Note CGT sur la vaccination dans le monde

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L’espace international de la CGT publie une note sur les stratégies vaccinales dans plusieurs régions du monde. Elle donne des indications sur les positions syndicales défendues, par exemple celle de la Confédération syndicale internationale (CSI), et rappelle les préconisations de l’OMS. Elle signale les grandes mobilisations au Brésil à l’appel des syndicats contre la gestion « négationniste » de Bolsonaro. Elle dénonce les inégalités mondiales d’accès aux vaccins.

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Stratégies sanitaires et campagnes vaccinales dans le monde

 

Alors qu’en France, le Conseil constitutionnel vient à peine de valider la loi relative à la gestion de la crise sanitaire, sur l’extension du passe sanitaire et la dégradation des droits fondamentaux des travailleuses et travailleurs, quelles mesures sont à l’œuvre dans le monde et comment les syndicats se positionnent-ils vis-à-vis d’elles ? Et au regard du risque d’émergence de nouveaux variants de la Covid-19, potentiellement résistant aux vaccins, comment endiguer sérieusement la pandémie mondiale ?

 

La pandémie ne s’estompe pas, partout dans le monde les populations sont touchées, parfois avec une violence et un rythme encore jamais atteints. Début mai 2021 l’OMS rappelait ainsi « Il y a eu plus de cas de Covid-19 signalés au cours des deux dernières semaines dans le monde, qu’au cours des six premiers mois de la pandémie ». Officiellement, plus de 200 millions de personnes ont déjà été contaminés et quasiment 5 millions en sont mortes, à cela s’ajoute les millions de Covid longs dont les conséquences à long terme sont encore méconnues (des études estiment que 10% des contaminés développeraient des séquelles plus ou moins importantes). L’OMS a par ailleurs reconnu que le nombre de décès liés directement ou indirectement au Covid-19 est « significativement sous- estimé », la surmortalité enregistrée étant deux à trois fois plus élevée que les décès attribués au virus. Le Covid-19 aurait causé au moins trois millions de décès directs et indirects pour la seule année 2020 alors que les bilans officiels font état d’environ 1,8 million de morts. À l’instar de l’université de Washington, elle estime que la pandémie aurait fait « environ 6 à 8 millions » de morts. Et le manque, voir l’absence de coordination au niveau mondial, n’ont fait qu’accentuer ce désastre humain et social.

 

Si aujourd‘hui des vaccins existent, leur déploiement et leur utilité sont limités par l’utilisation capitaliste qui en est faite et qui n’a que peu à voir avec des enjeux de santé publique. Les politiques néolibérales d’ajustements structurelles vident les caisses des États pauvres les empêchant d’accéder aux vaccins aux prix fixés par les géants de l’industrie pharmaceutique. Oxfam a calculé que le coût de production des vaccins est pourtant environ 10 fois inférieur au prix de vente. Cela conduit de facto à une politique d’apartheid vaccinale mondiale.

En effet, 75% de l’approvisionnement mondial des vaccins a été administré dans seulement 10 pays, tandis que les États à faible revenu ont vacciné à peine 2% de leurs populations. Quelle réponse apporte les dirigeants des pays riches à cette situation ? Ils consentent à livrer quelques doses via le programme Covax là où il en faudrait des milliards, les pays du Sud devant se contenter de quelques miettes.

 

La méfiance et la réticence qui s’expriment face à cette gestion capitaliste de la vaccination suscite, en particulier dans les pays du Nord, des mobilisations protéiformes allant des tenants de thèses complotistes aux courants technophobes, fascisants et réactionnaires qui se mélangent, parfois confusément, aux luttes contre les régressions sociales et les pratiques autoritaires ayant court dans de nombreuses régions du monde.

Pourtant, et avec toutes les réserves concernant les pratiques commerciales du lobby pharmaceutique, le consensus du monde scientifique et médical après les 3 milliards de doses injectées est sans appel pour un bénéfice-risque largement favorable à la vaccination, quel que soit les catégories d’âges.

 

Depuis le début de la pandémie, la CGT affirme avec bien d’autres centrales syndicales dans le monde, que la vaccination est une solution indispensable, bien que non-suffisante, à la lutte pandémique. Alors pourquoi les vaccins ne sont pas produits partout où les capacités existent, et distribués dans le monde entier ? C’est en effet la question à laquelle les responsables politiques devraient répondre, d’autant plus que l’émergence de nouveaux variants à échappement immunitaire pourrait réduire notablement l’efficacité des vaccins actuels.

