La Confédération paysanne et la guerre en Ukraine

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Alors que ma guerre en Ukraine menace les approvisionnements mondiaux en céréales, la Confédération paysanne réagit aux mesures préconisées par la Commission européenne.

  • Communiqué du 23 mars 2022 :

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Guerre en Ukraine : la Commission refuse d’agir sur les prix agricoles et cède à l’agriculture productiviste

La Commission européenne vient d’annoncer, en lien avec les conséquences de la guerre en Ukraine, la possibilité pour les États membres de déroger exceptionnellement « aux règles du verdissement » pour 2022, afin de « produire plus » en utilisant les jachères. La Commission avance un potentiel de 4,5 millions d’hectares en Europe, sans précision.

Les jachères font partie des surfaces d’intérêt écologique (SIE) jugées nécessaires pour plus de biodiversité et de durabilité des systèmes agricoles européens. En France, les jachères sont souvent des surfaces pas ou difficilement productives. Parallèlement, les niveaux de rendement stagnent voire diminuent pour des raisons agronomiques et climatiques, principalement dans les systèmes à forte intensification. La Commission fait le donc choix tordu des jachères et va jusqu’à y tolérer l’usage de pesticides ! Un grand écart scandaleux avec les objectifs de la stratégie Farm to Form (NDLR : « de la ferme à la table« ) et avec la fonction même des SIE.

Une fois encore, la Commission cède aux tenants d’une agricultrice productiviste qui, depuis le début, instrumentalisent la guerre en Ukraine pour pousser leurs pions. Leur « produire plus » se heurte d’ailleurs à une incohérence : produire plus signifie consommer plus d’énergie et plus d’engrais, exactement ce qui manque à l’agriculture productiviste, largement dépendante dans ces deux secteurs.

S’il s’agit de « produire plus », la solution urgente est d’arrêter d’utiliser les productions alimentaires pour la production énergétique (agro-carburant, méthanisation), proposition d’ailleurs formulée la Commission. En France, cela libérerait immédiatement jusqu’à 5% de la surface agricole pour la production alimentaire, face a un potentiel incertain de 2% pour les jachères.

Pour autant, la Confédération paysanne réaffirme que le « produire plus » n’est pas la bonne réponse face à une crise de la répartition des denrées alimentaires, non de la production. Cette crise de la répartition imposerait que la Commission s’attaque aux prix et à la spéculation, déjà facteurs de famines. Or, s’agissant des prix, elle se contente de pointer le problème de leur « volatilité », sans propositions concrètes.

Pour assurer la sécurité alimentaire des populations vulnérables, la Commission pourrait pourtant activer immédiatement deux leviers : le contrôle du prix des céréales et l’instauration de prix solidaires. Les populations fragiles, qu’elles soient en France, en Ukraine, en Afrique, ne seront jamais en mesure d’accéder à l’alimentation tant que le prix du blé sera déterminé par la spéculation financière. Le faire croire est soit naïf soit d’un cynisme inouï.

La Confédération paysanne a toujours plaidé et œuvré pour la solidarité avec les peuples, c’est d’ailleurs le principe même de la souveraineté alimentaire que nous défendons, concept créé par la Via Campesina et porté par 182 organisations et 200 millions de paysan.nes à travers le monde. Nous n’avons donc aucune leçon de solidarité à recevoir de celles et ceux qui aujourd’hui veulent se faire passer pour les « sauveurs de l’humanité ».

 

  • Communiqué et conférence de presse du 11 mars 2022 :

https://youtu.be/R2cuyVgOgCg

Conséquences de la guerre en Ukraine : le productivisme agricole est le problème, pas la solution

Avant de s’inquiéter des conséquences agricoles de la guerre en Ukraine, la Confédération paysanne redit son soutien aux Ukrainiennes et Ukrainiens, premières victimes de cette guerre, ainsi qu’aux Russes qui s’opposent à un régime totalitaire. La Confédération paysanne réaffirme son engagement pour l’accueil des réfugiés, un devoir de solidarité, qu’ils soient réfugiés de guerre, économiques ou climatiques.

