Syndicats et salarié-es : étudier les « attitudes »

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Voici une étude qui tombe bien : que pensent les salarié-es, jeunes ou moins jeunes, des syndicats? Il est souvent répété qu’une certaine distanciation se fait sentir depuis des années. Le travail de Tristan Haute, appuyé sur une enquête qualitative,  montre que la question est plus complexe. Comme souvent. Son point de départ est le mouvement des Gilets jaunes, qui comportait parfois des syndicalistes (ou « ex »), mais qui ne souhaitait pas leur présence ostensible.

https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/diversite-et-evolutions-des-attitudes-des-salaries-legard-des-syndicats-en-france

2021 – No 164-165 – Travail et Emploi 137
Diversité et évolutions des attitudes des salariés
à l’égard des syndicats en France*
Tristan Haute

th

Maître de conférences en science politique au sein de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille et chercheur au CERAPS (Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales, UMR 8026 CNRS/Université de Lille).

  • Introduction et méthode :
    « Cet article cherche à saisir les logiques sociales et les évolutions des attitudes
    des salariés à l’égard des syndicats en France. Pour ce faire, nous mobilisons les données de plusieurs enquêtes quantitatives, dont l’enquête REPONSE (Relations professionnelles et négociations d’entreprise). Saisir et analyser les attitudes des salariés à l’égard des syndicats à partir de données quantitatives pose une série de problèmes méthodologiques, mais s’avère utile pour améliorer la compréhension des dynamiques contemporaines de démobilisation des salariés au travail et en dehors. Ainsi, nous montrons, d’une part, que les salariés ont des attitudes plutôt positives à l’égard des syndicats, mais qu’une proportion croissante d’entre eux ne s’exprime pas. D’autre part, nous montrons que le fait d’exprimer ou non une opinion ainsi que la teneur de celle-ci semblent liés aux caractéristiques sociales et professionnelles des salariés. Ainsi, les salariés les plus jeunes, les moins qualifiés et ceux qui côtoient le moins les syndicats tendent à moins s’exprimer ; par ailleurs, les couches supérieures du salariat du secteur marchand ont des attitudes plus hostiles à l’encontre des syndicats que les autres, tandis que ceux ayant les attitudes les plus favorables appartiennent aux couches intermédiaires et aux classes populaires stabilisées.« 

[…]

  • Eléments de conclusion :

« L’analyse fine des attitudes des salariés à l’égard des syndicats permet de dégager deux principaux résultats. D’une part, on observe une forme de tripartition du salariat relativement semblable à celle obtenue en matière de participation au travail (Blavier et al., 2020). En premier lieu se distingue un salariat qui est à la fois faiblement intégré professionnellement, du fait de son âge ou, dans une moindre mesure, de la relative précarité de ses conditions d’emploi et qui est par ailleurs à distance des syndicats, car appartenant à de petites structures concentrées dans des secteurs où l’implantation syndicale est faible et l’action difficile. Ces salariés s’expriment particulièrement peu quand ils sont interrogés sur l’action des syndicats. En deuxième lieu, se dégage un salariat du secteur marchand, qualifié, autonome, bien intégré, en ascension profes- sionnelle. C’est au sein de ce groupe que les attitudes à l’égard des syndicats sont les plus hostiles. Enfin, se dessinent les contours d’un salariat relativement attaché aux syndicats : salariés de l’industrie, des services et du secteur public. Une majorité d’entre eux sont bien intégrés professionnellement, mais une partie non négligeable est aussi confrontée à la précarité.

D’autre part, dépasser la notion de « confiance » pour appréhender les attitudes des salariés à l’égard des syndicats permet de constater que celles-ci sont plutôt positives. Cependant, cette perception positive décline depuis une décennie. Ce n’est pas que les salariés sont hostiles aux actions des syndicats, mais c’est plutôt qu’ils s’expriment peu à leur propos, comme le révèle l’analyse des non-réponses. Le fait que l’action syndicale soit de plus en plus un sujet d’intérêt périphérique pour les salariés pose la question de la capacité des organisations syndicales à représenter l’ensemble des salariés, et notamment à s’adresser aux moins qualifiés et aux plus jeunes. Enfin, si l’adhésion syndicale et l’exposition des salariés aux syndicats sur leur lieu de travail n’ont pas décliné sur la même période (PiGnoni, 2016), la moindre propension des salariés à s’exprimer fait écho à leur auto-exclusion croissante, depuis plus d’une décennie, de toutes les formes collectives de participation au travail (vote profes- sionnel, participation à des réunions organisées par les représentants du personnel, recours à la grève ou à l’action collective) (Blavier et al., 2020). Or cette apathie à l’égard des syndicats, qui accompagne donc un retrait participatif des salariés sur leur lieu de travail, pourrait aller de pair avec l’émergence de mobilisations qui se déploient hors du travail tout en y étant associées, comme le mouvement des Gilets jaunes.« 

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