Un avis du CESE sur l’hôpital et le droit à la santé

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Share on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Bernadette Groison, ex-secrétaire générale de la FSU, commente l’avis voté le 13 octobre dernier au Conseil économique social et environnemental (CESE), dont elle est membre,  sur L’hôpital au service de la santé. L’avis a recueilli 207 voix sur 208. Plus bas : lire la synthèse de l’avis. 

  • Télécharger l’avis complet en PDF : 2020_21_hopital_droit_sante

1301763_7_264d_la-secretaire-generale-de-la-fsu-bernadette

L’hôpital au service du droit à la santé

L’hôpital: un sujet au cœur de l’actualité. Mais le CESE s’en était saisi bien avant. Il avait adopté dès le 11 mars 2020 une résolution L’hôpital au service du droit à la santé pour toutes et tous. Un texte dans lequel il rappelait l’impératif que toute personne, quels que soient sa situation économique, son statut ou son lieu de résidence, doit bénéficier d’un accès à des soins de même qualité. Un bon point de départ qui s’est poursuivi par l’avis voté le 13 octobre dernier L’hôpital au service du droit à la santé ; avis présenté par Sylvie Castaigne, Alain Dru et Christine Tellier. Un avis qui doit être entendu.

Comme toujours pour réaliser ce travail, le CESE a recouru à diverses auditions et notamment celles des représentant-es des usager-es et des acteurs et actrices du service public de l’hôpital et de la santé. Il a aussi interrogé les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) et mis en place une plateforme de consultation numérique (70 000 participant-es) relayée notamment par la FSU.

Un constat sans appel...

La pandémie du Covid 19 a mis en évidence la grave crise que traverse l’hôpital depuis des années. Manque de moyens humains et financiers, insuffisance des structures publiques… se traduisant pour les usager-es par des fermetures de lits, des déserts médicaux, une dégradation des conditions d’accueil et des conditions de travail des personnels. Entre 2005 et 2016, les hôpitaux ont vu leur activité augmenter de 16%, alors que leurs effectifs se sont seulement accrus de 2%. La DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en matière de santé et de solidarité) constate, au-delà des urgences, que l’augmentation du nombre de prises en charge hospitalières se poursuit dans toutes les disciplines, sous l’effet notamment du vieillissement de la population et de la hausse du nombre de patient-es atteints de maladies chroniques ou de polypathologies.

Notre secteur hospitalier est composé aujourd’hui de 1360 établissements publics, 680 établissements privés à but non lucratif et environ 1o00 cliniques privées (qui ne remplissent pas toutes des missions de service public). Un nombre en diminution par rapport aux dernières années alors que les prises en charge hospitalières augmentent. En 2018, le secteur hospitalier a pris en charge 11,8 millions de personnes en hospitalisation complète et 17,1 millions de journées en hospitalisation partielle (sans nuitée). Les recours aux urgences (21,8 millions de passages en 2018) continuent d’augmenter (+2% par rapport à 2017), ce qui confirme un mouvement continu depuis 22 ans.

C’est pour dénoncer cette situation qu’il y a eu de nombreux mouvements sociaux, des pétitions et diverses initiatives appelant à « défendre », à « sauver » l’hôpital sans que les gouvernements n’y répondent réellement.

Un sous investissement récurrent…

L’avis du CESE réaffirme que «les dépenses de santé sont un investissement productif pour le pays et non pas une charge annuelle de fonctionnement pour les dépenses publiques». Or, la situation actuelle est critique. Les hôpitaux publics accusaient en 2018, un déficit cumulé de 569 millions d’euros. Une situation marquée aussi par un recul continu de l’effort d’investissement. Le secteur hospitalier représente près de la moitié de la consommation de soins et de biens médicaux. Comme le constate la commission des Affaires sociales du Sénat, les dépenses relatives aux établissements de santé, après avoir dépassé l’objectif initial en 2008 et 2009, sont en exécution systématiquement inférieures à l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté depuis 2010. Cette longue pratique de sous-investissement, couplée à un système de financement largement assis sur les actes, à travers la tarification à l’acte (T2A) introduite en 2004, pèse considérablement sur les hôpitaux. La contrainte financière est devenue le critère principal, celui à l’aune duquel se décident non seulement les investissements, les financements, mais aussi finalement l’organisation des services, le nombre d’établissements, leur restructuration, les carrières. Le nombre de lits, la réduction des effectifs et le non remplacement des personnels absents sont devenus les variables d’ajustement au détriment de la mission des professionnels de l’hôpital, contrariant ainsi leur éthique. Des phénomènes qui ont également des conséquences sur la qualité de la prise en charge de certains patient-es.

