Les responsables de l’intersyndicale font le point (1)

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L’Humanité a entrepris de publier des interviews des porte-paroles nationaux de l’intersyndicale, avant la journée de lutte du 6 juin 2023. Elles sont reproduites ici dans l’ordre de leur publication.

  • Benoît Teste, secrétaire général de la FSU (9 mai 2023):

    Benoit Teste, General Secretary of FSU, during the demonstration against the pension reform, on December 17, 2019 at Place de la Republique in Paris. Paris, FRANCE - 17/12/2019//04HARSIN_BENOITTESTEFSUMANIFREFORMERETRAITE001/1912171837/Credit:ISA HARSIN/SIPA/1912171851

    Benoit Teste, General Secretary of FSU, during the demonstration against the pension reform, on December 17, 2019 at Place de la Republique in Paris. Paris, FRANCE – 17/12/2019//04HARSIN_BENOITTESTEFSUMANIFREFORMERETRAITE001/1912171837/Credit:ISA HARSIN/SIPA/1912171851

https://www.humanite.fr/social-eco/benoit-teste/intersyndicale-benoit-teste-de-la-fsu-profitons-du-rapport-de-force-etabli-794033

 

« Chaque organisation est portée par des sensibilités différentes, et l’important est d’arriver à les dépasser. »

© Isa Harshin/Sipa

Secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU), deuxième organisation syndicale de la fonction publique d’État, Benoît Teste estime que le mouvement social contre la réforme des retraites « a fait la manifestation éclatante que l’intersyndicale unie est un puissant facteur de mobilisation ». Il espère « ardemment » que le rapprochement entre les syndicats perdure, afin de « maintenir le rapport de force » sur les retraites mais aussi, par exemple, sur les hausses de salaires.

Que retenez-vous de cette séquence sociale qui s’est ouverte en janvier ?

En priorité, que ce mouvement social a fait la manifestation éclatante que l’intersyndicale unie est un puissant facteur de mobilisation. Pour nous, c’est un des enseignements les plus forts de la période. Il signifie qu’il n’y a pas deux formes de syndicalisme irréconciliables.

Il n’y a pas d’un côté les radicaux et de l’autre les réformistes.»

Il n’y a pas d’un côté les radicaux et de l’autre les réformistes. Chaque organisation est portée par des sensibilités différentes, et l’important est d’arriver à les dépasser pour créer un mouvement unitaire. Tout le monde a joué le jeu : la CGT n’a pas dit qu’il n’y avait pas de salut en dehors de la grève reconductible, et la CFDT n’a pas dit que la grève reconductible était un mode d’action trop radical qu’il fallait proscrire. Il y a eu beaucoup d’écoute et de respect, et on a laissé de côté les désaccords de fond pour travailler à ce qui nous unissait. Cette réaction était à la hauteur de l’attaque portée par le gouvernement, qui était d’une ampleur inédite.

En dépit de l’unité syndicale, des manifestations et du refus très net de la réforme exprimé dans les sondages, le texte est passé et a été promulgué par Emmanuel Macron, mi-avril. Qu’est-ce qui a manqué, jusqu’à présent, à l’intersyndicale ?

Le premier obstacle, c’est l’autoritarisme et l’aveuglement du gouvernement. Nous nous sommes heurtés à un mur. Après, ce qui a peut-être manqué à ce mouvement, c’est d’avoir à disposition une alternative politique crédible sur le court terme. La gauche n’est pas identifiée comme pouvant revenir au pouvoir rapidement, ce qui aboutit à une forme de désenchantement.

Je ne dis pas cela pour jeter la pierre aux organisations politiques, mais force est de constater que, dès le début, les gens étaient majoritairement hostiles à la réforme des retraites, mais également majoritairement persuadés que le texte passerait.

Ils étaient prêts à faire quatre, cinq ou six journées de grève pour exprimer leur désaccord profond avec la réforme, ce qui nous a permis d’avoir un mouvement de masse, mais ils n’étaient pas tous prêts à reconduire les grèves ou à participer à l’ensemble des journées de mobilisation. Cette situation a empêché le basculement dans un mouvement encore plus fort.

L’intersyndicale a annoncé une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 6 juin. À quoi va ressembler la suite du mouvement ?

La suite dépend de notre capacité à donner le ton du débat social, comme nous avons réussi à le faire depuis le début du mouvement. Nous devons donc nous efforcer de maintenir le rapport de force. Il faudra rythmer les choses de manière différente, ce que nous avons commencé à faire en fixant au 6 juin la prochaine journée de mobilisation.

Pour nous, cette date est importante en raison de la proposition de loi d’abrogation présentée par le groupe Liot (qui sera examinée le 8 juin – NDLR). Nous voulons en faire un événement et peser sur les députés. Après le 8 juin, nous pensons, à la FSU, qu’il faudra des expressions communes pour donner à voir la poursuite de l’opposition à la réforme des retraites. Nous souhaitons ardemment continuer à travailler en intersyndicale quand cela sera possible.

Et, en attendant le 6 juin, nous appelons à continuer et amplifier toutes les actions, notamment les rassemblements quand Emmanuel Macron ou des ministres se déplacent.

Ces manifestations permettent de dire qu’on ne passe pas à autre chose. Prétendre gouverner un pays sans avoir tenu compte de l’avis de l’immense majorité de la population, ça ne passe pas. On ne les laissera pas tranquilles.

Les syndicats ont-ils eu raison de répondre favorablement à l’invitation d’Élisabeth Borne ?

Il ne faut pas laisser à penser qu’on passerait à autre chose. Pouvoir exprimer notre opposition à la réforme des retraites est donc un préalable à un retour à la table des négociations. Ceci dit, nous pensons que nous pouvons profiter du rapport de force que nous avons établi pendant le mouvement social pour intervenir sur d’autres sujets, comme les salaires ou la réforme du lycée professionnel.

Nous souhaitons donc participer à ces discussions, avec l’objectif que nos exigences se transforment en un agenda social à notre main. Le moment est venu de montrer notre utilité en allant discuter pied à pied de tous les éléments de la politique sociale. Même si le gouvernement a fait un coup de force qui ne passe toujours pas, il demeure notre interlocuteur pour les années à venir. Notre rôle est d’aller porter auprès de lui les revendications des salariés, y compris de manière très combative.

Vous représentez un syndicat de fonction publique. Quel regard portez-vous sur la campagne de communication « Choisir le service public » lancée la semaine dernière par le gouvernement pour pallier les difficultés de recrutement rencontrées par le secteur public ?

Cette campagne ne dédouane pas la fonction publique d’une véritable politique d’attractivité et du besoin de redonner du sens et des bonnes conditions de travail à des métiers qui ont trop longtemps été dévalorisés. Elle ne permettra pas de régler les gros problèmes de recrutement que nous avons dans tous les métiers.

Nous avons des carrières qui n’attirent plus parce que les salaires sont trop bas et parce que les services publics sont parfois en déshérence, ce qui suscite une perte de sens au travail et de la souffrance pour les agents publics. Ces derniers ont l’impression de ne pas pouvoir remplir leur mission correctement. C’est pour cela qu’ils ne s’engagent plus dans les carrières, voire qu’ils démissionnent.

9 mai 2023-Samuel Ravier-Regnat

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