Un dossier sur le mouvement contre la loi Travail dans Contretemps

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La revue Contretemps N° 32 publie un gros dossier analysant le mouvement contre la loi Travail du printemps 2016. On y lit des articles de Sophie Binet (secrétaire générale adjointe de l’UGICT CGT) et Eric Beynel (porte-parole de l’Union syndicale Solidaires). Mais aussi de Louis-Marie Barnier, Sophie Béroud, Danièle Linhart, Jean-Claude Mamet. Nous remercions Contretemps de nous avoir transmis les liens d’accès aux articles.

Contretemps comprend une revue papier (couverture ci-dessous du N° 32) et une revue en ligne (www.contretemps.eu)

 

 

ct32

 

 

  • Sommaire du dossier :

Louis-Marie Barnier et Sophie Béroud : La mobilisation contre la loi Traail : un épisode aigu de la lutte des classes en France. Lien :CT32 loi travail introduction vuG

Jean- Claude Mamet : Les trois défis du mouvement contre la loi Travail. Lien : CT32, loi travail JC Mamet vuG

Louis-Marie Barnier : Un mouvement contre le néo-libéralisme. Lien : CT32 Loi travail LM Barnier vuG

Sophie Binet : Loi Travail : Quand le Web rencontre la rue, quelques enseignements de 5 mois de mobilisation innovante. Lien : CT32 loi travail Sophie Binet vuGB

Erix Beynel : Un mouvement social, et après? Lien :CT32 loi travail Eric Beynel vuG

Danièle Linhart : La subordination, une clause archaïque. Lien : CT32, Loi travail Danièle Linhart vuG

 

  • Extraits article Sophie Binet :IwZ69

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La mobilisation contre la Loi travail est la première mobilisation interprofessionnelle impactée en profondeur par le web et les réseaux sociaux. Leur impact avait été déterminant en 2011, dans les mobilisations des sociétés civiles arabes. La mobilisation contre la Loi travail en offre la démonstration française. Les outils web ont permis de construire une mobilisation « par en bas », et d’influer sur les rythmes et les modalités de mobilisation classique. Bien loin de leur « virtualité » supposée, les outils web ont interagi en permanence avec les mobilisations physiques, comme l’a par exemple démontré la construction de la première journée de manifestation du 9 mars. Le 9 mars, jour du Conseil des ministres examinant le projet de Loi travail, la première journée de grève des cheminots est à l’ordre du jour pour peser sur la négociation de la convention collective du ferroviaire. Un « appel citoyen et militant », initié notamment par des militantes et militants CGT sur Facebook et rejoint par de nombreux collectifs, syndicats d’entreprises, unions départementales, fédérations… appelle à la mobilisation du 9 mars, et recueille 66 000 inscriptions. La CGT Île-de-France convoque une intersyndicale qui appelle le 29 février à la mobilisation le 9 mars à 12 h 30 devant le MEDEF. Dans le même temps, un groupe Facebook appelle à la mobilisation le 9 mars à 14 h place de la République. Devant le succès de ce groupe, les organisations de jeunesse déposent un parcours et se rallient à l’appel de 14 heures, proposant à l’Intersyndicale de faire de même. La mobilisation du 9 mars à Paris commence donc à 12 h 30 devant le MEDEF avec plusieurs dizaines de milliers de manifestants, qui convergent ensuite à République, où l’on comptera 100 000 manifestants jusqu’à Nation. Dans le reste de la France, ce sont 262 lieux de manifestations qui sont recensés et 500 000 manifestants (225 000 pour la police). La pétition « Loi Travail Non Merci » recense les lieux de mobilisation et diffuse l’information aux plus de 1 million de signataires, permettant de transformer la mobilisation numérique en mobilisation dans la rue. L’ampleur de la mobilisation du 9 mars étonne tous les observateurs. Très forte chez les jeunes et dans le privé, dans des secteurs et chez des catégories qui ne sont pas habitués des mobilisations. Les Unions départementales sont assaillies d’appels de salariés d’entreprises sans présence syndicale demandant comment faire grève. Les militants d’entreprise sont souvent surpris de la mobilisation de collègues qui jusque là ne s’étaient jamais mobilisés ni même intéressés aux informations syndicales. La force de la mobilisation démontre l’ampleur de la contestation, minimisée par le gouvernement, qui commence par expliquer que les pétitionnaires font de la désinformation et de nombreuses erreurs, puisqu’il s’agit de fausses signatures et enfin d’une mobilisation virtuelle qui ne se traduira pas dans la rue. Peine perdue, la contestation est bien là.

À côté de cette mobilisation massive, la journée d’action du samedi 12 mars des syndicats dits réformistes fait pâle figure. Un millier de manifestants dans toute la France à l’appel de 5 organisations (CFDT, CFTC, UNSA, CGC, FAGE), qui prétendront tout de même très sérieusement être à l’origine des premiers reculs du gouvernement le 14 mars.