L’avis vise un triple objectif…

Il s’agit de rétablir un fonctionnement de l’hôpital adapté aux besoins, de mieux intégrer l’hôpital dans la réalité des territoires et de refonder la gouvernance en santé, mieux organiser les interfaces dans le système de soin. Pour cela 18 préconisations sont faites.

Cet avis est un très bon outil pour mener la bataille au service de l’hôpital public et il est en phase avec ce qu’expriment aujourd’hui les personnels de santé.

Ainsi, il préconise de remettre l’accès aux soins et la réponse aux besoins de la population locale au centre du quotidien des personnels, des moyens et de la gouvernance de l’hôpital. Il faut pour cela que l’hôpital dispose enfin des moyens et d’un fonctionnement à la hauteur de ce qu’on lui demande et que ses personnels puissent retrouver le sens de leur travail.

L’avis affirme également qu’il est nécessaire de redéfinir la place de l’hôpital avec les autres acteurs du soin et de la prévention. Il propose pour cela la réalisation préalable d’une analyse partagée, par l’hôpital et les autres acteurs du territoire, des besoins locaux de santé et des réponses qu’il faut leur donner. Il demande un moratoire sur les fermetures de lits et de services aussi longtemps que ce diagnostic partagé sur les besoins et les réponses n’aura pas été construit. Autant d’éléments dont peuvent notamment se saisir les CESER.

L’avis porte enfin sur les « interfaces » entre l’hôpital et les autres acteurs de la prise en charge médicale, médico-sociale et sociale. Les crises des urgences et des EHPAD le montrent bien, la question de la place de l’hôpital dans le système de soin est au centre des enjeux. Il faut mettre fin aux ruptures dans les parcours, entre la ville et l’hôpital, l’EHPAD et l’hôpital, mais aussi entre la prise en charge sanitaire et l’accompagnement médico-social et social en amont comme en aval de l’hospitalisation, dans tous les domaines de la santé. Une préconisation (18) est consacrée aux personnes âgées.

Bernadette Groison

 

Logo-CESE-300x161

SYNTHESE DES PRECONISATIONS

Rétablir un fonctionnement de l’hôpital adapté aux besoins

L’hôpital, ses métiers, son financement, sa gouvernance : créer une dynamique valorisation/attractivité

Préconisation n°1 :

Il faut redonner de l’attractivité et du sens aux métiers de la santé en :

  • procédant aux recrutements nécessaires et en imposant un ratio effectif/patiente et patient suffisant selon les services pour garantir la sécurité des personnes et de meilleures conditions de travail pour les personnels ;
  • revalorisant significativement l’ensemble des métiers de la santé, de la prévention et des soins pour atteindre la moyenne des 10 premiers pays de l’OCDE.

Préconisation n°2 :

Réunir les conditions d’un plus grand déploiement de la pratique avancée :

  • favoriser la formation continue qui doit être rendue concrètement possible en la finançant et en libérant du temps pour le personnel ;
  • ouvrir ou renforcer les possibilités de Validation des acquis de l’expérience (VAE) pour favoriser la reconnaissance de responsabilités ou de technicités

Préconisation n°3 :

Simplifier la procédure de validation des protocoles de coopération et de délégation de tâches

Autoriser leur extension nationale dès lors qu’ils ont été approuvés par l’Agence régionale de la santé et validés par la Haute autorité de santé.

Préconisation n°4 :

Relancer l’investissement hospitalier en restructurant la dette, en la sortant du secteur marchand et en supprimant la taxe sur les salaires pour réaffecter l’économie ainsi réalisée à l’emploi, à la valorisation des carrières et à l’amélioration des conditions de travail.

Préconisation n°5 :

Réserver la T2A aux soins standardisés, accélérer la réflexion sur l’élargissement des rémunérations forfaitaires, leur montant et leur mise en œuvre.

