Soir. Les lecteurs et lectrices jugeront. 

 

  • Communiqué de la CGT d’août 2019 :

LA CGT s’inquiète de la situation des travailleur·euse·s et des droits humains à Hong-Kong

Depuis plusieurs semaines, une violente et aveugle répression vise les habitants et travailleu·euse·s de Hong-Kong.

La CGT, comme la plupart des organisations syndicales du monde, connaissent la féroce répression qui s’abat systématiquement sur les travailleur·euse·s chinois qui osent réclamer de meilleures conditions de travail, le respect ou le simple versement du salaire dû. Les travailleur·euse·s chinois savent pouvoir compter sur les organisations syndicales Hong-Kongaises ou sur les ONGs du travail présentes à Hong-Kong pour les soutenir.
Selon la convention de rétrocession signée entre le Royaume-Uni et la Chine en 1997, Hong-Kong est régie sous le régime « Un pays – 2 systèmes ».
Les travailleur·euse·s de Hong-Kong bénéficient donc des conventions de l’OIT, entre autres celles visant à protéger la liberté d’association, et des règles de la déclaration des droits de l’homme protégeant la liberté de pensée, le droit à un procès équitable …
En Chine, aucune de ses règles universelles ne sont respectées. Lorsque la Présidente de la région administrative de Hong-Kong – Présidente désignée par Beijing et avalisée par des « grands électeurs » choisis parmi les plus grosses fortunes de Hong-Kong – veux faire voter une loi d’extradition abolissant de fait toutes les règles protectrices des droits de travailleur·euse·s et des droits humains, il est du devoir des Hong-Kongais d’exprimer leur refus.
La déclaration des droits de l’homme de 1793 adoptée par la France précisait en son article 35 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. ».
La CGT fait sienne les 5 revendications de la confédération syndicale Hong-Kongaise HKCTU :
– le retrait définitif de la loi sur l’extradition ;
– la libération sans inculpation des manifestants arrêtés ;
– le retrait par les autorités de leur qualification des manifestations du 12 juin comme « émeutes » ;
– une enquête indépendante sur les violences policières et les abus de pouvoir ;
– la mise en œuvre du suffrage universel.
La CGT remarque que les 5 revendications de HKCTU sont les mêmes que celles émises par la CGT à la suite de ses manifestations et à celles des gilets jaunes depuis l’arrivée de Monsieur Macron au pouvoir en France.
La CGT observe, que comme en France, une force excessive a été déployée contre les manifestants pacifiques. Plus de 500 jeunes et étudiants participant à des rassemblements pacifiques – ainsi que certains passants – ont été arrêtés depuis juin – le plus jeune âgé de 13 ans seulement.
Avec la qualification d’émeutes des manifestations, les manifestants pourraient être accusés d’atteinte à la sécurité et à l’intégrité de l’État et risquer, ainsi, de 5 à 14 ans d’emprisonnement.
La police a, sans discernement ou précautions, pris d’assaut deux stations de métro en saturant l’atmosphère de gaz lacrymogènes, en envoyant « à l’aveugle » des balles en caoutchouc à bout portant contre des jeunes. De même, dans les rues, le gouvernement a donné l’ordre d’utiliser les canons à eau – d’ailleurs de conception et fabrication française – à courte distance créant ainsi un risque mortel pour les personnes ciblées.
La CGT s’indigne que les employeurs Hong-Kongais, comme la compagnie aérienne Cathay-Pacific, sous menace de la Chine, fassent pression sur les travailleur·euse·s en les licenciant pour seul motif de soutien aux manifestants en contrevenant totalement aux conventions de l’OIT.
La CGT demande à la Chine de retirer ses troupes militaires de la frontière et de cesser ses pressions sur les Hong-Kongais.
La CGT demande que les violences cessent, que les policiers violents et les membres des triades qui ont frappés les manifestants pacifiques soient identifiés, qu’une commission d’enquête internationale sois nommée afin d’enquêter de façon libre et indépendante et qu’elle soit mandatée pour proposer des solutions acceptables par toutes les parties dans le respect des droits des travailleur·euse·s et humains.
La CGT s’adressera formellement au Président chinois Monsieur Xi Jinping ainsi qu’à la Présidente de Hong-Kong, Madame Carrie Lam pour leur faire part de ses inquiétudes.
La CGT soutient et soutiendra les travailleur·euse·s de Hong-Kong, les organisations syndicales Hong-Kongaises et les ONGs du travail présentes sur le territoire de la région administrative spéciale de Hong-Kong.

Montreuil, le 16 Août 2019

  • Article de Jean-Pierre Page dans le Grand Débat :
Au sujet des manifestations à Hong Kong !

Nouvelle attaque de la CGT contre la Chine

Jean-Pierre PAGE

Vous trouverez ci-dessous une nouvelle déclaration de la CGT sur les évènements à Hong Kong. Elle était prévisible et recoupe sur tous les points celle de la CSI, dont on attend encore qu’elle s’inquiète de la répression du mouvement social en France.

