Nous reproduisons cet article rédigé par le Réseau éco-syndicaliste, sur le combat des sans-papiers de SUEZ , le lien avec le tri des déchets et la portée écologique dans la lutte sociale.
Au siège de Suez à la Défense, des travailleurs sans papiers passent à l’offensive !
Le combat des sans papiers devant le siège de Suez à la Défense est emblématique des luttes sociales et écologiques en cours et à venir dans le monde du travail. Au-delà du non-respect du droit du travail il pose la question de l’hyper-exploitation des travailleurs et travailleuses immigrées et de la privatisation de la gestion de problématiques liées à l’écologie.

Depuis lundi 30 juin, des anciens salariés de l’entreprise de sous-traitance NTI (aujourd’hui AR- Environnement) sont rassemblés devant le siège de Suez à la Défense.
Ces salariés privés de papiers ont été embauchés par NTI à partir de 2017 pour trier les déchets, entretenir les machines et les fours des incinérateurs, sans formation, sans sécurité, sans respect du droit du travail, pour le profit de grandes entreprises multinationales qui se disent à la pointe de la transition écologique : Véolia, Suez, Paprec, Urbaser.
Se lever pour la dignité et contre l’hyper exploitation
Racketés, harcelés, réduits en état de quasi esclavage par un réseau mafieux, ils et elles ont effectué des missions dangereuses qui ont parfois abouti à des accidents de travail non reconnus, et ont vu leur santé et leur sécurité gravement mises en danger. Des femmes ont été obligées de travailler jusqu’au terme de leur grossesse, malgré le risque que cela faisait courir pour elles et pour l’enfant à naître.
Aujourd’hui, certains de ces salariés brisent l’omerta et demandent des comptes aux donneurs d’ordre. Ceux-ci sont en effet responsables au regard de la loi de ne pas avoir respecté leur devoir de vigilance. Après une action similaire auprès de Veolia, qui a vu leurs revendications aboutir, c’est un nouveau groupe d’anciens salariés de NTI qui exige de Suez la promesse d’une embauche, et un CERFA pour leur régularisation et la reconnaissance des préjudices subis.
A ce jour, Suez refuse de reconnaître les préjudices subis et se cache derrière l’excuse de la sous-traitance pour affirmer que l’entreprise n’était pas au courant.
Un combat emblématique des luttes sociales écologiques à venir
Pour le Réseau Eco Syndicaliste, ce combat est emblématique des luttes sociales et écologiques en cours et à venir dans le monde du travail. Au-delà du non-respect du droit du travail il pose la question de l’hyper-exploitation des travailleurs et travailleuses immigrées et de la privatisation de la gestion de problématiques liées à l’écologie.
Suez Environnement, au même titre que Véolia, se présente comme un acteur clé de la transition écologique et dit proposer des solutions innovantes pour faire face au changement climatique par son « engagement social et environnemental » au service du « développement durable ». Auparavant lié à Engie, qui a vendu ses parts à Véolia, Suez a aujourd’hui concentré ses activités autour de la gestion de l’eau et des déchets.
Sur son site, on peut lire que la multinationale vise ainsi à « préserver la compétitivité des entreprises » face au changement climatique, et à proposer des « solutions durables pour le climat, la nature et l’humain ».
Dans le secteur des déchets (mais on pourrait poser la même question dans le secteur de l’eau), le premier problème vient du conflit d’intérêts entre la nécessaire baisse de la production des déchets pour préserver un monde vivable, et le fait que l’entreprise fasse du profit par la valorisation de ces déchets. Il n’y a donc aucun intérêt pour Suez à œuvrer pour une limitation des déchets produits par le mode de production et de consommation capitaliste, alors qu’on estime que la production mondiale de déchets doublera d’ici 25 ans.
Au contraire, la catastrophe écologique est une bonne opportunité qui se présente aux secteurs polluants pour développer un service de greenwashing qui mettra en avant le recyclage et la promotion des écogestes sans toucher au coeur de la production. Le recyclage des déchets en carton par exemple, dont l’explosion d’activités est directement liée au développement des entreprises logistiques de type Amazon, permet de préserver un modèle écocidaire et socialement destructeur.
