La CGT tenait une conférence de presse le 29 mars 2019 sur le projet de réforme dit « universel » des retraites, alors que des bruits très alarmants et parfois contradictoires émanent des ministres du gouvernement et du commissaire Jean-Paul Delevoye. Nous reproduisons ci-dessous l’intervention de Catherine Perret, secrétaire confédérale en charge de ce dossier. Et donnons accès au dossier de presse complet avec les argumentaires.
- Télécharger le dossier complet : 2017028_Dossier de presse retraite_SR_PasPlaquette
- Tract : « La retraite à points : une loterie »
- Une vidéo de Catherine Perret : https://youtu.be/QEWxu6REicc
- DÉCLARATION LIMINAIRE DE CATHERINE PERRET
La CGT porte une appréciation très claire sur les objectifs du projet gouvernemental, confié depuis plus d’un an maintenant au haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.
En effet, ce projet de réforme de retraite universel par points consiste à accélérer la baisse des pensions pour répondre aux exigences européennes de diminution de la part du PIB actuellement consacré aux retraites.
Pour cela, il s’agit d’en finir avec un régime de Sécurité sociale construit sur les cotisations sociales, et assis sur les richesses produites par le travail.
En cela, ce projet de réforme s’inscrit dans une politique imposée au gouvernement par le patronat de toujours réduire la part des cotisations patronales.
C’est ainsi que, cette semaine, pourrait être dévoilé le sort réservé aux mécanismes de solidarité, c’est-à-dire les droits non contributifs attribués aujourd’hui.
Pour rappel, cette solidarité permet de mutualiser les risques pouvant advenir tout au long d’une vie de travail : chômage, maladie, handicap, bas salaires… de compenser des interruptions d’activité incontournables : maternité… ou des pertes de revenus impactant fortement les ressources des retraités, ainsi en est-il aussi des pensions de réversion.
Les pensions de réversion permettent de réduire de 15 points les écarts entre les hommes et les femmes.
La pression patronale, pour réduire les financements par cotisations sociales, incite le gouvernement à restreindre la solidarité interne assurée par les régimes pour la transférer à la « solidarité nationale » avec un financement par l’impôt. Tout cela représente autant d’économies pour les entreprises, à l’image des choix opérés déjà sur la sécurité sociale ou l’assurance chômage.
Cela aurait pour conséquence une baisse importante des pensions.
Les dispositifs de solidarité représentent 26 % de la pension moyenne des femmes contre 14 % de celles des hommes.
Ce projet régressif n’est pas en adéquation avec ce que demande la majorité des Français, notamment ceux mobilisés depuis des mois.
Je voudrais ainsi m’arrêter, quelques instants, sur la dernière étude rendue publique ces derniers jours.
Selon l’étude Harris, 2 personnes sur 3 s’opposent à un report de l’âge légal de départ à la retraite, objet comme vous le savez d’une polémique au sein du gouvernement.
Ils sont également 2 tiers à ne pas vouloir envisager de cotiser plus longtemps.
Majoritairement, ils estiment qu’ils partiront, dans les faits, au moins à 64 ans. Mais une majorité d’entre eux déclare préférer partir à 60 ans, comme cela était le cas avant 2011.
Cette étude confirme que la CGT met bien en avant les principales préoccupations des Français.
Elles sont les suivantes : à quel âge vais-je pouvoir partir en retraite, que va représenter ma pension par rapport à mon salaire de fin de carrière, et comment va-t-elle évoluer ?
Sur ces sujets, les générations qui sont aujourd’hui actives veulent bénéficier des mêmes garanties que leurs aînés, c’est-à-dire :
- un engagement sur un taux de remplacement minimum de 75 % ;
- un âge de départ à 60
Pour la CGT, la retraite par répartition à prestations définies, peut répondre parfaitement à ces objectifs.
Cependant, nous avons, au contraire, de fortes interrogations sur la capacité d’un futur système universel à répondre à ces attentes, puisque le régime universel à points prôné par le président de la république est à cotisation définie.
Cela implique de bloquer le niveau des cotisations à 28 % et qu’il n’y ait pas de possibilités de les augmenter, les prestations devenant alors la variable d’ajustement (donc la baisse des pensions) pour maintenir un équilibre financier de plus en plus éloigné des besoins croissants de la population.
Tout cela devient très clair en développant quelques exemples précis tirés de la vraie vie :
1er exemple : une femme du secteur privé, ayant travaillé toute sa vie, mais finissant les 8 dernières années de sa carrière en invalidité avec un salaire de 1 880 € (ce qui correspond comme vous le savez au salaire médian) peut partir aujourd’hui avec une pension de 1 163 €. Demain, avec un régime à points, en appliquant les calculs de l’Arrco, elle tombe à 923 €.
