Voici une longue interview (parue dans L’inFO militante) et des explications de Frédéric Souillot sur la manière dont FO prépare le 7 mars et après. Il explique notamment ceci : « En 1995, ce que nous avions proposé aux autres organisations syndicales, c’était 24h de grève dans tous les secteurs. Le caractère « reconductible » n’était pas inscrit. Or la grève a durée trois semaines… Aujourd’hui, ce que nous avons décidé en intersyndicale, c’est 24h d’arrêt, la France à l’arrêt. Et que les travailleurs restent là où ils sont à l’arrêt ».
1- Quelle analyse peut-on faire de la contestation quand, depuis le 19 janvier, le mouvement est d’ampleur dans les petites villes de province, que beaucoup de salariés non-syndiqués y participent et qu’une pétition a recueilli plus d’un million de signatures ?
Ce que l’on sait, que l’on avait ressenti et que l’on a eu l’occasion de dire à l’exécutif, c’est que ce projet de réforme des retraites qui demande à tout le monde de travailler plus longtemps, les travailleurs —qu’ils soient adhérents syndicaux ou non—, n’en veulent pas. Aujourd’hui, ce serait seulement aux travailleurs, aux salariés de payer la facture. Personne d’autres, puisque le projet ne change rien sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises et ne remet pas la justice sociale au centre des choses. L’exécutif dit que cette réforme est impérative, inéluctable… Alors même que pour le COR, les dépenses sont maîtrisées et qu’il faudrait plutôt regarder du côté des recettes. Donc les travailleurs, les salariés ne comprennent pas que l’exécutif leur dise quand même « non mais il y aura un problème » !
Notre système de protection sociale collective n’a pas de problème d’équilibre. Si de temps en temps apparaît un déficit, c’est parce que l’État ne joue pas son rôle d’État responsable et ne compense pas les aides publiques qu’il accorde aux entreprises. Tous les ans ou encore à chaque nouveau quinquennat, on entend, quels que soient les exécutifs en place : « mais quelles nouvelles aides publiques peut-on faire aux entreprises ? » et ils en trouvent une nouvelle à chaque fois ! On nous a vendu les aides publiques pour le grand bien de l’attractivité de la France et de sa balance du commerce extérieur, or cette balance est encore très déséquilibrée. Alors à quoi ont servi toutes ces aides publiques ?! En tout cas pas à réinvestir en France, pas à maintenir l’emploi, pas à relocaliser, pas à réindustrialiser.
Quant à l’attractivité des métiers, cela demeure comme avant le Covid : les mêmes emplois précaires, c’est-à-dire pas à temps plein et payés au Smic. Et il faut en cumuler deux ou trois pour parvenir à une semaine de 35 heures, avec un salaire de Smicard. Donc, et je l’ai dit plusieurs fois, puisque l’on nous parle tout le temps de l’évaluation des lois, il faudrait faire une évaluation de ce qu’induirait la conditionnalité des aides publiques aux entreprises.
La réforme des retraites ne prend pas la situation par le bon bout. Ce à quoi il faut s’intéresser, c’est l’emploi : comment on rentre dans l’emploi, comment on en sort… Et on parle d’emplois pérennes, en CDI et pas au Smic toute la vie. Car si l’on peut se targuer d’être un des rares pays européens où il y a un Smic, être au salaire minimum toute sa vie, toute sa carrière, sans compter les aléas dus aux pertes d’emplois, ne permet pas de construire sa vie.
Dans ce projet de réforme des retraites, l’index sénior, quant à lui, n’apportait rien. Car s’il n’y a pas de conditionnalité, pas de sanctions des entreprises, si on met cet index sur le même plan que l’index égalité, on voit le résultat. Aujourd’hui il y a encore un écart de 22% entre les salaires des femmes et des hommes. Or, l’égalité salariale est tel un outil permettant d’apporter des recettes à notre protection sociale collective. Si les femmes étaient payées comme les hommes —à travail égal, salaire égal—, six milliards d’euros supplémentaires par an iraient à notre système de retraite par répartition, et je ne parle pas des recettes que cela apporterait à notre protection sociale collective en général.
