Secteur international CGT : note sur le Myanmar

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Voici une note d’information du secteur international (Asie Pacifique) de la CGT  sur la riposte sociale au coup d’état en Birmanie (Myanmar). Ainsi que des propositions possibles d’actes de soutien. Ci-dessous à droite le logo de la CTUM, confédération syndicale.

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NOTE D’INFORMATION SUR LE COUP D’ÉTAT AU MYANMAR

 

  1. La situation

 

Le 1er février 2021, l’armée a renversé le gouvernement civil dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie, a refusé aux parlementaires élu·e·s d’installer la nouvelle assemblée et de former un gouvernement civil.

Depuis lors, l’armée mène une guerre contre le peuple. Les généraux veulent revenir aux temps sombres de la dictature.

Le coup d’État menace d’annuler les acquis du Myanmar en matière de droits démocratiques. Un mouvement ouvrier fort s’est construit depuis une décennie grâce à la lutte militante des travailleur·euse·s, les préparant à une forte présence dans le soulèvement actuel. S’appuyant sur les débrayages croissants des travailleur·euse·s des secteurs public et privé au cours des trois dernières semaines, les grèves générales depuis le 22 février offrent maintenant le meilleur espoir de résister au coup d’État et de bâtir un mouvement syndical plus fort au-delà.

Parmi les secteurs en grèves :

Le collectage des ordures (ménagères, les ordures militaires ne sont pas concernées), les pompiers, les travailleur·euse·s du secteur électrique, les employés de banque, les travailleur·euse·s du textile et de l’habillement, les enseignant·e·s (enseignement primaire et supérieur et les écoles monastiques), les journalistes, les employé·e·s des administrations municipales et des ministères du Commerce, de l’Électricité et de l’Énergie, des Transports et des Communications, de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Irrigation se sont joints aux actions de grève, laissant de nombreux départements désertés la semaine dernière. Les actions syndicales ont frappé particulièrement durement le secteur des transports. Selon un responsable des chemins de fer du Myanmar (MR), 99% des employé·e·s des chemins de fer sont en grève, ce qui entraîne la fermeture des services ferroviaires. Les grévistes ont réussi à fermer l’entreprise pétrolière et gazière du Myanmar contrôlée par l’armée (et Total), les compagnies aériennes nationales, les mines, les chantiers de construction, les usines de confection et les écoles, entraînant des coûts financiers pour les dirigeants militaires. Les travailleur·euse·s ont été rejoints par des consommateurs·trices boycottant les vastes intérêts commerciaux de l’armée dans les produits alimentaires et les boissons, les cigarettes, l’industrie du divertissement, les fournisseurs de services Internet, les banques, les entreprises financières, les hôpitaux, les sociétés pétrolières, les marchés de gros et les commerces de détail.

 

Tard dans la soirée du vendredi 26 février, l’armée a déclaré illégales la plupart des organisations syndicales du pays dont CTUM1, avec menace d’arrestations si leurs activités se poursuivent.

Dans la réalité dès le 22 février, de nombreux membres de la CEC de CTUM et de dirigeant·e·s syndicaux·ales ont été arrété·e·s. Parmi les personnes interpellées et maintenues au secret figure le Secrétaire général des jeunes CTUM qui est en charge des relations avec la CGT.

Le Président et la Secrétaire générale de CTUM, cachés depuis le 1er février, bien qu’activement recherchés, n’ont, pour l’instant, pas été interpellés.

Enfin notons que la position d’Aung San Suu Kyi, arrêtée et inculpée, face à l’armée a été ambigüe, notamment face au génocide à l’encontre des Rohingyas. Elle ira même jusqu’à défendre le Myanmar devant la Cour internationale de justice, en décembre 2019, alors que les généraux birmans sont accusés de «génocide» par les Nations Unies. Peu de temps avant, lors d’un déplacement à Singapour, elle affirmait que ses rapports avec l’armée « n’étaient pas si mauvais » et que les généraux disposant de postes ministériels-clés dans son gouvernement (défense, intérieur, frontières) étaient « plutôt gentils ».

 

  1. Brave et non-violent : le mouvement de désobéissance civile

 

Alors que le nombre augmente de jour en jour, des centaines de milliers de manifestant·e·s, comprenant des étudiant·e·s, des travailleur·euse·s, des fonctionnaires et des entrepreneurs·euses privés, descendent dans la rue pour demander la libération de leurs dirigeant·e·s démocratiquement élu·e·s, et le rétablissement de la démocratie.

Ainsi, le 22 février 2021, environ dix millions de personnes à travers le pays se sont joints à une grève générale et à des manifestations de masse. Dans le cadre d’un mouvement massif de désobéissance civile à travers le pays, les grévistes (fonctionnaires, pilotes, conducteurs de train, médecins, ouvriers du textiles, etc) ne se présentent plus au travail.

