Yves Veyrier répond au Premier ministre

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Yves Veyrier, secrétaire général de FO, répond aussi publiquement à l’invitation d’Edouard Philippe de participer à la conférence sur le financement des retraites.

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Retraites – Réponse au courrier du Premier ministre

Nous avons adressé au Premier ministre un courrier en réponse à sa lettre du 11 janvier relative à la proposition de mise en place d’une conférence sur l’équilibre et le financement des retraites.

Vous le trouverez en annexe de ce communiqué et ci-dessous.

 

Monsieur Édouard Philippe
Premier ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne
75007 ParisParis, le 16 janvier 2020

Objet : Conférence sur l’équilibre et le financement

Monsieur le Premier ministre,

Je réponds par la présente à votre lettre en date du 11 janvier dernier relative à la proposition de mise en place d’une « conférence sur l’équilibre et le financement des retraites ».

En premier lieu, je me dois de vous dire à nouveau notre opposition à la mise en place d’un système universel de retraites par points qui aboutirait à un régime unique sous tutelle de l’État.

A ce sujet, il nous semble nécessaire de préciser, lorsque vous affirmez que les régimes spéciaux seront supprimés, que c’est l’ensemble des régimes existants, à commencer par celui de la sécurité sociale et du régime complémentaire Agirc-Arrco, qui concernent la plus grande partie de la population salariée, ainsi que le code des pensions civiles et militaires pour les fonctionnaires civils, qui viendraient à disparaître. Et, avec eux, disparaîtraient le mode de constitution du droit à la retraite, fondé sur la validation de trimestres, et le mode de calcul de la pension, fondé sur les meilleures périodes de la vie active, pour leur substituer l’obligation de se constituer un capital de points tout au long de la vie active sans certitude sur les paramétrages à termes de ce système.

Nous contestons l’affirmation qu’un tel système serait plus fort, plus simple et plus juste que le système actuel. Nous nous en sommes très largement et précisément expliqués tant dans le cadre des concertations mises en œuvre depuis plus de deux ans que lors de nos réunions à ce sujet.

Notre conviction demeure, vous le savez, intacte. Nous ne saurions en conséquence cautionner ce projet du gouvernement.

Nous vous avons fait connaître que nous étions demandeurs, à contrario, que l’on examine les conditions essentielles à l’équilibre du système actuel de retraites. Elles demandent selon nous la mise en œuvre de politiques économiques et sociales assurant le droit à un emploi pérenne à temps plein dès l’entrée dans la vie active jusqu’à l’âge légal de départ en retraite, la revalorisation des emplois à bas salaires. Nous estimons nécessaire, en parallèle, l’amélioration de la prise en compte des difficultés rencontrées dans l’emploi (temps partiel subi, handicap, chômage non indemnisé, pénibilité). Nous avons fait connaître nos propositions et revendications précises en ce sens le 16 octobre au Haut-Commissaire puis le 25 novembre à vous-mêmes.

Nous entendons continuer d’œuvrer à la prise en compte de ces revendications qui ont vocation à conforter les droits à la retraite dans le cadre du système actuel.

Pour ce qui concerne la question de « l’équilibre financier en 2027 », nous estimons que les discussions à ce sujet ne peuvent faire l’impasse sur les points suivants :

-  Cette question permanente, qui fait entre autres l’objet du mandat régulier du COR (Conseil d’orientation des retraites), ne justifie en rien le projet de réforme pour aller vers un régime unique par points et ne peut en aucun cas en servir de prétexte ; la confédération FO est et demeurera constante à cet égard ;

-  Elle demande, en premier lieu, de s’accorder sur le niveau et les causes du déséquilibre éventuel ; or, de ce point de vue, nous retenons que le récent rapport du COR indique, d’une part, que quel que soit le scénario économique retenu, la part des dépenses de retraite dans le PIB, qui était de 13,8% en 2018, serait stable ou très proche de son niveau de 2018 sur la période de projection envisagée, c’est-à-dire jusqu’en 2030 et, d’autre part, que l’apparition du besoin de financement du système de retraite sur la période de projection résulterait davantage d’une réallocation des ressources au sein des administrations publiques au détriment de l’assurance vieillesse (via des effets de structure liés à la population active et la démographie) qu’à une hausse des dépenses du système qui restent stables en regard du PIB ;

-  Par conséquent, il ne nous paraît nullement justifié d’évoquer la nécessité d’imposer un recul de l’âge de départ en retraite que ce soit par la mesure de court terme d’un âge d’équilibre mis en œuvre dès 2022 dans le cadre du système actuel ; nous ne sommes pas plus favorables à un âge d’équilibre pérenne, tel que figurant dans le projet de loi, ce qui est une des raisons de notre opposition à ce projet ;

-  Nous tenons à rappeler notre opposition à l’âge d’équilibre introduit dans le régime Agirc-Arrco, dont nous demandons l’abandon ;

-  Nous nous interrogeons sur la légitimité de faire appel aux Fonds de réserve des retraites dans la mesure où il s’agirait de compenser des choix de politiques budgétaires si l’on suit les analyses du COR rappelées ci-dessus ;

-  Nous ne pourrions pas accepter que soient détournées les réserves des régimes existants, pas plus que les ressources consacrées à la prévention et à la réparation des Accidents du travail et des maladies professionnelles – rappelant ici notre volonté et adhésion à l’ouverture de négociation interprofessionnelle destinée à réformer et améliorer la prévention en matière de santé au travail – ni un transfert de cotisations consacrées à d’autres dispositifs sociaux (comme le logement).

Nous devons aussi vous dire que la contrainte excluant une hausse du coût du travail est contradictoire avec le principe de la négociation collective libre et volontaire. En effet, par essence, le syndicat, qui représente les salariés en tant qu’ils échangent leur travail contre une rémunération, négocie, à quelque niveau que ce soit, le « coût du travail ».

Nous ne nous reconnaissons en aucun cas dans l’affirmation que l’histoire sociale du pays serait faite de réformes importantes retardées, voire empêchées parce que notre dialogue social reste imparfait. Le système de protection sociale de notre pays, dont vous-mêmes disiez encore récemment qu’il nous est envié, en particulier pour ce qui concerne les retraites et ses 42 régimes qui assurent globalement un bon niveau de retraite, est au contraire le produit de l’action syndicale constante et de longue date, du dialogue social et de la négociation collective menée librement entre les confédérations syndicales et les organisations d’employeurs.

Il nous semble au contraire que l’ingérence de l’État a été, plus souvent ces dernières années, à l’origine de remises en cause de ce système au nom de politiques budgétaires de rigueur contestables.

Nous vous avons fait connaître à cet égard précisément nos réflexions et nos réserves quant à la vision du gouvernement de ladite « gouvernance ».

Au demeurant, les discussions sur les sources de financement des prestations de solidarité et des prestations contributives ainsi que les relations financières avec l’État soulèvent des questions majeures. Elles portent sur la clarification des responsabilités et des financements entre ce qui relève de l’État et de l’impôt et ce qui doit demeurer de la solidarité gérée par la négociation collective et le salaire différé (cotisation). Il s’agit d’une revendication de longue date de notre confédération.

L’ensemble de ces sujets, compte tenu de leur importance, demandent le temps nécessaire à la discussion, à un véritable dialogue social, et appellent à tout le moins à ce que soit reporté le processus d’examen du projet de loi visant à réformer les retraites.

C’est dans ces conditions et dans cet état d’esprit que FO entend faire valoir librement ses revendications.

Soyez assuré, Monsieur le Premier ministre, de notre haute considération.

Yves Veyrier
Secrétaire général
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