Mais l’article 2 (sur l’index sénior), non adopté, cela montre aussi une chose : il y a eu là une majorité à l’Assemblée nationale. Pour certains, c’était dire « il ne faut pas mettre de contraintes aux employeurs ». Cet index ne servait à rien, donc qu’il ne soit pas voté, ce n’est pas un sujet pour FO. Néanmoins, ce que cela montre, c’est que la moindre contrainte sur les employeurs, sur les entreprises, est rejetée par certains.
2 – En quoi consiste la France à l’arrêt de 7 mars. Quelles sont les modalités ? Et les jours suivants, quelles perspectives ? Une reconduction ?
Depuis le 19 janvier, on a eu des millions de personnes dans la rue, mais l’exécutif a balayé cela d’un revers de main, il a regardé ailleurs. Or, où que l’on regarde en France, la mobilisation est massive, déterminée, notamment en province, dans les petites villes rurales où parfois, souvent d’ailleurs, il y a plus de manifestants que d’habitants dans la ville ! Le 10 janvier en intersyndicale -et il n’a manqué aucune organisation-, on l’avait dit à l’exécutif, à la Première ministre, que nous allions mobiliser. Des mobilisations syndicales, y compris par la grève, avec des manifestations, sans heurts, encadrées… On avait dit cela en pensant —et ce n’était pas de la naïveté— que l’exécutif, à commencer par le président de la République, verrait et entendrait. Mais comme il ne voit pas et il n’entend pas, nous devons passer à la vitesse supérieure, au durcissement de notre mouvement.
Partout où nous allons, tous les contacts que nous avons —avec des sections syndicales, des syndicats, avec des adhérents isolés, parfois avec des citoyens hors du champ syndical, par exemple dans notre microcosme familial—, tous nous disent : « il faut bloquer le pays, il n’y a que comme cela qu’ils nous entendront ». Donc en intersyndicale —et il n’y a aucun gravier dans cette intersyndicale, laquelle est déterminée—, on a décidé de mettre la France à l’arrêt le 7 mars. Et le 11 février, d’ailleurs je lisais le communiqué de l’intersyndicale, c’est avec solennité que l’on a dit : vous voyez, on vous avait dit qu’on mobiliserait. Nous l’avons fait. Vous ne nous voyez pas, vous ne nous entendez pas ? On va vous montrer aussi ce qui se passe en province et c’est pourquoi nous avons mis un coup de projecteur sur Albi le 16 février.
Le 7 mars, on mettra la France à l’arrêt. Pourquoi on dit cela ? Parce que tous les salariés et d’autres, tous ceux qui viennent dans nos manifestations, —les indépendants, autoentrepreneurs, agriculteurs, artisans, commerçants qui viennent parfois avec leurs salariés…— toutes ces personnes nous disent : on n’en veut pas de la réforme, on ne peut pas travailler deux ans de plus. La verticalité [du pouvoir, NDLR] qui pense que l’on est tous à la start-up nation, eh bien non, ce n’est pas cela le monde du travail ! On savait déjà que l’exécutif ignorait ce qu’est le monde du travail. Aujourd’hui, on en a la preuve. Il montre qu’il ne sait pas ce que c’est quand il déclare « il faut aller travailler plus longtemps ».
En vue du 7 mars, j’ai réuni nos fédérations le 15 février. Et, sur la France à l’arrêt le 7 mars, il y a un accord unanime. Pour les salariés, les travailleurs, cela signifie arrêter de travailler. Pour les indépendants et les autres, cela signifie aussi arrêter de travailler. Cela commencera même dès le 6 mars, voire le 5 au soir, pour le secteur du bâtiment notamment [pour les salariés partant en grand déplacement professionnel, NDLR]. Nous allons profiter de cette période, du 16 février à la fin du mois, pour expliquer l’importance de cette action. Car la grève ne se décrète pas, elle se construit.