Je me suis exprimé plusieurs fois sur ce sujet et en particulier sur « le mouvement des parapluies » à Hong Kong de 2016.

Celui que nous vivons actuellement en est issu et n’est pas indifférent à la guerre commerciale, monétaire, militaire qui s’aggrave entre les Etats Unis et la Chine. Elle constitue une des sources les plus importantes de la conflictualité mondiale. Elle peut déboucher sur une troisième guerre mondiale. En fait cette guerre est aussi engagée sous des formes multiples et dans de nombreux domaines comme par exemples celui de l’intelligence artificielle ou le contrôle des terres rares ou encore les importantes perspectives de développement économique et social des futures « routes de la soie ».

Par ailleurs les USA ne font pas mystère de leur volonté d’empêcher et repousser toutes alliances anti-hégémoniques en Eurasie. C’est à dire toutes formes de contestation de leur suprématie en déclin dans cette région si stratégique pour le devenir de l’humanité. Ceci constitue une de leurs priorités depuis des années. La Chine et la Russie représentent les deux adversaires déclarés, y compris depuis 2019 en référant y compris ces deux états à « la menace communiste » comme le précise « le Joint Strategic Plan 2019-2022 of the USA). La simultanéité des manifestations à Moscou et Hong Kong avec les mêmes formes d’actions est significative, tout comme la sur médiatisation le prouve. Dans les deux cas on retrouve les tentatives d’appliquer les recettes des révolutions de couleurs expérimentées ailleurs avec des succès inégaux.

A Hong Kong et comme à Moscou le rôle des ONG pilotées par Washington, Bruxelles ou Londres, des fondations US comme « le NED (national endowment for democracy), Freedom House, l’International Republican Institute, ou l’Open Society de Georges Soros » sont clairement identifiés de même que « la CSI » et « l’AFL-CIO » à travers son « Solidarity Center ». Je rappelle qu’en juillet 2016 la direction de la CGT a financé « Memorial »une des antennes du milliardaire escroc Georges Soros en Russie.

Ces derniers jours, des preuves ont été apportées sur l’étroite connexion revendiquée par les Etats-Unis, leurs représentants sur place et les principaux organisateurs de ces manifestations issus principalement d’ONG mettant directement en cause le statut de Hong Kong et son appartenance à la Chine. Il est remarquable de voir défiler à Hong Kong des manifestants avec des drapeaux américains et britanniques c’est à dire les symboles mêmes des anciennes puissances coloniales en appelant Donald Trump à leurs secours. « A vouloir trop prouver… »

La CGT semble trouver normal cet état de choses puisqu’elle ignore délibérément le fait que si selon la formule, Hong Kong est un pays à deux systèmes Hong Kong, c’est surtout la Chine, et ce de nouveau depuis 1997. La Chine fut spoliée de ce territoire pendant 150 ans. Aujourd’hui, il n’y a pas de frontières entre la Chine et Hong Kong et le drapeau rouge à cinq étoiles flotte sur tous les bâtiments publics tout comme en Chine continentale. En fait, il est clair qu’en s’attardant sur « deux systèmes » la CGT privilégie la nature capitaliste de l’ile, que visiblement elle défend. comme synonyme de démocratie.

En fait, il faut noter que ce que vise le communiqué de la CGT c’est le système économique, social et politique qui prévaut en Chine. D’ailleurs la déclaration n’est pas sans manifester une certaine nostalgie du temps pas si lointain ou Hong Kong était colonie britannique. Si cela n’est pas le cas qu’elle le dise clairement en renonçant à publier des communiqués aussi équivoques et ambigus.

Hong Kong est en déclin et ne joue plus le rôle de place forte de la finance, elle qui fut un des tigres asiatiques dans le passé. Elle a été depuis des années largement distancée par ses rivales : Canton (Shengshen) et surtout par Shangaïe. Hong Kong est en crise, et on ne saurait faire par ailleurs comme si la corruption et le blanchiment d’argent n’y existaient pas. On fait maintenant la découverte des « triades », ces gangs criminels qui existent et sévissent depuis des siècles avec lesquels le colonisateur britannique entretenait les meilleures relations du monde pour opprimer les Chinois et faire de Hong Kong une place forte pour le trafic de l’opium. Or, les dirigeants actuels de la Chine ont fait le choix d’une lutte implacable contre la corruption. La loi sur l’extradition à l’origine des manifestations touche en particulier les activités frauduleuses des dirigeant de certaines grandes sociétés. Cela n’est pas sans expliquer une certaine panique de leur part.

Il est significatif et connu que les entreprises, les banques, la finance soutiennent les manifestations. L’exemple de la direction de Cathay Pacific est

de ce point de vue remarquable ! Son patron démissionnaire d’origine britannique Ruppert Hogg au salaire de 1 million 54000 euros s’est déclaré solidaire des manifestations. L’occupation de l’aéroport de Hong Kong dont on beaucoup parlé a été d’autant plus facilité qu’il dépend de Cathay Pacific. Ce n’est pas le seul exemple.

