Les systèmes de retraites dans le monde

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L’Espace international de la CGT invite à prendre connaissance des systèmes de retraites dans le monde, d’un point de vue général et aussi en Asie et Pacifique. Des documents utiles pour comprendre les limites des comparaisons entre systèmes sociaux et histoires, mais aussi à pointer qu’un grand nombre de pays n’ont tout simplement aucun droit en la matière. 

 

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Les systèmes de retraite dans le monde

 

1 – Pourquoi comparer les systèmes de retraite dans le monde en données brutes n’a pas vraiment de sens.

Pour appuyer leurs arguments et contraindre les populations à accepter des décisions ou des orientations qu’ils présentent comme des nécessités, les gouvernements successifs convoquent systématiquement les modèles à nos frontières qui soit sont exposés comme des exemples de vertu, soit sont dépeints sous forme de repoussoir qu’il faut impérativement éviter. La vertu résidant alors dans les marges austéritaires des pays qui ont su adopter les mesures les plus dures, pendant que les vices seraient l’apanage des politiques relevant d’une forme de progrès social, un inversement des valeurs qui n’aide pas à y voir plus claire au plan européen. C’est pourquoi il semble essentiel de faire le point sur la diversité et la réalité des régimes de retraite qui existent en Europe.

En effet, la question des retraites est au cœur de ces contradictions et de ces manipulations de chiffres, de données, de contexte politique et social. L’Europe telle qu’elle fonctionne aujourd’hui est aussi à l’image des différents modèles nationaux qui sont régis dans une grande proportion par des schémas libéraux. Alors si l’on pose comme préalable que la discussion ne doit pas se centrer sur la concurrence entre pays et sur le « moins-disant » social mais au contraire s’orienter vers l’ouverture à une Europe sociale nous aurons considérablement avancé. L’adoption récente d’un salaire minimum européen nous laisse entrevoir des possibilités qui peuvent être réellement engageantes et mobilisatrices.

 

2-  La retraite : encore un droit à conquérir dans une grande partie du globe

Trop peu de travailleurs ont aujourd’hui la garantie au droit à la retraite

27 % seulement de la population mondiale a accès à une protection sociale « adéquate » (c’est-à- dire couvrant, plus ou moins bien, l’ensemble des risques sociaux). Les dépenses sociales, au total, dans le monde représentent environ 9 % du PIB mondial1.

À l’échelle du monde, près de la moitié des personnes ayant dépassé l’âge légal de la retraite ne reçoivent aucune pension. Et pour beaucoup de celles qui en touchent une, le niveau des pensions les laisse bien souvent en dessous du seuil de pauvreté. En vertu des textes en vigueur, seules 42 % des personnes en âge de travailler aujourd’hui peuvent s’attendre à recevoir des pensions à l’avenir. Au cours des dernières années, de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire ont entrepris des efforts pour élargir la couverture des régimes de retraite contributifs et mettre en place des pensions non contributives afin de garantir une sécurité élémentaire du revenu à toutes les personnes âgées. Dans la même période, les pays engagés sur la voie de l’assainissement des finances publiques réforment leurs systèmes de retraite afin de réduire les dépenses, notamment en augmentant l’âge de départ à la retraite, en réduisant les prestations et en augmentant les taux de cotisation.

Pour l’OIT, si la tendance mondiale semble être à l’extension de la protection sociale, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire, l’efficacité des systèmes de sécurité sociale est – toujours selon l’OIT – compromise dans certains pays en raison de l’assainissement des finances publiques et des mesures d’ajustement mis en œuvre.

 

3-  De la difficulté de dresser un panorama des systèmes de retraite dans le monde

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) conduit régulièrement des études comparatives, à titre illustratif des problématiques traitées pour la France, sur un panel de dix pays étrangers représentatifs de la diversité des systèmes de retraite dans les pays développés : l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.

La comparaison des systèmes de retraite est un exercice délicat et doit être effectuée avec prudence. D’une part, les paramètres décrits peuvent renvoyer à des réalités différentes sous couvert de termes identiques (âge, durée d’assurance, taux plein, etc.). D’autre part, elle nécessite de tenir compte du contexte historique, institutionnel et socio-économique, par nature spécifique à chacun des pays.

Au-delà des différences apparentes, des systèmes de retraite très divers, reposant sur des architectures et des règles différentes, peuvent ainsi contribuer à obtenir les mêmes résultats au regard des objectifs qu’ils se fixent. Par exemple, des écarts constatés dans la part des dépenses de retraite dans le PIB peuvent renvoyer à des différences de périmètre des retraites publiques et ne pas conduire nécessairement à des écarts en termes de niveau de vie relatif des plus de 65 ans.

 

4-  Le cas allemand

Quand il s’agit d’afficher un modèle social de réussite l’Allemagne est souvent présentée comme l’exemple à suivre. Les allemands seraient plus efficaces, plus productifs et plus compétitifs. Outre le fait que ces affirmations appelleraient à être largement nuancées, elles ne disent pas combien le prix social à payer pour présenter un bilan économique supposé avantageux est élevé. Le taux de pauvreté est passé de 14,3 % à 16,8 % entre 2010 et 2019.

La part de personnes très pauvres, c’est-à-dire disposant de moins de 50 % du revenu moyen, a même bondi de 40 % sur cette période pour atteindre 11,1 %.

Cette dégradation de la situation sociale en Allemagne est la conséquence directe de l’augmentation de la part des très bas salaires, qui mécaniquement va se répercuter sur le niveau des retraites.