2e exemple : un cadre avec de multiples employeurs, et avec des périodes de chômage entrecoupées, et avec le calcul sur les 25 meilleures années, passe d’un salaire moyen de 2 300 € à 1 471 € hors retraite complémentaire qui double sa retraite. Demain, avec le régime universel, la totalité de sa pension tombe à 1 348 €.
3e exemple : une enseignante, professeure de col- lège qui a débuté à 24 ans et part à 63 ans, subit une décote de 20 % et touche une pension de 1 900 €. De- main, même en intégrant ses primes (actuellement égales à 9 % de sa rémunération) elle passerait au même âge à 1 622 €.
Il n’y a pas à tergiverser, c’est clair : tous perdants !
À l’opposé, la CGT porte des propositions d’amélioration des droits dans le respect des spécificités des différents régimes existants.
Elle revendique également la création de nouveaux droits, en particulier la prise en compte des années d’études, de recherche du 1er emploi, des périodes de précarité dans le calcul de la future retraite.
En effet, toutes les réformes paramétriques entamées depuis 1993 ont conduit à des reculs successifs sur l’âge de liquidation, l’acquisition des droits et la revalorisation des pensions.
Comme l’Insee l’a analysé, le niveau de la première pension nette par rapport au dernier salaire net s’est effondré depuis 1993.
Aujourd’hui, du fait de l’indexation des droits en cours, de constitution sur les prix, au lieu d’une indexation sur les salaires, cette situation s’est encore dégradée.
D’autre part, la réalité est imparable, le taux d’emploi des séniors en France est plutôt faible. Le fait d’augmenter l’âge de départ de 60 à 62 ans n’y a rien changé.
En effet, comme le relevait un rapport de France Stratégie l’année dernière, « les effets de substitution (vers le chômage, la maladie et l’inactivité) s’avèrent […] significatifs. »
Autrement dit, de nombreux travailleurs âgés at- tendent leur retraite plus longtemps qu’auparavant, alors qu’ils ne sont plus en emploi.
D’autre part, les dispositifs actuels en matière de pénibilité (C2P et précédemment C3P) sont totale- ment insuffisants.
Tout cela a donc détérioré l’image de notre système et notamment auprès des plus jeunes.
Le spectre de la faillite du système s’est ainsi mis à hanter les esprits alors que, par construction, la répartition ne peut pas faire faillite.
Je vous rappelle que tant qu’il y a des salaires, il y a des cotisations payées et des pensions versées.
Les salaires sont un prélèvement sur la richesse créée. Donc, tant qu’il y a production de richesse, il y a de quoi financer les retraites.
C’est donc bien sur la question de nouveaux financements qui est cruciale pour tous les salariés de ce pays.
Le financement des propositions CGT, en matière de retraite, représenterait de 100 à 120 milliards d’euros aujourd’hui nécessaires à l’horizon 2050.
Cette somme permettrait de garantir de bonnes retraites, dans un contexte où il est d’ores et déjà prévu que l’on passe de 12 à 24 millions de retraités à l’horizon 2050.
Pour la CGT, de l’argent pour améliorer et garantir les droits à la retraite de toutes et de tous, c’est possible.
Pour ce faire, la CGT propose trois grands axes de financements :
1. Rééquilibrer le rapport travail /capital
Est-il besoin de rappeler que ce rapport s’est inversé et que la part du travail dans la richesse a reculé de 10 points au bénéfice du capital ? Augmenter les salaires du privé comme du public, imposer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, mener une politique de développement de l’emploi durable et de qualité rapporte 38 milliards d’euros pour les retraites.
2. Soumettre tous les éléments de rémunération à cotisation
Intégration des primes des fonctionnaires ; de tous les éléments de rémunération dans le secteur privé,
3. Moderniser la fiscalité du capital
Taxer les revenus financiers, taxer les GAFA et lutter contre l’évasion fiscale, c’est au bas mot environ 20 milliards d’euros pour les retraites.
À cela s’ajoute la nécessité que tous les fonds mobilisés, ou en réserve pour assurer la pérennité du système de retraite, soient réalisés sous la forme d’investissements socialement responsables sous le contrôle d’un pôle financier public.
La CGT souhaite donc vous présenter ses propositions pour un système par répartition solidaire entre les générations et inter professionnellement qui améliore les droits de toutes et tous, en crée de nouveaux en direction de la jeunesse notamment, elle affirme que nous avons les moyens, compte tenu des