Faire grève, contrairement à ce que disent certains médias et certains politiques, cela signifie qu’on perd de l’argent, tous. Et la grève, ce n’est pas un but en soi. C’est l’arme pacifique qu’ont les salariés, les travailleurs, pour mettre en place le rapport de force. Mais, avant ça, généralement on négocie, on essaye d’avancer. Là, on a essayé de montrer, de prouver à l’exécutif que nous ne voulions pas de sa réforme et pourquoi. Et ce ne sont pas juste les militants syndicaux qui s’expriment mais les citoyens, la France. Les sondages le prouvent encore aujourd’hui : 94% des salariés, des actifs sont contre un report de l’âge légal de départ. Donc par la grève, il faut mettre la France à l’arrêt le 7 mars.
Déjà, beaucoup de syndicats sont dans la grève, dans le mouvement. Pour la première fois, et contrairement à ce que disaient certains, il n’y a pas de grève par procuration. Tous les salariés sont partie prenante. Il y a les éboueurs, les transports, les centres de logistique, les raffineries, transports en commun…
Dans l’aéronautique, chez Airbus par exemple, rien qu’à Toulouse ils ont déjà beaucoup dépensé jusqu’à présent et dans le cadre de l’intersyndicale, en frais de bus pour amener les grévistes sur les points de manifestations. A la Sécu, la FEC-FO souligne que le 7 mars, pour que la mobilisation soit visible, il faut que les accueils soient fermés, et qu’il y ait des distributions de tracts devant les sites. Sans fermetures, seul l’usager constaterait qu’il y a un retard de traitement dans son dossier. En revanche, tirer le rideau de tous les sites d’accueil de la Sécu, quels que soient les versants, là oui, ça se verra. Et de tout le monde.
Comme écrit dans le communiqué de l’intersyndicale, on met la France à l’arrêt le 7 et on se saisit du 8, la journée internationale des droits des femmes. Concrètement, le soir du 7, il y aura des assemblées générales de grévistes et ce sont les grévistes qui décideront ce qu’ils feront le lendemain matin. Le 7, c’est un point de départ.
Faisons un peu d’histoire. En 1995, ce que nous avions proposé aux autres organisations syndicales, c’était 24h de grève dans tous les secteurs. Le caractère « reconductible » n’était pas inscrit. Or la grève a durée trois semaines… Aujourd’hui, ce que nous avons décidé en intersyndicale, c’est 24h d’arrêt, la France à l’arrêt. Et que les travailleurs restent là où ils sont à l’arrêt.
3 – Pourquoi et sous quelle forme l’intersyndicale a-t-elle décidé de s’adresser aux parlementaires, députés et sénateurs ? Y aura-t-il d’autres initiatives, y compris propres à FO ?
Aujourd’hui, ce qui fonctionne bien —d’ailleurs personne ne peut dire que nous avons loupé quoi que ce soit depuis le 10 janvier où nous avons annoncé que nous allions mobiliser—, c’est de tenir la stratégie de l’intersyndicale. Et FO y est, pour y peser, faire avancer nos revendications, nos idées. Et dans cette intersyndicale, au final, on trouve un accord. D’ailleurs, on a aujourd’hui beaucoup moins de mal à trouver un accord entre toutes les organisations qu’en juillet. A savoir aussi que l’intersyndicale, ne s’est pas créée contre le projet de réforme des retraites. Sa mise en place correspond à notre démarche, conformément à la résolution générale de notre congrès de Rouen disant qu’il faut bâtir l’unité, la plus large possible, pour faire aboutir nos revendications.
La 1re intersyndicale s’est tenue le 12 juillet, et portant sur la loi pouvoir d’achat. Puis, elle s’est tenue le 9 septembre, contre la réforme sur l’assurance chômage. Ensuite, il y a eu des communiqués contre la réforme des retraites. Et cela a été plus loin que les communiqués. On a écrit en effet la trame de nos revendications sur les retraites et contre ce projet de réforme. Chaque délégation de chaque confédération a tenu toutes ses revendications. Je veux dire que tout ce travail effectué est plus fort que si nous avions simplement déclaré « on est contre » et on va en manifestation. Là, on a écrit des choses. Et ce n’est pas du syndicalisme rassemblé. On est sur le sujet des revendications.