L’armée a déclaré la loi martiale et se montre de plus en plus violente contre les manifestant·e·s pacifiques en faveur de la démocratie, allant même jusqu’à utiliser des balles en caoutchouc et des balles réelles. Au moins vingt-quatre manifestant·e·s pacifiques  ont  été  abattu·e·s  par  les  militaires. L’un d’eux, âgé de seulement 16 ans, a été abattu alors qu’il tentait de sauver des blessés à Mandalay. Des dizaines ont été grièvement blessé·e·s. Des volontaires secouristes ont même été pris pour cible pour avoir tenté d’aider les manifestant·e·s blessé·e·s.

Dans le même temps, le régime a libéré plus de 23 000 détenu·e·s de droit commun de prison qui terrorisent maintenant la population par des incendies criminels, empoisonnant l’approvisionnement en eau et menaçant les gens la nuit. Les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter) sont interdits et les fournisseurs de télécommunications sont régulièrement contraints de couper Internet. Plus de 600 prisonnier·e·s politiques sont enfermés depuis le 1er février. L’armée demande aux propriétaires d’usines de divulguer les noms et adresses des dirigeants syndicaux pour les arrêter et fait du porte- à-porte dans les dortoirs et les auberges de jeunesse à leur recherche.

 

  1. Positionnement de nos interlocuteurs syndicaux : aucune relation commerciale et diplomatique avec la junte

 

CTUM et IWFM2, demandent aux syndicats et aux organisations de la société civile du monde entier de se joindre à eux pour appeler les multinationales opérant au Myanmar à :

  • Condamner publiquement le coup d’État militaire au Myanmar
  • Publier une déclaration selon laquelle le coup d’État militaire, s’il se poursuit, aura un effet négatif sur les futurs investissements internationaux et sur l’économie et le développement social du Myanmar. Les multinationales doivent indiquer clairement leur volonté de s’engager dans une démarche de responsabilité sociale des

Les multinationales doivent faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer qu’il n’y a pas de liens commerciaux ou d’investissements qui appartiennent directement ou sont associés à l’armée dans leur chaîne d’approvisionnement.

CTUM appelle par ailleurs les gouvernements nationaux, syndicats nationaux et internationaux et les organisations de la société civile à soutenir les travailleur·euse·s qui ont voté aux élections démocratiques de novembre 2020 et à mettre en œuvre des sanctions économiques globales pour empêcher tout revenu pour l’armée.

Les entreprises françaises impliquées au Myanmar

Liste non exhaustive :

Schneider Electric, Total (principal soutien financier de l’armée du Myanmar), Novotel, Razel, Bred, Bolloré, Mercure, Ibis, Sofitel, FMIDecaux, Air France, CMA Ships, Carrefour, Peugeot, Avis, le Coq sportif …

Notes:

1 Confédération des syndicats du Myanmar.

2 Fédération des travailleurs industriels du Myanmar, plus grosse fédération professionnelle du Myanmar.

 

ANNEXE 1

Myanmar ou Birmanie ?

En 1989, la dictature militaire décida de rebaptiser le pays en modifiant le nom anglais jusqu’alors utilisé : Burma3 devint Myanmar4. D’autres noms de lieux ont connu une évolution comparable : Rangoon est devenu Yangon ; Moulmein, Mawlamyine ; Irrawaddy, Ayeyarwady ; et Maymyo, Pyin Oo Lwin ; etc.

Cette « birmanisation » poursuivait un triple objectif : rompre définitivement le lien psychologique avec le passé colonial – affirmer indirectement la diversité de la nation, le terme Myanmar étant censé représenter une entité plus large que celle désignée par le mot Burma, formé par les Britanniques à partir du terme Bamar, désignant l’ethnie majoritaire. Les bamars constituant 75 à 80

% de la population du Myanmar, le mot Burma de fait exclut « symboliquement et politiquement » les autres ethnies.

Cette réforme n’a rien changé pour les Birmans eux-mêmes qui désignaient déjà en birman leur pays sous le terme Myanmar.

Ce changement de nom, à l’instar de la junte militaire, a conduit à des clivages caricaturaux, dont le compromis retenu par l’Union européenne, comme la France – qui désigne le pays dans tous ses documents officiels en anglais sous le terme de Burma/Myanmar et traduit le même terme dans la langue du pays en Myanmar uniquement.

De 1989 à 2011, les opposants à la junte militaire et les partisans de la démocratie refusèrent de reconnaître la dénomination de Myanmar. Ce n’est qu’à partir de 2011, et la levée de l’assignation à résidence d’Aung San Suu Kyi que ce terme a été, progressivement, admis par tous les habitants et organisations du Myanmar5.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 Le pays des bamans, ethnie majoritaire du pays colonisé par le Royaume-Uni.

4 La traduction littérale du mot Myanmar est « fort et rapide » enlevant toute corrélation à une ethnie précise. 5 En réalité certaine ethnies anciennes forces supplétives du pouvoir colonial anglais continuent à utiliser la dénomination « Burma ».

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