Il faut l’ignorance crasse du département international de la CGT pour ignorer ces faits et tromper les adhérents et militants de la CGT en joignant sa voix à ceux qui chérissent à Hong Kong et Moscou ce qu’ils condamnent avec véhémence à Paris.

Comme peut-on ignorer que la population de Hong Kong c’est près de 8 millions d’habitants, et qu’il faut prendre aussi en compte Macao, mais aussi ce que l’on appelle les « Nouveaux Territoires », Kowloon. Si on parle d’1 million de manifestants et plus la déclaration de la CGT parle de 500 arrestations et semble omettre que le décompte pour les gilets jaunes lui est de plus de 10 000. Bien sur une arrestation à Hong Kong ou Paris est inacceptable, mais ne faut-il pas prendre en compte toute la réalité plutôt que de l’arranger selon un postulat hostile de départ.

Depuis plusieurs semaines et à l’unisson les médias s’émerveillent sur l’esprit créatif des manifestants à Hong Kong mais continue à évoquer les gilets jaunes comme des brutes épaisses. Deux poids deux mesures ! Lire dans la déclaration de la CGT qu’à Hong Kong on applique et respecte les conventions de l’OIT est consternant de bêtise quand l’on connait ce que sont les conditions de vie et de travail de cette immense mégapole.

A Hong Kong personne ne remet en cause les conventions de l’OIT et cela d’autant moins qu’elles ne sont pratiquement pas appliquées. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet des manifestations. D’ailleurs cette déclaration n’est pas à une contradiction près puisqu’elle revendique la liberté syndicale là ou existe justement une organisation syndicale ayant pignon sur rue et avec laquelle elle déclare avoir des relations .Plutôt que de s’associer à la CFDT et à d’autres syndicats pour condamner les violences qui ont marqué les manifestations des gilets jaunes, la direction de la CGT serait mieux inspirée si en ce domaine elle assumait toutes ses responsabilités. Ceci est loin d’être le cas-.

Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur les problèmes en Chine, à Hong Kong ou ailleurs, dans ce pays/continent de 1,4 milliards d’habitants. Mais sachons faire preuve de discernement.

Enfin, qu’attend la CGT pour débattre de ces problèmes et de ces évènements avec les syndicats chinois dont la représentativité est difficilement contestable ? Pourquoi entretient- elle avec eux des relations formelles, en tournant le dos à sa propre histoire et au besoin de construire des relations fraternelles avec un syndicalisme qui demeure tout aussi respectable que le syndicalisme français.

Le problème c’est que la CGT devrait échanger et partager en toute indépendance avec tous les intéressés, par avec certains et surtout pas avec d’autres. Il y a à Hong Kong plusieurs confédérations syndicales. Il fut un temps ou la CGT entretenait des relations avec « la confédération de Hong Kong (HKCTU) », mais aussi avec la plus importante « confédération syndicale de Hong Kong » qui sur place entretient des relations de travail avec la Fédération des syndicats de Chine. La CGT le faisait sans exclusive, sans ostracisme, dans un esprit de coopération non partisan et de dialogue, sans interdits. C’est cela qui était utile.

Il est à craindre que dans ce cas comme dans d’autres la CGT ne le fera pas parce qu’elle préfère s’en tenir à ce que la CSI et la CES lui recommande de faire. Les raisons de ses renoncements en sont simples : les obligations strictes qui découlent des affiliations internationales à ces deux organisations ne permettent pas la libre expression, pas plus pour la CGT que pour d’autres organisations. Cette déclaration de la CGT en forme de « copier coller » en est l’illustration.

Jean-Pierre PAGE

  •  Pourquoi Le Grand Soir refuse de publier la CGT :

« Note du Grand Soir

L’auteur fait suivre son article du communiqué de la CGT qu’il critique.
Nous invitons nos lecteurs à le lire ailleurs.
Nous ne le publierons pas.
En effet, il est écrit dans un jargon que nous ne voulons pas voir remplacer le français, cette langue parlée par plus de 300 millions de personnes à travers le monde. Ici, l’utilisation répétée du mot lourdingue « travailleur·euse·s » est bafouée par des mots machistes comme passants, employeur, étudiants, manifestants, Hong-Kongais. Le comble est dans « travailleur·euse·s chinois » et le plus comique dans
la demande à la Chine de retirer « ses troupes militaires » (par opposition aux troupes civiles ?)

Enfin, pour bien montrer qui est l’inspirateur, le communiqué s’obstine à écrire « les ONGs » qui est une parodie de l’anglais NGOs (non-governmental organizations), alors que la marque du pluriel ne s’applique pas en français sur les abréviations. On n’écrit les PDGs, les SDFs, les EHPADs, etc.
Bref, par delà la discussion sur le fond, qui reste ouverte (nous « donnons à lire »), la forme est d’un ridicule achevé, doublé d’une allégeance au globish.« 

LGS

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