Pour un débat sur la démocratie syndicale

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Nous voudrions ici ouvrir un débat nécessaire sur la démocratie syndicale, à l’heure où toutes les organisations sont traversées de multiples interrogations et parfois de crises, dans un monde qui bouge vite et appelle des mises à jour permanentes. Un premier article, signé collectivement, tente une approche générale, « multisyndicale ». L’article suivant propose une lecture du débat en cours dans la CGT, qui peut en susciter d’autres. Syndicollectif est ouvert aux contributions. 

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Débats et désaccords :

La démocratie syndicale est une solution collective

C’est peu dire que le syndicalisme vit une épreuve. Dans un monde de plus en plus imprévisible, une société qui évolue vite, les organisations syndicales sont traversées de clivages. Aucune organisation du mouvement ouvrier n’y échappe. Le syndicalisme encore moins, parce que son histoire globale est longue, qu’il a vécu de multiples épreuves, et qu’il a besoin d’être à l’écoute du monde du travail dans sa diversité. Il y a donc nécessité de construire ou reconstruire une culture du débat et de la démocratie, au moment où les repères anciens bougent sans cesse.

Dans la CGT, mais aussi dans FO pour son très prochain congrès, dans la FSU et Solidaires, les débats sont omniprésents, parfois vifs, mais les traditions démocratiques sont différentes. Et quid de la CFDT ? Elle semble en apparence (trompeuse ?) ne plus avoir de questionnements internes sur sa stratégie, alors qu’elle n’est pas du tout aussi triomphante qu’il paraît. Au congrès de 2018 de la CFDT, Laurent Berger avait déclaré : « Le syndicalisme est mortel, quand il montre son impuissance …où le seul débouché de la journée d’action et de manifestations est la fixation d’une date pour la prochaine ». Il visait les organisations avec lesquelles il théorisait une incompatibilité.  Mais peut-être conviendrait-il de ne pas plastronner sur son propre avenir.  La CFDT ne cherche pas à mobiliser, c’est le moins qu’on puisse dire, mais elle ne s’en porte pas mieux en syndicalisation, ni en succès revendicatif, comme l’a montré sa propre critique des réformes Macron, qu’elle a pourtant accompagnées. Sa première place aux élections professionnelles ne saurait tenir lieu de sauf conduit stratégique, elle n’est dû qu’à un spectaculaire recul de la CGT et ne saurait conduire à la disparition de questions sur son avenir.  L’UNSA semble évoluer en participant aux appels intersyndicaux en mars 2022 et pour 1er Mai 2022.

Un vrai débat intersyndical public serait donc un signal positif envoyé au monde du travail. Pourquoi pas des « Etats-généraux » suggère la FSU, tout en proposant un nouvel « outil syndical » ?

Mais pour arriver à cette ouverture, les débats internes aux organisations sont également nécessaires. Or ils sont légion, notamment dans la CGT (voir ci-après). Mais aussi peut-être dans FO. On se souvient que dans Force ouvrière, Pascal Pavageau qui avait succédé à Jean-Claude Mailly en 2018, a dû démissionner à peine élu, mis en cause pour avoir tenté un « audit » du budget confédéral et donc cherché à savoir comment se répartissent les moyens matériels et financiers. Le prochain congrès confédéral de Force ouvrière s’ouvre en mai prochain. Or il semble bien que des inquiétudes se fassent jour à travers la publication semi publique d’un bulletin signé : « Les amis de Force ouvrière », parcouru d’articles très critiques sur le bilan. Or la direction de FO vient d’envoyer (sous l’intitulé « Unanimes pour un congrès rassemblé et ambitieux ») une lettre aux syndicats stipulant entre autre : « Nous voulons ainsi insister, par cette lettre aux syndicats… en vous appelant – comme le CCN y invite – à inscrire et mandater au plus vite vos délégués pour «  faire de ce XXVe congrès la démonstration du débat militant, libre et indépendant, du rassemblement, de l’unité, de la détermination et de l’ambition de la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière pour le progrès et la justice sociale ».  A suivre donc.