Le deuxième problème que cela pose, c’est la possibilité, pour une multinationale telle que Suez, de jouer avec les normes sociales environnementales de chaque pays, au détriment de la santé et de la sécurité des habitants des pays les moins protégés, ou là où les activités illégales sont les plus développées. Engie Suez avait ainsi été impliqué dans des scandales environnementaux en Italie et au Chili, causant des milliers de morts. Au Maroc, l’envoi de milliers de tonnes de déchets plastiques en provenance de l’Espagne a provoqué l’émoi d’une partie de la classe politique locale.
Le désastre social et environnemental lié au traitement des déchets dans les pays du Sud ne fait que rendre ces pays plus invivables pour les habitants, et accélère l’exode des réfugiés dans les pays du Nord.
Plus la catastrophe écologique s’intensifiera, plus les exilés seront nombreux à franchir la Méditerranée pour chercher un avenir en Europe. Conscients que cette catastrophe touche aussi les habitants d’Europe, et nous enfonce dans la crise, nos dirigeants, Retailleau en tête, multiplient les annonces contre les immigrés, avec et sans papiers, des anciennes colonies françaises. Ils choisissent de détourner la colère et l’attention des citoyens sur des boucs émissaires et posent ainsi les bases d’un Etat policier, autoritaire et fascisant.
Une fois arrivés en France, les sans-papiers qui ont survécu à un voyage aux mille dangers se retrouvent plongés dans la précarité et l’illégalité. Cette situation peut les conduire vers des mafias locales qui, sous couvert d’être les seules à leur offrir un travail, les exploitent dans des conditions insupportables. Ils et elles se retrouvent alors au service des mêmes multinationales, dont celles qui exploitent l’eau et les déchets dans leur pays d’origine, et qui ont contribué à leur exil !
L’emploi par Suez d’entreprises de sous-traitance à bas coût fait partie du même système qui vise le profit à tout prix, en toute impunité. Destruction de la nature et destruction humaine sont les deux faces d’une même médaille : celle de l’hyper exploitation de la nature et de ses habitants humains et non humains. En France aussi, les scandales de pollution liées aux déchets, que ce soit à Vaujours ou à Le Pin, relève d’une même logique de mépris pour « le climat, la nature et l’humain. ».
Pour une transition écologique planifiée et gérée par et pour la collectivité
Face à la catastrophe écologique, la transition ne peut être que planifiée et gérée par et pour la collectivité, ses habitants, ses travailleurs et travailleuses, et ne peut en aucun cas rester entre les mains d’entreprises privées comme Suez ou Véolia.
Le Réseau Eco-syndicaliste se prononce donc :
– pour une régie publique de l’eau et des déchets gérée par la collectivité, ses habitants et ses travailleurs
– pour l’accueil digne des travailleurs et travailleuses migrantes et sans-papiers, et la lutte contre leur surexploitation
Nous soutenons dans le même mouvement, les luttes sociales et écologiques dans les pays du Sud, notamment dans le cadre d’entreprises multinationales sur lesquelles les syndicats des pays du Nord ont un pouvoir d’action.
Cette semaine, ces salariés sans-papiers étaient à la Défense, temple du capitalisme rayonnant, sous une canicule écrasante, dans un désert de verre et de béton, où pas un arbre ne protège le quidam des rayons du soleil. Ils sont le symbole de la justice et de la dignité qui se lèvent contre un monde sans âme. Ils sont porteurs d’espoir.
Soutien à eux !
Le Réseau Eco Syndicaliste, le 6 juillet 2025
Sources :
- https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/010725/tri-des-dechets-la-cgt-demande-suez-d-embaucher-les-salaries-sans-papiers-d-un-sous-traitant
- https://www.suez.com/fr/actualites/developpement-durable-preserver-essentiels
- https://www.mediapart.fr/journal/economie/250615/des-dirigeants-d-engie-suspectes-en-italie-de-desastre-environnemental
- https://lareleveetlapeste.fr/justice-environnementale-des-populations-locales-attaquent-en-masse-les-entreprises-polluantes/
- https://h24info.ma/maroc/le-scandale-des-dechets-espagnols-expedies-vers-le-maroc-rattrape-la-ministre-benali/
- https://web.facebook.com/photo?fbid=753678103851657&set=a.183913680828105