Après le courrier envoyé aux parlementaires, députés et sénateurs, on a en réflexion un courrier qui sera adressé au président de la République, avant le 7 mars. On va lui écrire pour lui dire « recevez nous ». Mais si on était dans une République telle qu’on la connait, la nôtre, celui qui nous aurait déjà appelé, c’est le président de la République ! Or, aujourd’hui, il fait la sourde oreille et quand il nous parle, c’est depuis l’étranger et non depuis le territoire national.
On a fait imprimer —en format A1— la lettre aux parlementaires envoyée par les confédérations et ces affiches imprimées sont envoyées dans les UD. Cela permet aux militants qui vont rencontrer les députés de leur transmettre ces documents. Et si des députés ou des sénateurs ne souhaitent pas rencontrer les militants, ces affiches pourront être collées sur leurs permanences parlementaires. Cela ne constitue pas une dégradation. C’est un courrier que nous leur avons adressé et auquel ils n’ont pas répondu… Donc on le leur apporte en main propre.
Déjà, nous avons reçu tout un tas de retours de la part de parlementaires. On va aller discuter avec ceux qui veulent nous parler. Et déjà certaines UD en ont rencontrés. Pas que des parlementaires qui sont contre la réforme. En effet, certains s’interrogent et disent « on nous aurait menti ? » Aucun des éléments que nous avons portés avec l’intersyndicale, et que nous remontons aux parlementaires dans ce courrier, n’est contredit ! Ainsi sur les 1 200 euros, prétendument pour tous, l’impact de la réforme sur les femmes…
Tout ce que nous disons depuis le début et nous le disons tous dans l’intersyndicale, non par un effet de formatage — mais parce que les uns et les autres, nous avons des assistants, des experts, des techniciens qui nous ont expliqué chaque élément de la réforme. Et puis on siège paritairement pour la gestion de notre retraite par répartition et dans le cadre du paritarisme en général. Or, tous les éléments que nous avons amenés, l’exécutif n’a jamais pu les contredire !
La réforme des retraites, c’est une décision politique, pas autre chose ! Ce n’est pas une question de financement, de non-financement, d’équilibre ou de non-équilibre. Nous sommes face, pour l’instant, à une décision : « je serai le président de la République qui aura reculé l’âge de départ à la retraite ».
4 – Les modifications annoncées par le gouvernement (tel sur les carrières longues, les 1 200 euros pour les retraités actuels) améliorent-elles le projet comme il le déclare ? Pondèrent-elles les éléments centraux de la réforme (recul de l’âge et accélération du calendrier Touraine) ?
Les tentatives d’explications, les annonces faites par l’exécutif prétendant à des améliorations de son projet, tout cela ne change rien au fond de la réforme. Sans compter qu’une fois sur deux, la communication qui est faite par l’exécutif est fausse ! Par exemple sur les 1 200 euros de retraite « pour tous » les retraités modestes. D’abord ce n’est pas 1 200 euros, c’est 85% du Smic et l’objectif est inscrit dans la loi depuis 2003. Donc, il le découvre aujourd’hui. Tout comme le découvre la majorité parlementaire, quelle qu’elle soit, que nous avons eu depuis vingt ans ! Et lorsque l’exécutif et la majorité gouvernementale déclarent, maintenant, leur volonté de soutenir les plus petites pensions, rappelons qu’ils avaient la majorité absolue dans le quinquennat précédent… Et, rappelons aussi que, à cette époque, la retraite par répartition, ils voulaient l’abolir !
Par ailleurs, concernant les 1 200 euros… C’était quand même très simple de vérifier l’exactitude du montant ! Evoquer un montant brut ou de net, cela veut dire tenir compte ou pas de la CSG et de la CRDS. Alors 1 200 euros brut ou net ? Et est-ce que la mesure s’adresse au « flux », ceux qui arrivent en retraite, ou au « stock » de retraités ? Cette affaire sur les 1 200 euros, revient à de l’amateurisme de la part de l’exécutif.