Dans la FSU, les débats sont organisés, avec un « droit de tendance » maintenu (une exception dans le syndicalisme), qui détermine la répartition des délégations dans les congrès. Si les tendances avaient produit une guerre de tranchée au temps de la FEN, les pratiques mises en œuvre en son sein depuis la naissance de la FSU ont progressivement permis le déploiement d’une vraie culture de la construction commune de mandats fédéraux, qui certes ne règlent pas tout (il y a forcément des compromis), mais permettent d’avancer. Dans l’Union syndicale Solidaires, la construction (statutaire) du consensus peut sembler un barrage énergivore. Mais le respect collectif des structures et de leurs positions dans les débats est une richesse, à condition peut-être de mesurer avec prudence l’utilisation du droit de veto ou des seuils élevés de prise de décision. Il faut aussi noter qu’historiquement le poids des fédérations professionnelles est élevé, bien plus que les structures interprofessionnelles locales. Ce qui ne va pas sans soulever des tensions.

On le voit : ces traditions démocratiques et organisationnelles différentes mériteraient une étude approfondie si on a l’objectif de viser des rapprochements (voire, peut-être des rapprochements organiques ?). Et donc de trouver une voie, des méthodes partagées pour débattre, faire des synthèses, respecter les positions différentes et décider.

Il sera ici question surtout de la CGT, qui prépare son prochain congrès de 2023 avec en son sein une multitude de questions non réglées qui s’empilent et donnent lieu à des coups d’éclat inquiétants, dont les tenants et aboutissants sont parfois difficiles à interpréter. Voici une lecture partielle, qui peut en susciter d’autres.

L’équipe de Syndicollectif.

 

 

La multi-crise CGT est (aussi) une alerte démocratique

Jean-Claude Mamet

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La crise CGT s’est manifestée ces derniers mois par des démissions de responsables, qui sont des signaux annonciateurs.

Ainsi la démission en février 2021 de Virginie Gensel, du bureau confédéral et de la direction de la Nouvelle vie ouvrière, est justifiée par le non-respect de la démocratie dans les méthodes de direction (visant très clairement le secrétaire général Philippe Martinez). Dernièrement, Baptiste Talbot, ancien secrétaire général de la fédération des services publics (la plus importante fédération de la CGT) a démissionné de la Commission exécutive confédérale (CEC) après un vote de celle-ci décidant la « suspension » de ses mandats d’un militant de cette même CEC, accusé de violences sexuelles dans des termes très graves (lire ici le communiqué de la CEC : https://wp.me/p6Uf5o-4v).

Il a lui aussi mis en cause les méthodes non démocratiques de prises de décision sur ce sujet, la justice ne s’étant évidemment pas encore prononcée sur cette plainte. Il a rédigé ensuite un argumentaire sur « le recul du débat » dans les organisations CGT. Dans ce texte qui circule partout, il semble expliquer que la stérilisation du débat n’est pas sans rapport avec l’appétence CGT pour le « dialogue social » voulu par le MEDEF et le gouvernement. Il écrit en effet : « …les ravages du dialogue social ne s’exercent-ils pas de manière…pernicieuse ? Notre culture du débat ne s’en trouve-t-elle pas impactée voire corrompue » ? Il en appelle donc « à la nécessaire écoute de points de vue différents, voire divergents ».  Il ne donne cependant pas d’exemples concrets sur cette « corruption » en marche, il explique même que dans la CGT des « freins puissants » existent pour limiter les dégâts.

Qu’il nous soit cependant permis de noter que la gravité du problème soulevé mériterait aussi un examen de certaines pratiques fort peu démocratiques ayant conduit à un affaiblissement de syndicats ou unions syndicales de la Fédération des services publics (celle de Baptiste Talbot).

Comment une fédération syndicale démocratique a-t-elle pu (en janvier 2020) retirer d’un seul coup leurs droits syndicaux à 498 militants et militantes de cette fédération à Paris ?  Ont-ils commis des actes contraires aux valeurs de la CGT, qui justifieraient une telle brutalité ? Ce serait plutôt le contraire : ce sont les valeurs CGT, notamment féministes, qu’ils et elles ont défendues.

Nous avions ici même dans Syndicollectif (lire : https://wp.me/p6Uf5o-3Ys), publié le témoignage public, parmi d’autres, de Birgit Hilpert, animatrice du syndicat CGT de la petite enfance, et elle aussi démise de ses mandats syndicaux : « Ces dernières années, malheureusement, j’étais concernée directement par une évolution de la CGT Ville de Paris et de la FD services publics qui va à l’encontre des valeurs de la CGT : violences verbales en permanences dès qu’une autre opinion s’exprime, autoritarisme à la place de débats fraternels, violences physiques, sexisme, non-respect de la démocratie interne, privation de l’outil de communication et temps syndicaux retirés pour écraser ou mettre au pas toute personne (et structure) qui ose encore penser autrement… » (26 janvier 2021).

