Union sacrée? L’éditorial de Syndicollectif

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EDITORIAL

L’union sacrée, mais pour quoi faire ?

 

Le 12 mars le Président de la République inaugurait une série de discours appelant à l’unité de la Nation contre le Covid 19 : « Le temps est à cette union sacrée qui consiste à suivre tous ensemble un même chemin », « la France unie, c’est notre meilleur atout ». Quatre jours plus tard, au lendemain du premier tour des élections municipales, c’était le « Nous sommes en guerre », répété à 16 reprises : « J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé ». Cette rhétorique est assez classique en temps de crise depuis le célèbre appel à l’union sacrée de Poincaré le 4 août 1914.   Gaston Doumergue fit de même après les émeutes du 6 février 1934 ; Pétain, en 1940, pur sauver la France, mais aussi, sur un autre registre, De Gaulle en 1947 pour la reconstruction du pays. La droite n’est pas seule à en user : de F. Mitterrand se faisant réélire en 1988 au nom de la « France unie » jusqu’à F. Hollande en « père de la Nation » après les attentats de 2013.

Ces postures sont des classiques de l’exercice du pouvoir en temps de crise, elles prônent l’unité de la Nation comme ressource face au danger. Pourquoi pas ? Mais à la condition que ce souci de rassemblement soit crédible, ce qui n’est pas le cas de ce gouvernement et de ce président qui n’ont eu de cesse d’opposer et de diviser depuis qu’ils sont aux affaires : la réforme de la SNCF, l’assurance chômage, les retraites et on en passe, la liste est longue de tous ces moments où l’assentiment de l’opinion publique était piétiné.  Il y a pourtant une base pour constituer une large union, sinon nationale, au moins populaire autour de la protection sociale, des services publics en général et de ceux qui devraient le redevenir, contre les inégalités sociales.

Sans politiques concrètes au service de ces « communs », l’appel à l’union sacrée n’est qu’une imposture, elle provoque très exactement ce qui s’est passé ces dernières semaines dans une large partie de l’opinion, c’est-à-dire une absence totale de confiance, voire un rejet de ceux qui ont tant failli à assurer le minimum de ce qui peut être attendu de la « puissance » publique :  au lieu de cela, on n’a que l’étalage de l’incompétence, l’avilissement aux intérêts privés, le manque total d’inventivité si ce n’est dans les atteintes portées quotidiennement aux libertés publiques et au droit du travail.

Dans ce dernier domaine, l’activité syndicale ne se retrouve pas en confinement : dans la grande distribution, dans les entrepôts du commerce en général, dans les transports, les syndicats incitent les travailleurs mis en danger à utiliser leur droit de retrait ; dans le secteur public et les collectivités locales, ils déposent des préavis pour couvrir ceux qui refusent de mettre la sécurité, la leur mais aussi celle de leurs usagers, en danger. Ce travail au jour le jour va s’intensifier au moment du déconfinement : les conditions de la reprise vont être dominées par la volonté de retour au « comme avant » avec rattrapage du temps « perdu » et le plus vite possible. L’enjeu du temps de travail est clairement affiché avec la possibilité de le rallonger jusqu’à 60 heures : cette disposition qui ne concerne aujourd’hui qu’une minorité va s’étendre au plus grand nombre au moment de la « reprise ». Car il ne faut pas se faire d’illusion, les serments tenus au cœur de la crise ne tiendront pas longtemps : on a connu ça avec Nicolas Sarkozy, découvrant au cours de la crise de 2008 la valeur des services publics et qui, sitôt revenu à la normale, c’est-à-dire au primat des intérêts de la finance, a continué de les saccager méthodiquement. Qui va payer la note ? C’est un premier enjeu de sortie du confinement pour les équipes syndicales de proximité.

Mais il faudra le coupler à une autre bataille car beaucoup escomptent bien revenir au plus vite au « Business as usual » :  ce que la crise démontre c’est le caractère socialement et humainement intenable de la poursuite du modèle de développement actuel.

La sortie du confinement sera un moment de vérité, il faut se préparer à des luttes difficiles mais les années qui viennent rouvrent un champ de possibles car beaucoup de consciences se sont éveillées pendant la crise.

Les multiples formes de solidarité mises en œuvre par les citoyens constituent un socle puissant pour poursuivre vers une autre « union nationale », non pas pour soutenir ce capitalisme qui conduit le monde à la catastrophe, non pas pour soutenir des dirigeants discrédités, mais pour rompre avec ce que le pouvoir actuel représente et les intérêts qu’il sert. Et il faudra une sacrée union pour y parvenir.

 

 

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