Mais non, en lieu et place d’un vaste plan mondial d’accès aux soins et aux vaccins, de levée sans condition de tous les brevets, la responsabilité de la situation sanitaire est reportée sur les populations, ce qui est une aberration.

 

Cette note vise à donner un panorama non exhaustif, mais suffisamment significatif, des mesures qui partout sont prises dans le monde. On distinguera deux stratégies principales, elles-mêmes se déclinant sous des formes diverses et qui suscitent des réactions différentes dans le mouvement syndical et le monde du travail. Ces stratégies de lutte pandémique sont :

 

  • L’atteinte de l’immunité collective – naturelle et vaccinale – en laissant circuler le virus avec des mesures de confinement plus ou moins strict, position majoritaire dans les choix des gouvernements
  • Une stratégie d’endiguement de la circulation virale, en appliquant un confinement strict dès que quelques contaminations sont découvertes et associées à une politique publique de tester-tracer-isoler ainsi qu’au recours à la vaccination de masse, qu’on retrouve principalement en Asie de l’Est et en Océanie.

Dans cette note nous nous pencherons uniquement sur la première stratégie, qui correspond à la voie empruntée par la France.

Enfin, nous conclurons sur les propositions de l’Organisation Mondiale de la Santé et des forces progressistes internationales, pour parvenir à l’éradication complète de l’épidémie. Sans une coordination mondiale, sans une coopération véritable, sans une levée des brevets, nous risquons de voir cette crise perdurer dans le temps.

 

  1. Stratégie stop-and-go :

Dès mars 2020, quand l’épidémie a explosé dans la plupart des pays, l’organisation capitaliste de nos sociétés s’est avérée dans l’incapacité d’opposer une stratégie cohérente et coordonnée pour enrayer son expansion. Les confinements, engagés à reculons par les gouvernements et le patronat, ont servi de palliatifs à un système de production et de distribution incapables de répondre aux besoins sociaux et sanitaires induits par la Covid-19. La pénurie de masques, et la bataille de chiffonniers entre États industrialisés pour s’en accaparer, restera l’une des images marquantes de cette faillite. Pourtant, partout dans le monde, le mouvement syndical et les forces progressistes, les collectifs de travail et les populations, ont très vite fait des propositions et mis en pratiques des réponses solidaires et alternatives que le capital n’était pas en mesure d’assurer, étant en contradiction avec la logique du profit qui le caractérise. Cela a très clairement transparu lors des échanges du Forum Syndical International des Transitions Écologiques et Sociales que la CGT a co- organisé en juin 2021, et plus particulièrement pendant la table-ronde sur les coalitions et les alliances qui ont été des forces de proposition aux quatre coins du monde.

Faute d’un rapport de force suffisant pour s’engager dans une voie solidaire et de justice sociale, le choix de laisser circuler le virus sans mesure de réorganisations sociales significatives s’est imposé à toutes et tous au travers de cette stratégie dite du stop-and-go. Depuis lors, les mesures de confinement s’appliquent face aux différentes vagues en fonction du niveau d’engorgement des hôpitaux, déjà malmenés par des décennies de coupes budgétaires dans les services public. Si les mesures prises ne sont pas tout à fait équivalentes d’un pays à l’autre, l’absence de stratégie alternative à moyen-terme visant à l’éradication de la pandémie est une constante pour l’ensemble des pays engagés sur cette voie.

Face à cette situation, la vaccination de masse est la seule issue praticable pour les gouvernements afin de maintenir le modèle de production actuelle.

En conséquence, ce choix stratégique entraîne d’une part un accaparement de la production mondiale des doses de vaccins au profit des pays riches et au détriment des pays pauvres. D’autre part, les gouvernements des pays riches se sont vus dans l’obligation de faire adhérer leur population à la logique vaccinale, que ce soit par la conviction ou par la contrainte.