Il convient cependant de prendre toute la mesure de la crise démocratique CGT, qui remonte loin en arrière.

 

Une crise qui vient de loinCOMP_DREYF_1995_01

 

Sans remonter trop en arrière, chacun sait que la CGT a fonctionné pendant des dizaines d’année, dans son système de direction et de prise de décision, en étroite symbiose avec la direction du PCF. Par ailleurs, après la chute du mur de Berlin et de l’URSS, il n’y avait plus de référence (quel que soit l’opinion qu’on pouvait en avoir) pour nourrir l’imaginaire militant. Or le corps militant ne vit pas que de dévouement, il lui faut un but, un horizon. Surtout lorsqu’on a en mémoire une histoire imprégnée des grandes mobilisations populaires posant la question de l’émancipation humaine. La CGT n’est pas la seule concernée par ce problème, loin de là !

Dès Georges Séguy (40ème congrès de 1978) et plus tard Henri Krasucki (congrès de 1992 après la chute de l’URSS), il a fallu penser l’avenir CGT sans dépendre des « courroies » rouillées qui la reliait au PCF. Enorme défi ! Un défi surtout pour la sélection des secrétaires généraux, dont on sait le poids symbolique. Si la transition Viannet-Thibault, quoique non traditionnelle (marquée par la grève de 1995), s’est plutôt bien déroulée, la succession de Bernard Thibault a été chaotique. Et elle a mis en pleine lumière les difficultés de la maison confédérale à vivre et décider. Sans doute du fait qu’aucune culture d’organisation et de fonctionnement partagé n’a remplacé l’arbitrage du PCF.  Ce qui était déjà visible quand la CGT avait dû prendre des décisions sur les cotisations (il a fallu deux congrès) ou sur la réorganisation des structures confédérées dont l’inertie est énorme au nom du « fédéralisme » (le congrès de Nantes de 2009 avait avancé sur ce point, mais il est resté lettre morte).

Il était pourtant assez clair pour la succession de Bernard Thibault qu’un débat démocratique était demandé (y compris par Thibault lui-même d’ailleurs) dans les réunions du Comité confédéral national (CCN), qui réunit les fédérations et unions départementales. Il aurait pu prendre le chemin d’un point de vue collectif construit et porté par des structures, mais tout cela s’est abimé dans les sommets (on a même parlé de « présidentialisation »). On connaît la suite : la succession Thierry Le Paon improvisée, une crise aigüe qui a suivi et Philippe Martinez appelé à la rescousse. Ces secousses paroxystiques ont fait dire et écrire, dans une contribution très complète qui avait circulé avant le congrès de Marseille en 2016, deux militants (Jean-Claude Branchereau et Patrick Brody) ayant exercé des responsabilités : « La CGT a besoin d’un électrochoc de démocratie » (voir leur texte dans Syndicollectif : https://wp.me/p6Uf5o-zl). Leur texte comprenait aussi beaucoup d’autres propositions sur les structures, la syndicalisation, la conception du fédéralisme, le « syndicalisme rassemblé », le « rapport au politique », etc. Une occasion manquée.

Justement, posons la question : où sont les organes du débat CGT, en dehors des réunions des structures elles-mêmes ?

Déjà au moment du congrès de Marseille, pour une raison inconnue, la tradition des « tribunes de débat », collectives ou individuelles, publiées dans la presse CGT, avait été supprimée. Ce qui bizarrement n’a donné lieu à aucune protestation. Il n’y a donc en réalité dans la CGT aucun outil, aucune incitation ou encouragement autre que verbal, pour organiser l’échange démocratique, la circulation des points de vue, le droit de se concerter calmement autour de préoccupations convergentes, etc. Résultat : les structures découvrent des positionnements non anticipés, elles se rebellent contre le quartier général, parfois sans vraie cohérence commune sur le fond, mais uniquement parce qu’elles ont le sentiment que leur expérience n’a pas été sollicitée. C’est sans doute ce qui explique pourquoi l’implication de la CGT dans le Collectif Plus jamais ça est violemment critiquée dans certaines fédérations (et donc au CCN). Elles prennent appui sur le verticalisme de la décision sans mettre elles-mêmes en discussion les questions posées par la transition écologique et leur imbrication dans la stratégie syndicale.