 

Nous disions donc que la réforme des retraites en Allemagne fait souvent figure de modèle, alors que les lois s’y succèdent comme ailleurs et marquent une grande instabilité dans la recherche d’un équilibre jamais trouvé. « Si la retraite à 67 ans a pu servir en 2010 à justifier en France la hausse de l’âge légal de la retraite et l’allongement de la durée de cotisation du régime général obligatoire, c’est que la perception d’un système de retraite à certains égards aussi complexe que le système français procède souvent d’une lecture réductrice »2.

A première vue leur système se rapproche de celui de la France, on serait donc tenté des les comparer. Il s’agit en effet de régimes par répartition avec retraites complémentaires et incitation à l’épargne, présentant une même architecture de système de retraite classique à trois piliers : régime de base obligatoire, régime de retraites complémentaires, prévoyance individuelle. Mais pour peu que l’on entre dans le détail des facteurs qui influent sur le niveau des pensions et leur capacité à préserver le niveau de vie des retraités (modes de calcul et de validation, taux de remplacement, modes de financement, etc.), il s’avère impossible de s’en tenir au seul critère de l’âge – comme on le fait encore souvent en France en parlant de la retraite à 67 ans en Allemagne, sans distinguer par exemple l’âge légal d’ouverture des droits de l’âge légal du taux plein.

Les Allemands partent-ils donc à la retraite à 67 ans (vs. 62 ans aujourd’hui en France) comme on l’entend souvent ? C’est un peu plus compliqué que cela.

En réalité cet âge légal correspond à l’âge à partir duquel un allemand peut liquider sa retraite à taux plein et ne trouve pas d’équivalent en France car les deux systèmes ne reposent pas sur les mêmes paramètres.

Un assuré ALLEMAND peut liquider sa retraite à partir de 63 ans s’il justifie d’au moins 35 ans de cotisations mais sa pension subira une décote (d’environ 10% au maximum) sans compter un nombre de points, déterminants dans le calcul de sa pension.

Il est en fait difficile de comparer deux systèmes de retraite à partir d’une notion d’âge légal ne recouvrant pas la même réalité, chacun étant le fruit d’une construction historique différente.

Pour tenter des comparaisons, il faut donc s’abstraire de notions incomparables et s’intéresser à des

indicateurs synthétiques en matière d’âge et de durée à la retraite.

  • En matière d’âge, retenons l’âge moyen à la liquidation et celui de sortie du marché du Ils ne sont pas équivalents car on peut avoir liquidé mais toujours travailler (cumul emploi- retraite) ou ne plus travailler sans avoir liquidé (période d’inactivité).
  • En Allemagne, le niveau de vie des plus de 65 ans a connu ces dernières années une évolution inverse de celle de la France puisqu’il a baissé par rapport à celui des moins de 65 Le taux de pauvreté des plus de 65 ans est 2 fois plus élevé en Allemagne qu’en France. Ce qui peut expliquer ces chiffres, c’est l’augmentation des carrières incomplètes ou atypiques et la baisse des pensions qui en découle, mais aussi le fait que les transferts publics contribuent moins qu’en France au revenu des personnes âgées, qui doivent donc s’en remettre davantage au travail et au patrimoine.

– Reste, enfin, à considérer la durée moyenne espérée en retraite calculée à partir des statistiques d’âge moyen de sortie du marché du travail et de la durée de vie résiduelle à cet âge.

En conclusion, s’il est inexact d’affirmer que les Allemands doivent travailler jusqu’à 67 ans, il est juste de dire que leurs règles supposent un départ à la retraite + tardif (d’environ 2 ans), expliquant, entre autres, une durée à la retraite bien plus courte (3/4 ans) qu’en France.

Le financement des retraites posait quant à lui la question du choix entre l’augmentation des cotisations pour conforter le système par répartition et le redéploiement vers un système par capitalisation. C’est cette dernière voie qui a été privilégiée, avec un redéploiement certes partiel, mais accompagné de mesures fortement incitatives. La limitation des hausses des cotisations au régime général amplifie en effet le problème de son financement, alors que la part des salaires dans le PIB diminue et que la part des emplois à temps partiel et donc à faibles cotisations, augmente.

C’est cette voie qu’a choisi le gouvernement français, et le contre modèle allemand démontre très clairement que la contre-réforme choisie conduira à augmenter la précarité, les parcours professionnels hachés, surtout pour les femmes, la pauvreté tout en fragilisant considérablement le système de financement. L’assurance vieillesse n’assurera plus dans la réalité qu’un minimum vieillesse qu’il faudra pouvoir se doter alors d’un complément par capitalisation pour parvenir à reconstituer un taux de remplacement complet.

Afin d’élargir notre vision sur les retraites, l’espace international a analysé les projets de retraites en Asie, zone géographique considérée comme la puissance montante dans l’économie mondiale.

Cette étude basée sur les données de l’OCDE et les échanges avec certaines des organisations syndicales des pays étudiés montre que quel que soit la situation du pays, quel que soit l’âge de départ en retraite, quel que soit le niveau de pension, l’OCDE n’envisage et n’a étudié qu’une seule piste, l’allongement de l’âge de départ en retraite et la baisse des pensions, en la justifiant par l’augmentation de l’espérance de vie, même si les chiffres du pays affirment le contraire. Que le pays visé soit d’obédience ultralibérale, comme Singapour ou à économie dite planifiée comme la Chine ou le Vietnam, tous suivent scrupuleusement les recommandations de l’OCDE sans aucune forme de réflexion ou même d’inflexion.

Vous trouverez cette étude CGT en annexe de cette note.

1 Source Rapport de l’OIT sur la protection sociale dans le monde

2 Les retraites en Allemagne : une réforme exemplaire ? Marcel Tambarin Dans Revue française des affaires sociales

2015/4, pages 61 à 81

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