Réaction syndicale à l’enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université

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Alors que la loi sur le « séparatisme » est adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal demande qu’une enquête soit faite sur « l’islamogauchisme » qui « gangrénerait » les universités. Réaction indignée du SNESUP-FSU et du SNCS-FSU (syndicats FSU du supérieur et de la recherche).

 

 

Frédérique Vidal fait injonction à la recherche publique de procéder à une enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’Université : le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU dénoncent cette nouvelle atteinte aux libertés académiques

 

Depuis bientôt six mois, les universités en France vivent sous la menace de mesures contre un prétendu « islamo-gauchisme » qui les aurait « gangrénées ». L’« islamo-gauchisme » n’existe ni dans les universités, ni au CNRS, ni ailleurs dans le monde scientifique. En revanche, la menace de censure est désormais réelle. L’« islamo-gauchisme » n’est pas un concept scientifique : il ne correspond à aucun travail de recherche ou d’enseignement. C’est le nom qu’une poignée de militants « identitaires » souffle à l’oreille des ministres pour disqualifier des travaux de recherche à visée émancipatrice. Sont visées entre autres les études sur le genre, les sexualités, les migrations, les formes de domination et les effets à long terme de la colonisation dans les sociétés contemporaines. Ces travaux sont aujourd’hui stigmatisés par le pouvoir politique, dans un contexte de surenchère entre le Rassemblement national et le gouvernement. Cela signifie que le pouvoir politique s’arroge un droit de regard sur des recherches qui sont menées dans les universités et les laboratoires en France, non pas de manière isolée mais en lien avec la recherche internationale.

 

Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a fait savoir le mardi 16 février qu’il entendait confier une « étude » sur ces sujets à l’Alliance ATHENA, qui coordonne les recherches en sciences humaines et sociales. La veille, la ministre avait souhaité que le CNRS lui-même soit chargé de cette mission. Ce recul, si c’en est un, n’est encore que microscopique. C’est l’idée même d’une nouvelle « chasse aux sorcières » qui doit être abandonnée. Les libertés académiques sont en cause, comme rarement elles l’ont été.

 

Car contrairement à ce qu’a déclaré la ministre, le pouvoir politique n’a pas à ordonner des enquêtes pour « distinguer ce qui relève de la recherche académique et de ce qui relève du militantisme et de l’opinion ». La communauté scientifique elle-même évalue en permanence, ce qui, dans la production de ses membres, constitue un travail scientifique valable. Elle le fait tous les jours, sans attendre les enquêtes, injonctions ou oukazes des ministères et des groupes de pression. Et surtout, une fois la production scientifique dûment validée, elle ne se soucie pas de savoir quelles opinions, éventuellement militantes, ses membres peuvent professer librement par ailleurs.

 

Les propos de la ministre, en remettant en question cette liberté fondamentale, ont soulevé une intense émotion dans toute la communauté scientifique et universitaire. Ils révèlent un dangereux climat de défiance contre les chercheurs, qui se répand aussi dans certains médias, et une volonté de pilotage politique de la recherche. Les sciences humaines et sociales ne sont pas seules visées. Quelles seront les prochaines recherches attaquées, par quels ministres et par quels lobbys, comme cela a été le cas des cellules souches, de la question des substances toxiques dans l’alimentation ou l’environnement ou encore celle du changement climatique ?

 

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU dénoncent les récents propos de Frédérique Vidal. Ils appellent la ministre à se ressaisir et à se concentrer sur ce à quoi elle a failli depuis sa prise de fonction : le soutien de l’État aux organismes de recherche et aux universités ; la réhabilitation du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ; la démocratisation du savoir et l’aide aux étudiants en détresse en temps de pandémie ; et, plus que jamais, les libertés académiques.

 

Paris, le 17 février 2021

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