Dès le début, les promoteurs du système agricole productiviste, FNSEA* en tête, ont instrumentalisé cette guerre pour éteindre toutes velléités de transition sociale et écologique du modèle agricole : attaque contre la stratégie Farm to Fork, à laquelle ils se sont toujours opposés, dévoiement du concept de souveraineté alimentaire réduite à un « produire plus sans contrainte ». Ce sont des manœuvres profondément opportunistes, indécentes et malsaines que nous dénonçons.

Tous les arguments sont bons pour soi-disant « nourrir le monde », jusqu’à demander la suppression d’une obligation de 4% de jachères sur les fermes ; obligation qui n’existe pas ! Leur « produire plus » est une réponse de marché, pas de solidarité, pour sauver leur système à bout de souffle.

Alors que le productivisme est présenté comme la solution, les conséquences agricoles de la guerre en Ukraine ont en réalité dévoilé 7 des grandes dépendances du modèle agricole productiviste : dépendance aux engrais de synthèse, à l’alimentation animale importée, aux marchés financiers, au libre-échange et à l’export, à la captation d’aides publiques, aux multinationales semencières, aux banques.

Le gouvernement doit annoncer la semaine prochaine un plan de résilience, dont un volet agricole. La situation est grave et impose de prendre des mesures urgentes et structurelles pour sortir de ces dépendances. Impossible de le faire, s’il s’agit d’un énième plan de sauvetage du modèle d’agro-business.

Pour garantir l’approvisionnement des populations et des élevages français nous portons des mesures d’urgence :

Le contrôle du prix des céréales pour permettre l’approvisionnement de populations qui seraient en risque de pénurie alimentaire et pour les élevages locaux. L’arrêt de la spéculation est une mesure essentielle pour la solidarité internationale et envers leurs collègues éleveurs.euses. La réponse n’est pas de produire plus mais de répartir et rendre accessibles les productions aux populations, en particulier les plus précaires.

Un accompagnement d’urgence pour les éleveurs et éleveuses dépendant.es de l’achat d’alimentation animale, assorti obligatoirement pour les unités de production hors-sol, d’un plan de désendettement et de désintensification de la production animale industrielle. Cette aide d’urgence doit être conditionnée à un plan de transition vers des systèmes de production plus sobres, plus autonomes, économes et en lien avec le sol.

L’interdiction immédiate de cultures énergétiques alimentaires pour la méthanisation et la fabrication d’agro-carburants. Cela permet de libérer 3 à 5 % de la surface agricole française pour la production alimentaire.

–  Un moratoire immédiat sur tous les projets d’artificialisation de terres agricoles. [1]

L’agriculture paysanne est largement plus efficace que l’agriculture industrielle pour « nourrir le monde » : elle produit 70 à 75% de la nourriture consommée mondialement sur un quart des terres cultivées, alors que l’agriculture industrielle en produit de 25 à 30 % sur trois quarts des terres cultivées. Depuis 60 ans, elle a prouvé son incapacité à « nourrir le monde » malgré les PAC* successives, les plans de soutiens, de relance…

Pour gagner en indépendance vis-à-vis de la Russie, l’agriculture paysanne, basée sur une logique d’autonomie, propose des solutions pertinentes sur le plan économique, social et environnemental, qui se révèlent aujourd’hui être aussi des atouts géo-stratégiques majeurs. A commencer par l’affranchissement progressif des engrais de synthèse, fabriqués à partir de gaz, principale source de notre dépendance à la Russie.

Réduire en urgence toutes les dépendances du modèle agricole productiviste libèrera donc les marges de manœuvre diplomatiques nécessaires afin d’œuvrer pour la paix. Et s’en affranchir structurellement[2], est une des clés pour construire le monde de demain désirable, pacifique, social et écologique.


[1]55000 hectares agricoles disparaissent chaque année en France, l’équivalent de la surface nécessaire pour nourrir une ville de la taille du Havre, soit plus de 172 000 habitants.

[2]Les solutions de l’agriculture paysanne : polyculture-élevage et déspécialisation des territoires, autonomie alimentaire et lien au sol, sobriété énergétique, affranchissement progressif des engrais de synthèse, pratiques agro-écologiques, régulation des échanges internationaux pour un commerce international équitable, protection absolue des terres agricoles et leur vocation alimentaire.

 

 

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