Concernant le projet sur les carrières longues… Pour tous ceux qui ont travaillé dès l’âge de quinze ans et avant seize ans, cela concerne moins de 20 000 personnes, le travail avant seize ans ayant été arrêté en 1959. Pour les autres, ce sont des apprentis dont la date de naissance se situe à la fin de l’année. A titre d’exemple, j’en fais partie. Aujourd’hui, avec le système actuel, je peux partir en retraite à 60 ans et neuf mois. Avec la réforme présentée sur les carrières longues, je partirais à 61 ans et dix mois. Et je serais parmi les plus chanceux, tout en partant quand même plus tard ! Car bien évidemment que cette réforme retarde l’âge légal de départ et, telle sur les carrières longues, ça ne réduit pas la durée de cotisation. Tout cela on l’a dit d’octobre à décembre, pendant toute la durée des concertations !
Plus largement, aujourd’hui, du fait de la réduction des effectifs à la Sécurité sociale, dans les Carsat, on n’a pas les moyens de traiter une telle réforme qui, et c’est la première fois, ne serait pas « lancée » sur une année civile. Et la traiter, effectuer les calculs concernant chaque dossier impliquerait de décaler, de fait, le moment où la pension serait versée… Et il faut tenir compte aussi des retards que l’on connait déjà dans le traitement des dossiers ! Ce ne sont pas les agents de la Sécu qui en sont responsables, c’est le fait qu’on a réduit tellement les effectifs et les moyens.
Si jamais la réforme passait, on aurait ainsi un décalage dans le traitement de la liquidation de la pension retraite qui s’étirerait entre quatre et six mois. Pendant ce temps, les retraités devraient-ils faire les poubelles pour pouvoir se nourrir ? Tout ça c’est de l’amateurisme. Et tous les éléments que l’exécutif avance, on les démonte et techniquement !
Un démographe, Hervé Le Bras, vient d’expliquer —évoquant les prévisions du COR, et jusqu’à 2070— qu’il n’y a pas de souci, ni besoin d’un projet de réforme. Le dernier rapport du COR traite trois scénarios. Pour obtenir quelque chose d’exhaustif, de sûr, explique globalement ce démographe, il faudrait étudier plus d’une centaine de paramètres et les mixer. Ce qui est quasiment impossible.
Mais, comme actuellement pour la réforme des retraites, c’est avec assurance que l’exécutif déclarait en 2022 un déficit de la Sécu enfoncé de cinq milliards. Or, [en ôtant les dépenses indues et les dépenses inhérentes à la crise sanitaire, NDLR] on constatait le 12 juillet lors de la commission des comptes de la Sécurité sociale un excédent de près de quatre milliards d’euros ! Concrètement, cela signifie un écart de 9 milliards d’euros. Donc une prévision loupée !
5 – Le fait que le gouvernement reste sourd depuis l’été dernier aux mises en garde de l’intersyndicale, et notamment de FO, concernant le projet sur les retraites souligne-t-il le motif budgétaire de la réforme
Oui, c’est une décision budgétaire. D’abord parce que la facture du « quoi qu’il en coûte », l’exécutif veut la faire payer par les salariés. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance européen, né pendant la crise Covid et comptant l’octroi de prêts, l’une des garanties [à apporter par la France, NDLR] c’était la modification de notre système de retraite par répartition. Qu’en sera-t-il ensuite ? Faudra-t-il la modification de notre système de protection sociale, de la Sécu ? Paradoxalement, ce sont les mêmes qui nous expliquent que c’est notre amortisseur social [le système de protection sociale, NDLR] qui nous permet de mieux sortir des crises, que ce soit celle de 2008, ou de 2020. Mais, une fois que la crise est passée, la seule idée qu’ils ont est de détruire cet amortisseur social ! Par des décisions politiques et ultra-libérales.