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  • Extraits article Eric Beynel :arton2298

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Une intersyndicale unie mais avec des limites

Un premier point est bien entendu d’examiner en quoi ce mouvement a marqué une division profonde du mouvement syndical et s’il a signifié la fin du syndicalisme rassemblé tel que prôné par la CGT depuis de longues années. Il semble évident qu’il sera difficile pour nos équipes de nous retrouver aux côtés de la CFDT ou de la CFTC dans les mois qui viennent. En revanche, ce mouvement a montré que l’UNSA est moins homogène que nous pouvions le penser et que la ligne de la CGC n’est pas non plus aussi évidente, le bloc prétendument réformiste est de toute évidence fragilisé et la CFDT en ressort indéniablement isolée.

Dans l’Intersyndicale, la FSU n’a que peu pesé, du fait de la faible mobilisation dans la Fonction publique et l’a assumé avec lucidité, mais elle a eu un rôle important pour en conserver l’unité. FO de son côté a pesé surtout pour empêcher ou bloquer sur des dates, des modes d’actions, des expressions unitaires tout en cherchant des voies de sortie que le gouvernement lui a à chaque fois refusées. De la même manière, de bout en bout, FO a empêché toute expression critique sur le détail du projet de loi et sur la construction de contre-propositions unitaires. Cela lui a permis de garder la main sur les discussions bilatérales que cette organisation a pu avoir aussi bien avec les parlementaires qu’avec le gouvernement. Cela lui a permis aussi d’infléchir au fil du temps la position de la CGT qui est passé du retrait pur et simple à une position où il n’y aurait plus eu que 5 points durs à faire retirer. Au fil du temps, et des déclarations, une grande part du débat s’est ainsi focalisée autour de l’article 2 du projet de loi et sur la question de l’inversion de la hiérarchie des normes. Cette situation a ainsi permis au gouvernement de tenter de faire croire qu’il avait fait des concessions. Dans le même temps, au niveau des départements, bien souvent, les équipes syndicales de FO étaient sur une ligne combattive, y compris au mois de septembre quand leur confédération s’est retirée.

La CGT est restée sur une ligne combative, mais pour autant un certain nombre de ses fédérations ont freiné l’extension du mouvement, par exemple dans les transports. Cela souligne que les questions d’orientations stratégiques, notamment autour du syndicalisme rassemblé, sont encore loin d’être tranchées. Néanmoins, si l’Intersyndicale a pu perdurer aussi longtemps c’est parce que la CGT a toujours tenu à conserver ce cadre. À chaque difficulté, elle a toujours tenté de trouver la voie médiane pour que personne ne parte. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur cela que FO a pu autant peser sur les décisions et a ainsi empêché à plusieurs reprises la condamnation des violences policières ou d’appeler à des journées de grèves ou de manifestations. En voulant privilégier l’unité, la CGT n’a pas toujours mis le poids nécessaire. Bien entendu, la CGT ne souhaitait pas se retrouver avec seulement la FSU et Solidaires sur une mobilisation essentiellement dans le secteur privé, mais cela a accru de manière disproportionnée le poids de FO dans l’Intersyndicale. L’épisode de la manifestation interdite à Paris où FO a entraîné la CGT au Ministère de l’intérieur pour lui faire accepter, et nous avec, la ronde autour du bassin de l’Arsenal en est un exemple caricatural.

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  • Extraits de l’article de Danièle Linhart (sociologue, CNRS, GTM-CRESPA) :

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La subordination, source de souffrance au travail, est archaïque

Est-ce une utopie de considérer que la subordination, source de souffrance au travail, est archaïque ? Qu’il est urgent de passer à un autre mode de mobilisation des salariés, sans pour autant les plonger dans la précarité en leur retirant les droits sociaux ? Ces derniers ne sont pas la contrepartie de leur subordination, ils doivent en être dissociés et considérés comme la contrepartie de leur travail, de leur contribution à la production de bien et services.

La subordination est en effet source de souffrance. Elle est de plus en plus ressentie par les salariés comme une violence et une négation de leurs capacités, car elle est désormais vécue sur un mode individuel et même personnel. Certes, du temps des Trente Glorieuses elle était durement imposée et ressentie comme telle, mais elle était tenue à distance par les collectifs de travailleurs qui la partageaient, la vivaient à travers une identité commune, dans le cadre d’un rapport de forces vécu comme lutte des classes pour combattre l’exploitation, et avec l’idée qu’elle était partie intégrante d’un modèle à combattre politiquement. La subordination était l’affaire de tous, et les relations égalitaires, solidaires au sein des collectifs qui partageaient un même sort et souvent des mêmes valeurs, faisaient rempart.

[…]

 

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