Les carences et les mensonges importants dans la gestion sanitaire des gouvernements engendrent une acceptabilité et une résistance plus ou moins importante parmi des franges de la population, jusqu’à provoquer le rejet du principe de la vaccination, pourtant considéré comme l’un progrès les plus importants du XXème siècle.

a) Campagne vaccinale et réactions syndicales dans les régions et pays ayant largement accès aux vaccins

 

L’Europe :

 

D’abord critiquée et conspuée pour avoir montré son incapacité à coordonner des politiques communes de gestion de la crise sanitaire, l’Europe a réussi également à démontrer sa difficulté à apporter une réponse commune et harmonisée aux contraintes imposées liées à la vaccination et aux mesures restrictives qui portaient atteinte aux libertés. Pourtant la Commission européenne est parvenue bon gré mal gré à faire entrer en vigueur, au 1er juillet comme elle s’y était engagée, le « certificat vert numérique ». Mais ce document ne vise au final que la libre circulation des citoyens au sein de l’espace communautaire, il ne dit rien des mesures que chaque état membre pourrait prendre pour imposer d’autres restrictions, sans que ces dernières ne soient appliquées partout et de façon coordonnée.

Le passe sanitaire n’est donc pas une spécificité française, à ce jour plus de 300 millions de passes ont déjà été émis en Europe, cependant il appartient à chaque état d’en délimiter les contours et d’en définir les modalités.

 

L’Italie :

 

La mise en place du Green Pass (équivalent international du passe sanitaire) a entraîné des mobilisations dans le pays. Elles sont notablement plus faible qu’en France, et principalement à l’initiative de l’extrême-droite italienne (la Lega, Fratelli d’Italia et Casa Pound).

La CGIL, par la voix de son secrétaire général Maurizio Landini, a clarifié sa position le 9 août à propos du Green Pass :

« [Nous] n’avons jamais soulevé de question de principe sur l’instrument du Green Pass, malgré les recommandations européennes de ne pas adopter de règles discriminatoires. » […] « Disons quelque chose de très simple : si le gouvernement estime que le vaccin doit être obligatoire pour tous, il doit immédiatement proposer une loi au Parlement. Nous ne sommes pas contre. Notre Constitution préconise cette solution pour faire tenir ensemble les droits inviolables des personnes et la nécessité d’assurer et de protéger la santé publique, l’intérêt et la sécurité de la communauté ». […] « Une logique de sanction et de punition à l’égard du monde du travail ne risque que d’accroître les divisions et d’éloigner l’objectif de la vaccination de masse. », [rappelant que], « les protocoles de sécurité avec la possibilité de vaccins en entreprise ont été obtenus grâce à la mobilisation des travailleurs et contrairement à ceux qui soutenaient que les intérêts économiques prévalaient sur la sécurité du travail, des entreprises et du pays ».

 

L’Espagne :

 

Avec un taux de vaccination à deux doses de 67%, l’Espagne fait partie du peloton de tête des pays européens, ce qui explique à ce jour la prudence avec laquelle le gouvernement avance sur l’obligation vaccinale, qui n’est pas d’actualité pour le moment. La vaccination est mieux acceptée dans la population, et les espagnols n’ont pas eu à subir les mensonges et les discours contradictoires des gouvernants, comme en France. Elle démontre qu’une autre gestion de la crise était possible, en associant le peuple aux décisions et en tenant une ligne cohérente.

Les réticences se font plus sentir au niveau des régions, qui gardent leurs prérogatives sur les questions sanitaires. Il ne s’agit cependant pas d’un rejet quant au principe du passe sanitaire, mais d’une application plus mesurée. La Catalogne, épicentre de la cinquième vague de Covid, ne refuse pas le passe sanitaire par exemple. Elle refuse son application tant que la population n’a pas suffisamment accès au vaccin.

Nos camarades de l’UGT et des CC.OO se concentrent pour leur part sur la question de la levée des brevets, participant activement aux campagnes internationales.

 

 

L’Allemagne :

 L’Allemagne adopte un passe moins contraignant, les soignants ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale et les commerces restent accessibles sans passe, cependant les länder ont la possibilité de prendre des mesures plus restrictives et rien ne garantit que la situation demeure en l’état.

La gestion de la crise sanitaire en Allemagne se déroule en pleine campagne électorale, à l’approche des législatives du 26 septembre, ce pourquoi les partis peinent à cristalliser le mécontentement autour de ces questions. Les syndicats ne sont pas pour le moment impliqués frontalement et les mobilisations se font plus sur des revendications salariales, comme dernièrement dans le rail. Les cheminots allemands ont débrayé massivement le mardi 10 août en bloquant le fret ainsi que les trains de passagers. Les salariés réclament une augmentation de salaire ainsi qu’une prime « corona » de 600 euros.

 

Les États-Unis :

 Aux États-Unis, pays le plus endeuillé par la Covid-19 avec 631.000 morts officiels, environ 52% de la population a déjà reçu ses deux doses de vaccin. Si pour l’instant il n’est pas question d’instaurer nationalement une obligation vaccinale, le ralentissement du rythme de vaccination laisse apparaître des voix de plus en plus nombreuses pour faire pression en ce sens, en particulier pour les travailleurs les plus exposés aux contacts sociaux. Quelques entreprises, notamment Walt Disney, United Air Lines et l’armée Américaine l’ont déjà mis en place. Mais le débat monte un peu partout, notamment dans la fonction publique, les établissements de santé et d’éducation. Suite à la reprise de l’école, la polémique est d’autant plus vive qu’avec le variant delta le nombre de cas d’enfants développant des formes graves de la maladie augmentent fortement. Plus de 121.000 nouveaux cas d’enfants ont été enregistrés au cours de la semaine se terminant le 12 août aux États-Unis, une augmentation substantielle et continue.

La présidente Randi Weingarten de l’AFT Union, second syndicat de l’éducation rassemblant 1,7 millions de membres, expliquait récemment ce que son syndicat met en place pour faire face à cette situation :

« Dans le cadre de notre campagne de rentrée des classes, les syndicats de l’AFT parrainent des séances d’information sur les vaccins et des cliniques, d’autres accueillent les familles pour qu’elles visitent les écoles et voient les mesures de sécurité en place, et beaucoup proposent des foires pour fournir aux familles des livres, des masques, des fournitures scolaires et des informations. »

Nous reproduisons aussi ci-dessous la position officielle de SEUI sur la vaccination – syndicat d’employés de 2,2 millions de membres et avec qui nous menons régulièrement des campagnes internationales contre les pratiques abusives des multinationales (Amazon et McDonalds entre autres) :

  1. « Les vaccins sont une technologie éprouvée pour prévenir la propagation des Le vaccin COVID est un outil d’une importance capitale pour protéger nos familles, nous-mêmes et nos communautés dans notre lutte contre ce virus mortel. Nous encourageons les membres du SEIU à se faire vacciner.
  1. La distribution des vaccins doit être équitable et transparente, et doit donner la priorité aux populations les plus durement touchées par le virus, telles que les travailleurs essentiels, les personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents et les populations de couleur qui ont été touchées de manière disproportionnée.
  2. Les vaccins doivent être fournis gratuitement et les travailleurs doivent bénéficier de congés payés si le processus de vaccination les oblige à s’absenter du
  3. Les employeurs ne doivent pas utiliser les vaccinations pour remplacer les protocoles de sécurité des travailleurs et de contrôle des infections, ou pour garantir l’accès aux équipements de protection
  4. Les plans de distribution des vaccins doivent comprendre des activités d’éducation et de sensibilisation qui impliquent profondément et significativement les travailleurs essentiels et nos communautés.
  5. Les plans de sensibilisation et de distribution doivent reconnaître l’impact du racisme structurel dans les causes du traumatisme et les niveaux élevés de méfiance vis-à-vis de la vaccination dans les communautés noires et
  6. La meilleure approche pour encourager la vaccination universelle passe par l’éducation et la sensibilisation, et non par une vaccination obligatoire ».

 

b)  Situation et réactions syndicales en l’absence d’accès à une vaccination de masse

 

L’Afrique du Sud :

 La campagne de vaccination avance très lentement en Afrique du Sud, avec un peu moins de 12% de sa population complètement vaccinés, et pourtant le pays est un producteur de vaccins importants. Johnson & Johnson est critiqué pour avoir inclus une clause inhabituelle dans son contrat de fabrication avec l’Afrique du Sud qui oblige le pays à renoncer à son droit d’imposer des restrictions à l’exportation de doses de vaccin. Alors que plusieurs pays occidentaux ont empêché les doses fabriquées dans leur pays de quitter leurs frontières, l’Afrique du Sud doit accepter la demande en échange d’une offre relativement faible de vaccins. La mesure a été qualifiée d’« extraction colonialiste ». Néanmoins la campagne patine aussi en raison d’un rejet important du vaccin de la part de population. Dans des centres de vaccination qui fonctionnent au compte-gouttes, certains soignants ont lancé des appels à venir se faire vacciner sur les réseaux sociaux. Soulignons que le pays est empêtré dans une crise sociale et économique profonde qui, comme ailleurs dans la plupart des pays à revenus moyens et faibles, noie la question du Covid dans des urgences alimentaires notamment. De nombreuses mobilisations contre la vie chère et la corruption des élites dirigeantes ont lieu depuis plusieurs mois.

La COSATU, principale confédération du pays avec 1,8 millions de membres, encourage dans son dernier communiqué à la vaccination, tant pour lutter efficacement contre la Covid-19 que pour éliminer les périodes de confinements. Ils dénoncent les théories conspirationnistes et intox en circulation, et qui induisent en erreur la population. L’organisation appelle à amplifier les campagnes d’information pédagogiques.

Toutefois, elles dénoncent aussi les pressions et les sanctions des employeurs contre leurs salarié.es :

« La COSATU soutient l’appel du président pour persuader tous les sud-africains à se faire vacciner, mais personne de doit être vaccinés contre son consentement ». Rappelant que les directives du ministère du travail appellent les employeurs à trouver des solutions alternatives (masques FFP3, télétravail) et en aucun cas à appliquer des sanctions.

 

Le Brésil :

 

Le pays est l’exemple le plus frappant de la stratégie du laissez-faire, n’appliquant des confinements que dans les cas les plus extrêmes de débordements des hôpitaux et sous la pression intense des populations. Le bilan dramatique, plus de 600.000 morts et près de 20 millions de contaminés, des populations autochtones décimés, est à mettre en premier lieu au compte du président néo-fascistes Jaïr Bolsonaro, pratiquant une politique génocidaire et négationniste de la pandémie. Le président s’est par ailleurs affiché comme un anti-vaccin affirmé, louant la chloroquine (il aura licencié 2 ministres de la santé qui refusaient sa distribution), et s’est trouvé récemment impliqué dans un scandale de contrats frauduleux pour l’importation de vaccins, dénoncé par des hauts fonctionnaires du ministère de la Santé. Résultat des courses : seule 25% de la population a reçu les deux doses de vaccin.

Les forces syndicales, associées à un large front unitaire rassemblant la quasi-totalité des organisations progressistes du pays, mènent une campagne sous la bannière « Foro Bolsonaro » (Dehors Bolsonaro). Trois grandes journées de grèves et de manifestations se sont déjà déroulées, rassemblant des millions de personnes à travers le pays. Les principales revendications de ce mouvement, qui demande la destitution du président, sont le jugement de Bolsonaro pour sa responsabilité vis-à-vis des décès dans la pandémie, l’accès à la vaccination pour toutes et tous, des emplois décents et des moyens pour les services publics.

 

La Tunisie :

 

La Tunisie fait face depuis trois mois à une troisième vague de la Covid-19, associée au variant Delta et bien plus violente que les deux premières, les hôpitaux ont été complètement débordés et le pays a été plusieurs fois en tête du nombre de décès par habitant au cours de cette période. Les difficultés d’accès à la vaccination sont importantes, avec seulement 24% de la population entièrement vaccinés.

Dès janvier 2021, les camarades de l’UGTT avaient pourtant déjà pointé du doigt la confusion dans la gestion de l’épidémie et de ses conséquences sanitaires, sociales et économiques, face à la propagation de la pandémie de Covid-19. Ils condamnent l’absence d’une vision stratégique globale qui améliore la gestion des crises qu’elles soient liées à la prévention, à la sensibilisation, aux soins et traitements fournis aux patients, aux équipements et aux conditions de santé, ou en ce qui concerne le préparatifs de l’acquisition des vaccins, la préparation des campagnes de vaccination, les bénéficiaires prioritaires et les moyens de généralisation des vaccins gratuits.

La vague mortelle qui s’abat sur la population, doublée d’une crise politique et économique profonde et d’intenses mobilisations de la population, ont servi de prétexte au président en poste Kais Saied pour suspendre les activités du parlement (article 80 de la constitution), et mettre en place une cellule de crise interministérielle censée prendre en charge la gestion de la pandémie (politique sanitaire, stock de matériels, coordination de la campagne de vaccination). Une situation complexe où les impératifs de la lutte contre la maladie et des mouvements sociaux et politiques qui demandent depuis des mois la dissolution du Parlement et le renvoi du gouvernement de Mechichi, sont accompagnés d’une dangereuse concentration du pouvoir entre les mains du président.

Dans ces dernières prises de positions l’UGTT écrivait : « que les mesures exceptionnelles prises par le Président doivent s’accompagner d’un ensemble de garanties constitutionnelles, au premier rang desquelles figure la nécessité de contrôler les objectifs des mesures exceptionnelles » […] « ainsi qu’à assurer le Respect des droits et libertés, y compris les droits économiques et sociaux, sans division, tout en recourant à des mécanismes démocratiques et participatifs dans tout changement politique dans le cadre d’une feuille de route participative claire qui définit des objectifs, des moyens et un calendrier, rassure les populations et dissipe les peurs. ».

L’UGTT attend donc toujours un plan économique et social, et reste sur la position qu’elle veillera à ce que les intérêts des travailleuses et travailleurs soient défendus quoiqu’il arrive. Elle a également déclaré, lors d’un discours prononcé à Sfax, que le maintien des libertés représente une ligne rouge à ne pas franchir.

 

L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale :

 

D’une façon générale et après quelques retours d’organisations syndicales avec lesquelles nous sommes en contact principalement en Afrique de l’Ouest et Centrale, il est à noter que les enjeux sanitaires face à l’épidémie de la Covid-19 ne sont pas la première des préoccupations de nos camarades, à l’exception du Sénégal qui vient de traverser une 3ème vague ayant une nouvelle fois mis en évidence sa sous capacité hospitalière en matière d’infrastructure et de personnel.

Un infirmier Sénégalais déclarait : « ce n’est pas le Covid-19 qui tue nos malades mais c’est plutôt le mauvais fonctionnement de notre système sanitaire qui les tue. »

Comme depuis le début de cette pandémie, l’Afrique reste nettement moins touchée que d’autres parties du monde (à l’exception de l’Afrique du Sud et du Maghreb), même si en raison de la faiblesse des administrations et des systèmes de santé, il est difficile d’avoir un panorama précis de la situation réelle vécue par les populations et les travailleurs.

Les raisons à cet impact relatif de la pandémie dans la région ne peuvent se limiter à un mauvais recensement des personnes touchées.

La forte résilience des populations face à des épidémies autrement plus virulentes comme Ebola (qui refait son apparition ces dernières semaines) les a habitués à la mise en place de gestes barrières limitant ainsi peut être de façon plus « naturelle » la propagation du virus.

La CSI-Afrique note que : « Du côté des syndicats, nombreux sont ceux qui avaient réagi avec fermeté pour défendre et protéger les travailleurs. Ils avaient particulièrement insisté sur la promotion de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail et réclamé les équipements et les matériels de protection individuelle pour les travailleurs. Les syndicats ont également été actifs dans la défense et la mise en place de mesures visant à atténuer les effets de la crise sur les travailleurs et leurs familles. »

Mais probablement que la raison principale du faible nombre de cas recensés réside dans la proportion de la jeunesse Africaine. Par exemple, dans près de 40 pays africains sur les 54 que compte le continent, plus de la moitié de la population a moins de 20 ans.

Malheureusement, avec le variant Delta qui touche désormais les plus jeunes, « l’exception » Africaine pourrait de ne pas durer.

La situation africaine est préoccupante selon le directeur de l’OMS. Plus d’une douzaine de pays ont signalé leurs pires chiffres depuis le début de la pandémie, avec plus de 650.000 nouveaux cas enregistrés sur le continent entre le 3 mai, date du début de la troisième vague, et le 27 juin.

Au final, les Africains qui restent les plus touchés à ce jour dans le monde, sont les populations émigrées. Comme le note la CSI-Afrique dans son document de synthèse : « Une fois de plus, les travailleurs migrants africains, en particulier les travailleurs domestiques au Moyen-Orient, les travailleurs agricoles et domestiques en Italie et ailleurs en Europe, ainsi que d’autres en Asie, notamment en Chine, ont subi des actes de violence et de discrimination pendant cette crise. »

De plus, cette population émigrée faisant partie des plus précaires dans nos pays, et sachant désormais que ce sont les plus pauvres qui ont été touchés le plus durement dans les pays occidentaux, il est logique que la Covid-19 ait fait de nombreuses victimes dans cette population.

Pour une large part des pays d’Afrique sub-saharienne, les stratégies suivies par les gouvernements se sont largement inspirées de ce qui a été mis en place en Europe, confinement et couvre feux, fermetures des frontières, mise en place de gestes barrières et espoir d’attendre une immunité collective, mais en ayant conscience que cette immunité serait très compliquée à atteindre, d’autant plus que peu de doses de vaccins atteindrait le sol africain rapidement.

Les différentes périodes de confinement imposées par les gouvernements auront eu un impact désastreux sur la situation économique et sociale de nombreux travailleurs. En effet, alors que 70% des travailleurs exercent dans un cadre informel et donc sans contrat de travail, imposer des confinements privent de nombreuses familles de tout revenu.

Il est tout de même intéressant de noter que dans ce contexte de pandémie mondiale, plusieurs responsables d’organisations syndicales Africaines indiquent que leur confédération ont pu prendre part aux discussions et aux débats sur les mesures prisent afin d’endiguer la Covid-19, alors qu’en temps normal ils sont très rarement consultés.

Enfin, il nous semble important d’indiquer que nos camarades Africains ayant de grandes difficultés à accéder à la vaccination se retrouvent désormais bloqués dans leur continent puisqu’il leur est quasi impossible de présenter de passe-sanitaire afin d’entrer sur nos territoires. Cela les coupe encore plus des réseaux de solidarités internationaux.

Pour exemple, des camarades Cheminots Maliens souhaitant participer à la mobilisation sociale lors de la COP26 de Glasgow, ne pourront s’y rendre faute d’avoir été vaccinés.

Nombre d’Africains doivent donc désormais faire face à une frontière de plus !

Finalement, dans l’urgence la réelle solution réside dans les capacités vaccinales des populations africaines qui, rappelons-le, n’ont que 2% de la population totale de vaccinés.

La CSI-Afrique a interpellé l’OMS sur le nationalisme dont font preuve les pays producteurs. Par exemple l’Inde qui expédiait beaucoup de doses en Afrique, a immédiatement stoppé tout envoi lorsque les taux de contamination ont explosé dans leur propre pays. Quant aux pays occidentaux qui monopolisent la quasi-totalité de la production, l’effort consenti reste très faible. La France par exemple ne concède à envoyer en Afrique que des vaccins Astra-Zeneca réputés pourtant moins efficaces contre les différents variants circulant sur le continent.

 

Le Mali :

 Dans le pays, qui compte une population de plus de 20 millions d’habitants, le système COVAX a attribué un maigre lot d’environ 400.000 doses de vaccin. Malheureusement ces doses d’une durée de vie de 6 mois auront été réceptionnées par le gouvernement Malien avec 3 mois de retard illustrant le peu de cas de la soi-disant solidarité internationale déployée par les pays les plus riches.

Le gouvernement Malien, n’ayant que 3 mois pour utiliser ces doses se retrouvera dans l’incapacité logistique d’en faire bénéficier sa population. Il est évident qu’avec ses faibles moyens, le Mali pouvait difficilement mettre en place un circuit de distribution dans un délai aussi rapide alors que des grandes puissances comme la France en étaient elle-même incapables.

Le gouvernement Malien décidera donc de rétrocéder la moitié de ce stock au système COVAX pour que d’autres pays pauvres puissent en bénéficier.

 

2- OMC, OMS et campagnes syndicales internationales pour la levée des brevets

 De nombreuses organisations syndicales, comme la CGT, appellent à cette levée depuis le début des campagnes vaccinales dans le monde. Rappelons à titre d’exemple l’appel mondial du 7 avril dernier pour « Sauver des vies et protéger l’emploi. La vaccination pour toutes et tous ! La suspension des brevets ! », qui rassemble la majorité des centrales syndicales progressistes dans le monde. Ou, au niveau européen, l’initiative citoyenne « Pas de profit sur la pandémie », soutenue par de nombreuses forces politiques et syndicales du continent.

La CSI, de son côté, en appelle à la suppression des obstacles en matière de production de vaccins, notamment par l’introduction de dérogations aux accords de droits de propriété intellectuelle dites dérogations ADPIC, à mettre un terme au gonflement des prix des vaccins et tests, à accélérer la production de vaccins approuvés, poursuivre les investissements dans l’initiative Covax, – qui est un financement conjoint de 45 états pour en théorie aider aux ressources budgétaires dévolues, favoriser l’émergence de nouveaux vaccins, faire baisser les coûts des vaccins par la mise en concurrence, financer les campagnes de vaccination dans les pays les plus pauvres ; en réalité c’est un fonds commun d’investissement dénommé pudiquement « facilité pour mettre en œuvre » et piloté par la banque Citigroup promue « conseiller financier ». La CSI préconise aussi de renforcer le soutien aux capacités de production des pays en voie de développement pour faire face aux besoins, investir dans la santé et les services publics pour une distribution et administration efficace des vaccins, contrer les campagnes de désinformation dont tirent parti certains réseaux sociaux et entreprises, et enfin à des campagnes de sensibilisation pour contrer les affabulations et présenter les faits.

Malheureusement, dans le cadre de l’OMC aucune issue ne paraît se profiler. Encore fin juillet des discussions ont eu lieu, et même si les USA et la Chine semblent accepter cette idée (probablement plus dans des objectifs de communication et de soft power), l’Europe s’oppose frontalement à cette solution prétextant principalement que « les contrats doivent être honorés et qu’ils le seront ! ». Manière de réaffirmer leur attachement au sacro-saint principe qui veut que, si on socialise les coûts, les bénéfices ne peuvent qu’être privatisés.

Pour conclure nous souhaitons évoquer un certain nombre de points clés dans la lutte contre le virus que l’OMS préconise.

Nous rappelons que l’OMS reste la seule organisation internationale légitime pour coordonner la lutte contre une pandémie :

 

  • Le vaccin à lui seul ne suffit pas pour supprimer l’obligation du masque dans les lieux
  • Il avertit que les variantes du coronavirus « gagnent actuellement la course contre les vaccins », alors que de nombreux pays connaissent « des pics importants de cas et d’hospitalisations », tandis que les pays plus riches avec des taux de vaccination élevés abandonnent les mesures de santé publique « comme si la pandémie était déjà terminée ».
  • Il a souligné que Pfizer et Moderna, qui cherchent déjà à commercialiser des doses de rappels, devraient plutôt fournir des doses à l’initiative
  • Les pays riches ne devraient pas commander de rappels pour leurs populations vaccinées alors que d’autres pays n’ont pas encore reçu de vaccins Covid-19.
  • L’OMS appelle les pays riches à honorer dès à présent leur promesse de don de vaccins aux pays pauvres, critiquant l’ouverture de la vaccination aux adolescents tandis que certains pays n’ont pas encore vacciné ne serait-ce que leurs
  • Le virus peut également se propager dans des environnements intérieurs mal ventilés et / ou surpeuplés, où les gens ont tendance à passer de plus longues périodes de En effet, les aérosols restent en suspension dans l’air ou se déplacent à plus de 1 mètre (longue portée).
  • L’OMS requiert un financement urgent de 11,5 milliards de dollars pour lutter contre le Delta, notamment pour acheter des tests, de l’oxygène et des masques à destination des pays les plus pauvres.
  • L’OMS exhorte les pays riches à repousser l’injection de doses de rappel jusqu’à ce que 10% de la population mondiale soit vaccinée.
  • L’OMS a exhorté les fabricants de vaccins à garder leurs prix « bas et abordables ».
  • La vaccination doit rester un choix et qu’il faut convaincre et non contraindre.

En rappelant inlassablement que la lutte contre le virus ne pourra être complète qu’avec des mesures de réorganisations sociales visant à la suppression virale, et cela quel que soit le taux de vaccination. Les positions de l’OMS font directement échos à ce que le mouvement syndical recommande à travers le monde.

Il est important également de rappeler que la grande majorité des forces sociales et progressistes du globe font le constat que face à une pandémie, un système de santé gagné aux intérêts privés n’est pas en mesure d’y faire face.

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