C’est le même discours tenu, la même politique qui a été menée, pendant des années, concernant la santé. On voit le résultat. Moins de médecins, moins de prescriptions, moins de dépenses… Et pour autant bien sûr pas moins de malades ! Tout cela, c’est juste fait dans une logique économique, budgétaire et politique.
6 – Peut-on dire que ne pas mettre l’amélioration de l’emploi et des salaires au cœur de la problématique des retraites, peut induire le risque de prochaines réformes ?
Aujourd’hui, par cette réforme conçue dans une logique budgétaire, ce qui motive l’exécutif, c’est la part de dépenses que représentent les retraites dans le PIB, soit 13,8% [de dépenses brutes, NDLR] du PIB, alors que la « norme » européenne est autour de 11% du PIB. Or, nous, nous savons comment l’on peut faire baisser cette part : il faut créer de l’emploi et conditionner les aides publiques aux entreprises. Car ce qu’on oublie de nous dire, c’est que ces aides publiques, sans aucune contrepartie, représentent près de 9% des dépenses du PIB.
Par ailleurs, il faut souligner aussi que le COR, à travers ses modélisations réalisées, montre, que hors réforme, il y a une trajectoire à la baisse de la part des retraites dans le PIB. Donc le raisonnement de l’exécutif quant à la nécessité et l’urgence d’une réforme ne tient pas. C’est juste une décision politique, budgétaire. C’est de la financiarisation.
7 – Comment comprendre l’amendement Ferracci adopté le 10 février et portant sur la possibilité de remettre sur la table d’ici un an une réforme des retraites sur la base d’un régime universel ?
Cela veut dire que rien ne change. Qu’ils [l’exécutif et la majorité gouvernementale, NDLR] ne changent pas. L’amendement Ferracci met en perspective la création d’un régime unique. Cela explique à tout le monde —à ceux qui pensaient naïvement par exemple que l’exécutif n’allait pas toucher aux fonctionnaires dans le cadre d’une réforme des retraites— qu’au contraire, par la création d’un régime unique, tout le monde est concerné. On n’en attendait pas moins d’eux !
Quant à ceux qui voudraient une « clause de revoyure en 2027 »… Est-ce-à dire que tous les quatre ans on aurait une réforme des retraites ôtant des droits aux travailleurs, aux salariés ?! Stop ! C’est pour cela que le 7 mars, nous devons mettre la France à l’arrêt.
Si nous ne les faisons pas caler, demain, il y aura un régime unique. Et en 2027, il y aura une louchée supplémentaire, avec encore un recul de l’âge de départ, peut-être à 65, 66 ou 67 ans, puisque dans leur logique, il faut se comparer aux autres pays de l’OCDE ! Et même si on a le plus bas taux d’emploi de toute l’OCDE chez les 55-64 ans ! Or, si ce taux augmentait de dix points, ce qui signifie 825 000 personnes de plus en emploi par an, il y aurait 50 milliards d’euros de recettes en plus pour les retraites en 2032. Et de l’amélioration de l’emploi, découle celle des pensions. Pour l’instant, dans le privé, quand on finit sa carrière à l’assurance chômage, aux minima sociaux, en maladie professionnelle, en invalidité, au RSA, de fait cela fait baisser notre pension qui est calculée sur les 25 meilleures années qui sont généralement les 25 dernières.
Le véhicule législatif emprunté actuellement par le gouvernement c’est un peu « oui, j’ai l’arme nucléaire donc il serait mieux que j’ai une majorité d’accord avec moi »… Mais il sait qu’il ne l’aura pas.
Gouverner contre une majorité de travailleurs (94% selon les sondages), une majorité de citoyens (72%) et contre la totalité des organisations syndicales de salariés, cela ne s’appelle pas gouverner, cela s’appelle diriger. Or, face à ce dirigisme, on ne marchera pas. Donc on ne les lâchera pas. Et d’ailleurs, cela ne fait pas débat au sein de l’intersyndicale.
Et si jamais le gouvernement s’entêtait, qu’il use d’ordonnances pour faire passer son projet, nous continuerions à mobiliser et l’exécutif ne pourra pas dire que nous n’avons pas prévenu.