Le Syndicat de la magistrature auditionné

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Le Syndicat de la magistrature a été auditionné par la commission des droits de l’homme de l’ONU, à propos de la politique de maintien de l’ordre en France. Voici sa note de commentaire. 

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Le Syndicat de la magistrature a été auditionné hier, à la CNCDH, aux côtés d’autres syndicats et organisations, par Monsieur Michel Forst, rapporteur spécial aux Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et par Monsieur Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial aux Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association.

L’organisation de cette table ronde fait suite à la lettre d’allégation adressée par ces experts de l’ONU au gouvernement français le 14 février 2019, par laquelle ils faisaient part de leur inquiétude au sujet de la politique de maintien de l’ordre en France, notamment dans le cadre du mouvement dit des « gilets jaunes », dénonçaient un usage excessif de la force, des interpellations massives, un usage disproportionné des armes dites « non-létales » et se montraient vivement préoccupés par la proposition de loi alors encore en cours d’examen et promulguée depuis. Ils encourageaient « la France à repenser ses politiques en matière de maintien de l’ordre et les autorités françaises à ouvrir des voies de dialogue afin d’atténuer le niveau de tension et de reconnaître le rôle important et légitime que les mouvements sociaux jouent dans la gouvernance ».

Toutefois, la réponse apportée par le gouvernement français ne leur est pas apparue satisfaisante, et ce d’autant plus que de nombreux signalements ont continué de leur parvenir. Lors de l’audition, ils nous ont communiqué la réponse de la France que vous trouverez en pièce jointe – nous indiquant qu’ils ne rendaient habituellement pas ce document public, mais que la gravité de la situation le justifiait, de même qu’ils ont jugé utile de publier un communiqué le 14 février.

Les rapporteurs estiment que le gouvernement se contente d’affirmer que les textes légaux ont été respectés et ne reconnaît aucune défaillance, en dépit des multiples signalements circonstanciés, ce qui les « inquiète énormément ». Les rapporteurs qualifient cette attitude du gouvernement français de réel « déni de réalité », et indiquent qu’ils ne savent ainsi comment poursuivre leur mandat, qui implique une coopération technique pour avancer, à partir d’une situation où le gouvernement estime que rien ne doit changer. Ils citent notamment la justification fallacieuse de l’usage des lanceurs de balle de défense par une distinction juridique entre la notion d’attroupement qui permettrait d’employer cette arme et la notion de manifestation, alors qu’une manifestation peut devenir un attroupement d’un instant à l’autre et que des manifestants pacifiques peuvent alors être victimes de l’usage de ces armes. Ils soulignent la contradiction que constitue l’affirmation du président de la République selon laquelle il n’y a « pas de violences policières », alors qu’il y a eu depuis quelques mois autant d’yeux crevés et de mains arrachés que sur les 20 dernières années.

Compte tenu du caractère insatisfaisant de cette réponse, les rapporteurs ont décidé de passer à une seconde étape et d’établir un rapport plus détaillé sur la situation française pour demander ensuite de nouvelles explications au gouvernement.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu cette première réunion, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) devant ensuite procéder à de nouvelles auditions en vue de l’établissement dudit rapport.

L’ensemble des organisations présentes a fait part de la poursuite des difficultés soulevées dans la lettre d’allégation depuis le 14 février dernier et dénoncé de nouvelles techniques de maintien de l’ordre facteur de débordements (cortèges de manifestants pris en « nasse », sans possibilité de sortie, utilisation massive de gaz lacrymogènes, charge sur les cortège syndicaux, etc.). La loi Retailleau a également été fortement critiquée, notamment en ce qu’elle permet encore plus qu’auparavant de justifier des interpellations et des gardes à vue sur la base d’éléments extrêmement tenus (cf. délit de dissimulation du visage).

Nous avons pour notre part rappelé que ces dérives résultent en grande partie de la généralisation progressive de mesures d’abord présentées comme « exceptionnelles » (terrorisme, criminalité organisée) tant en matière de police administrative que de droit pénal, et qui constituent aujourd’hui autant d’outils utilisés à des fins de répression du mouvement social, dans le contexte d’une conception très minimaliste de l’indépendance de la justice par le gouvernement. Nous avons produit aux rapporteurs plusieurs écrits, tant concernant certaines lois antérieures qui ont pu conduire à la situation actuelle que sur ce qui se déroule en France depuis le début de l’année.
Ces écrits sont consultables en ligne :
http://www.syndicat-magistrature.org/Tribune-le-droit-de-manifester-restera-t-il-sur-le-bord-des-ronds-points.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Le-procureur-de-la-Republique-de-Paris-le-maillon-faible-des-garants-de-la.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Non-maintenir-enfermes-des-innocents-n-est-pas-classique.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Contre-l-usage-du-LBD-une-QPC-deposee-devant-le-Conseil-d-Etat-par-plusieurs.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Lycee-Arago-les-lois-de-la.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Ne-bradons-pas-la-liberte-de-manifester.html
http://www.syndicat-magistrature.org/La-liberte-de-manifester-vaut-mieux-qu-une-concertation-baclee.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Une-proposition-de-loi-contre-la-liberte-de-manifester.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Notre-porte-etroite-adressee-au-Conseil-constitutionnel-sur-la-loi-visant-a.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Projet-de-loi-renforcant-la.html
http://www.syndicat-magistrature.org/Observations-du-Syndicat-de-la,985.html

Nous saluons la démarche des rapporteurs des Nations Unies et contribuerons activement à toutes sollicitations ultérieures des rapporteurs ou de la CNCDH pour qu’ils disposent de toutes informations utiles.

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