Préconisation n°6 :

Progresser, avec les financeurs (CNAM, CNSA, MSA, État), dans la mise en œuvre de la mixité des rémunérations en ville comme à l’hôpital en finançant la prévention, la pertinence et la qualité du soin, ainsi que la continuité des parcours.

Préconisation n°7 :

Restructurer l’ONDAM autour des priorités de la politique de santé, notamment la prévention et l’éducation à la santé, la qualité des soins et la coordination des parcours, et le faire évoluer en fonction des besoins de santé et non pas en fonction des prévisions de recettes ou des objectifs d’économies. L’ONDAM doit évoluer vers un cadre pluriannuel et des enveloppes davantage décloisonnées pour mieux financer la continuité des parcours.

Préconisation n°8 :

Pour retrouver une gouvernance équilibrée des hôpitaux :

  • revoir le rôle des directeurs et directrices afin de ne pas le limiter aux fonctions de gestion et développer leur mission de coordination des acteurs et des actrices du réseau territorial de santé ;
  • donner aux commissions représentatives des soignants (CME et CSMIRT) un rôle co-décisionnaire, avec la direction de l’établissement, sur le projet médical d’établissement et les nominations des responsables de service et/ou de pôles ainsi qu’une fonction consultative sur l’état prévisionnel des recettes et des dépenses ;
  • renforcer vigoureusement le dialogue social notamment autour de questions d’hygiène, de sécurité et de la qualité de vie au travail ;
  • consolider la Commission des usagers comme s’y engage le Ségur de la Santé, notamment en renforçant sa place dans l’organigramme des établissements et en élargissant son champ d’action.

Préconisation n°9 :

Renforcer le rôle des Conseils territoriaux de santé (CTS) en élargissant leur composition pour en faire de véritables parlements de santé de proximité et leur confier :

– l’élaboration du diagnostic et d’une analyse prévisionnelle des besoins partagée avec tous les acteurs et actrices concernés ;

– la préparation et l’adoption d’un schéma de santé, au niveau territorial de proximité pertinent, en veillant à ce que ce document organise la réponse aux besoins et propose l’affectation des moyens ;

Les CTS devront être systématiquement associés aux objectifs et évaluations des contrats locaux de santé.

Le CESE demande un moratoire sur les suppressions de lits, les fermetures et les réorganisations de services et d’établissements jusqu’à l’élaboration du diagnostic et l’adoption du schéma de santé.

 

 

Préconisation n°10 :

Consolider la démocratie sanitaire :

  • renforcer le poids du Conseil régional et de la CRSA dans l’élaboration et l’approbation du Projet régional de santé (PRS) pour arriver à une véritable co- construction. En cas de désaccord avec l’ARS, l’arbitrage doit être fait par le ou la ministre en charge de la santé ;
  • organiser, sous la responsabilité des CESER, des consultations citoyennes sur les orientations du PRS ;
  • renforcer le contenu du PRS autour de deux axes : les priorités régionales et leur adéquation avec les moyens alloués par les financeurs ;
  • inclure un volet santé dans les contrats de plan Etat-région, en cohérence avec le PRS.

Préconisation n°11 :

Réviser le statut des ARS sur 3 points :

  • leur composition : renforcer le poids des élus/élues, des usagers/usagères et des acteurs/actrices de santé dans leur Conseil de surveillance ;
  • leur mission : la réorienter vers le suivi stratégique des priorités identifiées dans le PRS, la coordination des acteurs et des actrices, la réalisation de travaux prospectifs ;
  • leurs pratiques vis-à-vis des opérateurs de santé : passer d’une relation administrative et de contrôle budgétaire à une relation de co-construction des objectifs et des moyens et à un rôle d’accompagnement des acteurs et des actrices

Cette évolution ne pourra être opérationnelle qu’avec un  redimensionnement des effectifs notamment dans les délégations départementales

 

L’hôpital dans le système de soin : mieux organiser les interfaces

Un hôpital désengorgé dans un parcours de soin amont/aval mieux organisé

Préconisation n°12 :

Améliorer l’interopérabilité et la qualité des systèmes d’information, accélérer le déploiement du DMP, tirer les enseignements des pas franchis durant la crise de la Covid-19 en matière de télémédecine tout en assurant le respect des droits des patientes et patients et des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Garantir l’hébergement en France ou en Europe par une société européenne de toute donnée de santé recueillie en France.