La pire des manières pour répondre à cette crise démocratique serait sans doute de revenir à une sorte de tutelle politique, basée sur la nostalgie d’une époque évolue, et alors que nous vivons une situation de bouleversements. Or les débats internes du PCF retentissent à nouveau dans les comportements militants, alors que Louis Viannet et Bernard Thibault avaient œuvré pour arrêter tout cela. Nous assistons à une résurgence d’appels à soutenir des candidats à l’élection présidentielle, et cela dans un contexte de division politique. On lit même dans des propositions de dirigeants comme Laurent Brun (secrétaire général de la Fédération des cheminots), une sorte d’appel à ce que la PCF joue à nouveau un rôle de « formation politique » des militants et des adhérents de la CGT. Ainsi dans une interview à la Pravda de janvier 2021, il explique : « Je pense que du point de vue du rôle du PCF, qu’il devrait donner un prolongement politique à la lutte syndicale ; c’est aussi de former des cadres, parce qu’on a beaucoup perdu ces dernières années ».  Certes il ajoute que « cela fait débat ». D’autres responsables mettent plutôt l’accent (c’est certes plus intéressant comme méthode) sur le retour à la « double besogne » de la Charte d’Amiens de 1906, comme Emmanuel Lépine, de la Fédération chimie, dans son discours prononcé aux Assises de Martigues en octobre 2020 (lire ici : https://wp.me/p6Uf5o-3RY), au rassemblement des « opposants » à l’orientation confédérale. Or on sait que lesdits « opposants » sont notamment partisans de rétablir des liens avec la Fédération syndicale mondiale (FSM), sur laquelle nous reviendrons, mais dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est guère « indépendante » de certains appareils d’Etat fort peu démocratiques (Iran, Syrie, Chine). Le rapport avec la « double besogne » ne saute pas aux yeux…

 

Une liste de questions à débattre ob_f25ed9_cgt-international

La question décisive est donc que la CGT trouve en elle-même les ressources collectives -sans aucune pression extérieure, ce qui ne signifie pas en vase clos- pour traiter démocratiquement toute une série de problèmes qui jalonnent de mois en mois ses instances, sa vie interne et ses congrès, au risque de provoquer des cassures irrémédiables s’ils ne sont pas traités.

* Les rapports avec la FSM. C’est au congrès de 1995 que la fin de la participation à la FSM a été adoptée, sans protestation majeure à l’époque. Certains y étaient opposés comme l’ancien responsable de la Commission internationale Jean-Pierre Page qui préconise d’y retourner (lire ici : https://wp.me/p6Uf5o-1zn). Il mène sur ce point une campagne permanente ayant quelques succès puisqu’un certain nombre de fédérations et d’unions départementales ont franchi pas. Il explique : « Ses résultats [ceux de la FSM] sont incontestables… Pour beaucoup de syndicats, cette évolution est observée comme une alternative possible à la crise du syndicalisme international ». Parfois son argumentation consiste à dire qu’il faut être « ouvert » au débat, et donc avoir des relations aussi avec la FSM, en même temps que l’affiliation à la CSI ou la CES. Cette manière de faire porte ses fruits pour deux raisons : le bilan de la CES en Europe (la CGT y a été admise en 1999-2000), ou à la CSI au plan international (en 2006), présentées comme une alternative à la FSM, fait incontestablement débat, puisqu’elles semblent accompagner sans vraie réaction les dérives néolibérales de l’Union européenne et du monde.  Il n’est donc pas rare que certaines structures CGT se disent : « Pourquoi pas essayer la FSM aussi ? Ou au moins ses syndicats ?  On fera la comparaison ». Mais est-ce que tout le monde sait ce qu’est la FSM, comment elle se positionne (au-delà de sa phraséologie très…radicale) réellement dans les grands évènements du monde ? Sur quels états s’appuie-t-elle (après la chute de l’URSS) ? Etc.

Il serait donc très utile qu’un comparatif établisse, documents à l’appui, pour toute la CGT, les faits et gestes de la direction de la FSM au regard de ceux de la CSI. Par exemple sur les questions liées au climat, à l’écologie et au social, à la guerre en Ukraine, en Syrie, au soulèvement du peuple biélorusse, etc. Dès lors, le débat démocratique pourrait être éclairé sur les positionnements internationaux. Rien n’empêche par ailleurs d’avoir des relations de travail avec tel ou tel syndicat (CSI, CES ou FSM), comme cela se fait d’ailleurs couramment (et adopté au congrès de Dijon en 2019). Mais une ré affiliation à la FSM signerait… une dérive mortifère pour la CGT.

* La transition écologique de la CGT. Il n’y a aucun doute que la participation de la CGT au collectif Plus jamais ça représente un tournant politique (et culturel) profond. Aucun doute non plus que la crise COVID a empêché un débat démocratique normal dans les instances CGT. Notamment les fédérations de l’industrie impactées par la révolution écologique nécessaire, nécessairement intriquée à la sécurité sociale professionnelle. Ce serait une occasion de mieux la faire comprendre !

A lire le numéro du Peuple N° 1765, qui rend compte des débats du CCN de juin 2021 portant sur Plus jamais ça, on voit bien que des malentendus existent. Par exemple lorsque Marie-Claire Cailletaud (responsable de la politique industrielle dans la CGT) explique : « Si l’ouverture aux autres est indispensable et fait partie de nos pratiques…elle n’est pas réductible à la démarche engagée sans débat et sans décision collective avec le Collectif Plus jamais ça ». Qui a des « propositions contraires », dit-elle, « avec nos positions de congrès ». Sans doute parle-t-elle du nucléaire. Mais invoquer la faille démocratique est-elle un moyen d’éviter de se prononcer sur le fond ? Possible pour certains.  Mais le seul moyen d’éclairer la question serait justement d’ouvrir « en grand » le débat par des tribunes contradictoires, des journées d’études très ouvertes, avec invitations extérieures, quitte à retarder certaines décisions.

Que ce soit à la CGT ou dans toute la société, l’écologie bouleverse les modes de vie et notamment le travail. Or la CGT prétend justement donner toute sa place au « travail, porte d’entrée » de sa stratégie revendicative, écrit-elle dans ses congrès. Il ne s’agirait donc pas de remplacer une conception avant-gardiste que l’on remet en cause dans l’approche du travail (celle où les responsables syndicaux savent mieux que les travailleur-euse-s ce qu’il convient de revendiquer) par une autre : celle où une position élaborée avec un collectif d’ONG extérieur (comme Plus jamais ça) s’imposerait parce qu’il pose des questions décisives. Il est tout aussi décisif de prendre le temps d’en débattre pied à pied avec les salarié-es concerné-es et impacté-es, avec la patience nécessaire pour construire des réponses partagées, donc mobilisatrices et défendues. Il n’y a guère d’autre moyen de démêler ce qui relève peut-être de la posture (la protestation « démocratique ») et des positions sur le fond, contribuant ainsi à enrichir le rassemblement.

* Et le « syndicalisme rassemblé » ? Où en est-on des relations avec les autres organisations syndicales ? Faut-il engager la construction d’un « outil syndical » commun comme la FSU en a fait la proposition à son congrès ? Et si oui comment s’y prendre ?

Syndicats en France, nuage de mots

* Et la syndicalisation ? Quid des décisions pour faire évoluer les structures CGT, en échec depuis le 48e congrès ? Ou sur la politique de syndicalisation, où sur les plans de renforcement laissés au bon vouloir de chaque organisation faute de véritable priorité confédérale malgré les déclarations d’intention ? Faute aussi de plans construis ensemble entre fédérations et l’interprofessionnel.  Ces échecs répétés de congrès en congrès ne font l’objet d’aucun bilan sérieux. Même la perte de la première place aux élections professionnelles n’a pas donné lieu à une prise de conscience réelle pour faire de la syndicalisation un enjeu décisif.

* Et les questions de violences sexistes et sexuelles dans les syndicats ?

Au moment où la CGT entame le débat préparatoire à son congrès de 2023, où elle écrit son document d’orientation, il serait sans doute de bon augure qu’elle révolutionne sa méthode de préparation démocratique, par des initiatives spécifiques mises en œuvre : espaces de discussion, bulletin dédié, groupes de travail entre structures, meilleure utilisation du patio confédéral (et des maisons du peuple) pour des animations pluralistes ou contradictoires, etc.

La démocratie : les mots et la pratique

Baptiste Talbot lance donc un vrai débat. Oui la direction confédérale a sans doute sa part de responsabilité dans la prise hâtive de certaines décisions, sans avoir « consacré » suffisamment « de temps à la démocratie syndicale », comme il l’explique dans sa tribune.  Mais seulement la direction ?

La démocratie, il faut en parler. On peut l’exiger. Mais aussi la respecter partout. Ce doit être une question à traiter à tous les niveaux : syndicats, unions départementales, fédérations, régions et confédération.

Rien n’est jamais simple. La crise CGT est grave, elle porte sur beaucoup de questions entremêlées, dont nous venons d’énumérer quelques aspects. Saura-t-elle la surmonter et comment ? C’est un enjeu qui dépasse la seule CGT compte tenu de la place qu’elle occupe dans le champ syndical.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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