Ne pas tracer de limites a priori à l’action syndicale

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Sous le titre « ne pas tracer de limites à priori à l’action syndicale », Didier Epsztayn, animateur du site « Entre les lignes entre les mots (notes de lectures, débats et quelques notes de musique) », a écrit un commentaire sur le livre « Nouveau siècle, nouveau syndicalisme ». Nous l’en remercions et il nous autorise à publier son point de vue.

Pour joindre son site : http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com

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Le livre est divisé en deux parties : Diagnostics et Propositions.

Compte tenu de la diversité des contributions, je choisis de ne mettre l’accent que sur quelques points.

Le syndicalisme en France est plutôt mâle, blanc, dans la fonction publique et les grosses entreprises, dont celles récemment privatisées. Dans le secteur privé, les PME et les sous-traitants sont un « angle mort du syndicalisme », les CDD et les intérimaires aussi. Pour ne pas parler, des chômeuses et des chômeurs, des jeunes, des salarié-e-s en contrat à temps partiel…

Jean Marie Pernot insiste sur la « désaffiliation sociale et idéologiques des ouvriers » et sur les « ruptures dans la socialisation ». Il indique, entre autres : « Il est nécessaire de construire de nouvelles unités d’action collective intégrant tous ceux qui concourent au « travailleur collectif », en amont et en aval de l’entreprise ». Le syndicalisme, pour (re)devenir un acteur social, et non une addition de lieux d’intervention, devra se tourner vers « les parties du salariat structurellement situées hors du champ des institutions représentatives du personnel ».

Sophie Béroud et Karel Yon interrogent les notions de « institutionnalisation » et de « bureaucratisation ». Quatre points me semblent notamment importants, le penser « les institutions comme des supports pour l’action qui peuvent être propices à la création autant qu’à la conservation », la critique de leurs usages en parallèle à la critiques des institutions, la question de la démocratie interne aux syndicats et les questions de pouvoir dans la sphère du travail.

Les questions de démocratie interne, de pouvoir au travail, impliquent de prendre en compte l’ensemble des rapports sociaux dans et hors du travail salarié (rapports sociaux de genre, travail domestiques assigné aux unes, racialisation et stigmatisation des un-e-s et invisibilisation des pratiques des communautés majoritaires des autres, préférence nationale dominante dans la fonction publique, etc.). Sans oublier les débats nécessaires sur la rotation des taches, le temps comme permanent-e à limiter, les collectifs ouverts, les liens avec les usager-e-s, etc.

J’ai particulièrement apprécié, la façon dont Dominique Mezzi aborde les questions du syndicalisme et de la politique, autour de la Charte d’Amiens. Contre les lectures réductionnistes, il rappelle la « double besogne quotidienne et d’avenir » soit les réformes à imposer dans le temps court et l’« émancipation intégrale » comme but.

Social, politique, quelque soit les manières d’aborder ces problèmes, « il faut penser la contradiction et les tensions ». L’auteur revient sur les débats du débuts du XXe siècle. Face à la restructuration mondiale du capitalisme, il indique, entre autres : « Tout est donc à inventer une nouvelle fois. Fronts partiels sociopolitiques, collectifs pluri-organisationnels ou uni-thématiques, front de gauche, jonctions entre syndicalisme et réponses politiques : tout bouge ».

Si je ne partage pas l’ensemble des analyses de Sophie Béroud et Karel Yon sur les questions de représentativité, j’en indique néanmoins quelques unes. A commencer par une question « La démocratie sociale réduite au vote professionnel ? ». Elle et il soulignent ce qui entrave « la formulation d’un discours syndical alternatif et la mobilisation d’identités collectives élargies au niveau d’un territoire, d’une branche professionnelle ou de la classes salariale dans son ensemble ». Il ne saurait y avoir de véritable émancipation exclusivement politique, de citoyenneté réduite à la seule citoyenneté politique.

Les questions sociales sont des questions politiques.

En paraphrasant Max Weber, les auteur-e-s évoquent « la cage d’acier du ‘partenariat social’ ». Elle et il ajoutent « Tenir compte des connaissances socialement situées et des formes d’expérience qui ne sont pas d’emblée formulées dans le langage de l’argument dépassionné implique d’accorder à la représentation sociale des dominé.es une importance équivalente à la représentation politique des opinions ».

Le travail est un rapport social, il est « politique au sens où il est le grand organisateur des antagonismes structurels de la société » (Tony Fraquelli) . Sauf à négliger les conditions réelles des femmes, le travail salarié ne peut-être abordé en abstraction du travail domestique (Voir, par exemple Danielle Kergoat : Se battre disent-elles…, La dispute 2012, Travailleuse n’est pas le féminin de travailleur). Plus généralement le travail doit être questionné, non seulement dans son organisation, mais aussi dans ses dimensions d’exploitation et de libération. (En compléments possibles, voir des livres chroniqués dans la rubrique Travail Travail | Entre les lignes entre les mots).

Des constats, des questions, quelques pistes de réponses, des propositions à discuter…

Et des silences, outre ceux déjà signalés, la nécessaire transition écologique, les coopérations régionales, sectorielles, transfrontalières, européennes ou non, les réappropriations ouvrières, la baisse radicale du temps de travail, la réhabilitation des cotisations sociales et leur gestion directe, etc. Soit une série de problèmes d’orientation socio-économique, politique et de pratiques au cœur d’un possible renouveau syndical.

Je dois signaler que je trouve assez inadéquate la contribution de Raphaël Szajnfeld sur la FSU. Outre l’oubli dans la stabilité proclamée du syndicalisme de 1964 jusqu’à la création de la FSU, du CRC Santé puis de SUD PTT, à l’heure ou les syndicalistes s’interrogent sur les limites du syndicalisme d’entreprise, ne rien dire sur le syndicalisme encore de métier dans une partie cette fédération syndicale est pour le moins curieux (« il faudra une importante rénovation des pratiques, analogue, dans sa portée, à celle qui a vu le syndicalisme de métier se transformer en syndicalisme industriel au début du 20e siècle » (Jean-Marie Pernot). De plus, omettre les questions pédagogiques, qui sont au cœur de la pratique, dans l’enseignement, des militant-e-s réduit singulièrement l’optique de ce syndicalisme.

 

Didier Epsztayn

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