Préconisation n°13 :

Pour évoluer vers un premier recours pluriprofessionnel davantage porté par la ville et les établissements médicosociaux, le CESE préconise de :

  • diffuser et consolider les CPTS, favoriser le développement des regroupements pluri-professionnels comme les Maisons de santé et les Centres de santé pluridisciplinaires en privilégiant leur implantation dans les lieux où elle aura été jugée prioritaire par les Conseil territoriaux de santé ;
  • consolider la place donnée à la coordination avec les hôpitaux et les structures sociales et médico-sociales dans le projet médical des CPTS ;
  • encourager les exercices mixtes (qui combinent une activité en libéral et une activité salariée) et partagés entre plusieurs établissements d’un même territoire en renforçant les soutiens apportés aux structures ambulatoires d’accueil des professionnels et professionnelles de santé.

Préconisation n°14 :

Organiser la permanence des soins à travers :

  • un numéro unique d’appel ;
  • la mise en place, en journée, d’une plateforme de régulation interconnectée aux agendas des médecins (généralistes et spécialistes) avec des créneaux dédiés exclusivement à des consultations non programmées ;
  • la mise en place, de 18h à minuit et les week-ends, de maisons médicales de garde où collaboreront médecins de ville et urgentistes

Préconisation n°15 :

Lever les freins à l’Hospitalisation à domicile (HAD), en :

  • encourageant la participation de la HAD aux dispositifs de coordination (en particulier les CPTS) ;
  • recrutant davantage grâce à une revalorisation des professions de la HAD (infirmières et infirmiers, aides-soignantes et aides-soignants à domicile, médecins coordonnateurs) et à une facilitation des passerelles dans les carrières et des exercices partagés;

 

 

Le rôle de l’hôpital dans la continuité de la prise en charge médicale et sociale

Préconisation n° 16 :

Consolider les missions et les moyens du service social à l’hôpital, en particulier pour les patientes et patients âgés et les patientes et patients vulnérables :

  • y faire travailler ensemble les travailleurs sociaux et des soignants afin de diffuser la culture médico-sociale à l’hôpital et d’améliorer la prise en charge des cas complexes ;
  • renforcer, par un financement plus important, les moyens des dispositifs d’accès aux soins pour les plus démunis ou vulnérables qui concrétisent une approche globale de la

Préconisation 17 :

Encourager la participation des acteurs et actrices sociaux et médico- sociaux aux CPTS, favoriser l’exercice partagé entre établissements sanitaires et structures sociales et médico-sociales, élargir les formations et créer de nouveaux métiers axés sur la coordination médico-sociale ;

L’articuler avec l’action des associations, des bénévoles, des volontaires et des aidants et aidantes pour maintenir le lien social des patients et patientes isolés.

Préconisation 18 :

Le CESE demande, en plus des préconisations qu’il a formulées sur les EHPAD dans son avis du 24 avril 2018 et comme le recommande le Conseil national de Gériatrie :

  • d’adapter le nombre de lits de court séjour de gériatrie afin de permettre l’admission directe des patientes et patients âgés gériatriques : atteindre au minimum 1 lit et tendre vers 2 lits pour 1000 habitants et habitantes de 75 ans et plus ;
  • redimensionner les équipes mobiles de gériatrie hospitalières et les équipes mobiles de soins palliatifs hospitalières afin qu’elles puissent intervenir sur demande au domicile et en EHPAD ;
  • d’instaurer dans chaque établissement de santé une commission de coordination gériatrique auprès de la CME et de la Direction des soins et d’y inclure les actrices et acteurs intra et extrahospitaliers du territoire de santé avec pour objectifs d’améliorer les prises en charge hospitalières et les transitions ville/hôpital (entrées et sorties); de favoriser une acculturation gériatrique au sein de l’ensemble des unités de soins accueillant des patientes et patients âgés de 75 ans et plus; de réduire le taux de ré-hospitalisation et les hospitalisations non programmées.
Print Friendly

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *