Sophie Binet : CGT et écologie

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Dans le numéro d’octobre 2023 de la Vie Ouvrière-Ensemble (mensuel CGT), Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, donne une interview sur la rentrée et répond à une question sur la sortie CGT du collectif Plus jamais ça (rebaptisé Alliance écologiste et sociale-AES), actée à son congrès. C’est l’occasion de donner des précisions sur les enjeux écologiques et la manière de les aborder syndicalement : extraits de l’interview.

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La CGT a quitté le collectif Plus jamais ça lors du dernier congrès, comment aborde-t-elle désormais ces sujets ?

 La nouvelle direction met en œuvre, évidemment, la décision de congrès, qui est de quitter ce collectif tout en continuant à agir sur les questions environnementales. J’ai rencontré les principales ONG du collectif, Oxfam, la confédération paysanne, Greenpeace, et nous leur avons dit que nous étions disponibles pour des actions, des initiatives, des positions communes. Et ce que nous avons validé, c’est la mise en place d’un plan d’action syndicale pour l’environnement. Ce qui, je pense, est le plus important, c’est que la CGT, elle, agisse à partir de ses responsabilités. On ne répondra pas à l’enjeu environnemental si on ne transforme pas l’outil productif. Et la transformation d’outils productif, elle, ne se fera pas de l’extérieur elle se fera grâce à la pression des travailleuses et des travailleurs. Pour cela, nous lançons un plan d’action syndicale pour l’environnement dans lequel nous appelons tous nos unions départementales, nos territoires, nos fédérations, tous nos syndicats, réfléchir à leur échelle sur les choses qu’il faudrait transformer pour répondre au défi environnemental. La première étape, c’est d’avoir une formation, parce qu’il y a quand même encore une minimisation de l’enjeu environnemental et de l’urgence de ce défi. Là, il y a besoin que nous nous mettions au niveau là-dessus. Il y a quand même toute une littérature scientifique maintenant, qui identifie les leviers sur lesquels il faut agir. On doit pouvoir maintenant sortir de l’écologie de comptoir et aller sur des éléments factuels. Il y a un effort que chacun et chacune peut faire comme limiter sa consommation d’emballages plastiques, travailler sur le recyclage des déchets, jouer sur ses modes de transport. Mais ça ne suffira pas. On n’est pas totalement maîtres de nos choix :  sur les emballages plastiques, même si on fait très attention, il y a un suremballage et des produits quasi impossibles à trouver sans plastique, surtout à des prix abordables. Sur le fait de développer les circuits courts, ok mais s’habiller en Made in France, c’est quasiment impossible. Tout ne dépend pas de choix et de décisions individuels. Il y a des choses qui dépendent de choix collectifs et aussi d’organisation de l’outil productif. Et le dernier point, c’est qu’il y a une question d’exemplarité :  tant que les ultra-riches continueront à faire 100 fois le tour de la Terre chaque année en jet privé, cela donnera des exemples catastrophiques. C’est pour cela qu’il faut légiférer.

La période a été marquée par des luttes importantes sur le front de l’emploi des salaires, on t’a vue chez Vert Baudet, Clestra, Valdunes…Cela contredit totalement le récit gouvernemental sur l’amélioration du front de l’emploi industriel ?

Oui, ça contredit le récit sur l’emploi industriel qui s’est certes stabilisé mais qui n’ a pas retrouvé le niveau de 2008-2009 Et pourquoi? Parce que la seule stratégie d’Emmanuel Macron est d’attirer les investisseurs. Mais on ne les garde pas. Les investisseurs viennent se gaver d’aides publiques, piller les savoir faire et repartent. C’est ce qu’il s’est passé par exemple chez le fabricant de roues ferroviaires Valdunes.

La CGT a enregistré plus de 40 0000 nouvelles adhésions lors du conflit des retraites, l’enjeu est maintenant de bien accueillir ces adhérents….

Cette génération 2023 n’est pas n’importe laquelle, elle n’est pas venue pour se faire défendre par la CGT mais pour agir et militer avec la CGT. On a une génération militante qui a envie d’agir sur plein de choses. En termes de capacité d’action, cet afflux de nouveaux syndiqués est un levier important. Et ce n’est que le début car ces militants sont arrivés un peu tous seuls à la CGT, nous ne sommes pas venus les chercher, on sait que l’image du syndicalisme est sortie grandie du mouvement. Que la CGT et les autres organisations aient été aussi soucieuses de maintenir l’unité a été quelque chose de très positif pour les salariés, 40 0000 ce n’est qu’un début, on a encore beaucoup de sympathisants à qui on peut proposer de rejoindre la CGT, avec un message clair :  on n’est pas là pour défendre les salariés mais pour les organiser et leur permettre de se défendre. Il faut expliquer ce qu’est la magie du syndicalisme,  nous ne sommes pas sur une action délégataire, on n’adhère pas pour soutenir mais on adhère pour agir, avec ses collègues pour transformer ses conditions de vie et de travail !

Les logiques de compétition électorale sont délétères car elles organisent aussi la division syndicale.

Ces nouveaux adhérents vont-ils pouvoir s’inscrire dans le cadre des futures élections professionnelles ?

Oui, nous allons proposer aux adhérents qui le souhaitent de monter des listes aux élections professionnelles. Si nous n’avons pas pu gagner lors de la réforme de retraites, c’est par ce que le syndicalisme et notamment la CGT n’est pas implantée dans suffisamment d’entreprises. Pour renforcer notre rapport de force, il faut créer un maximum de sections syndicales CGT !

Cette séquence sera telle l’occasion de reconquérir notre première place ?

Bien sûr. Mais la CGT n’est pas dans un match, l’enjeu n’est pas de savoir qui est premier ou second. Le match se fait contre les déserts syndicaux, ce n’est pas une course à l’échalote avec les autres organisations syndicales, qui au final ne profite qu’au patronat et au gouvernement. Sur la question de la mesure de la représentativité, le problème ces dernières années est que globalement le syndicalisme s’est affaibli. Sur ce point, la séquence des retraites permet d’enclencher une nouvelle page. L’enjeu est de renforcer le syndicalisme, le syndicalisme CGT bien sûr. Mais les logiques de compétition électorale sont délétères car elles organisent aussi la division syndicale.

*Entretien paru en version courte dans le numéro 18 de la Vie Ouvrière-Ensemble

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