Ci-dessous le positionnement de fond de la FSU sur la loi Travail : « …La FSU demande donc le retrait de l’avant-projet pour permettre une concertation approfondie sur les mesures susceptibles d’améliorer les droits des salariés et de lutter contre le chômage et la précarisation du travail.«
Note de la FSU sur l’avant-projet de loi « travail »
Si ce texte était adopté, il impacterait fortement le droit du travail et les garanties des salariés et donc par ricochet serait préjudiciable aussi à la jeunesse. La FSU demande donc le retrait de l’avant-projet pour permettre une concertation approfondie sur les mesures susceptibles d’améliorer les droits des salariés et de lutter contre le chômage et la précarisation du travail.
L’urgence n’est pas à détricoter le Code du travail mais à travailler au développement de l’emploi, à lutter contre le chômage et pour cela d’aller plus loin dans le développement et l’amélioration des formations, les garanties données aux salariés, aux chômeurs et aux jeunes pour leur donner confiance en l’avenir.
La FSU ne peut pas examiner ce projet de loi sans regarder comment le gouvernement vise à l’articulation, ou non, avec les autres politiques mises en œuvre comme celles de la refondation de l’Ecole, du plan formation des 500 000 demandeurs d’emploi, ou encore de la dite « priorité à la jeunesse »…
Or, la philosophie de ce projet de loi ouvre la porte à une fragilisation de la formation et à la remise en cause des diplômes alors qu’il est indispensable de conforter la formation qu’elle soit initiale, continue ou professionnelle.
Le recul des droits des travailleurs n’a jamais permis de créer des emplois. C’est un constat qui se fait dans tous les pays. D’autres orientations comme la relance de l’activité économique, la réduction du temps de travail ou encore le développement de la formation doivent être retenues.
Pour la FSU, que ce soit dans l’intérêt des salariés comme dans celui des entreprises, la formation est en effet une clé de la réussite. Elle doit être examinée en lien avec celle de la qualification.
Cela suppose un travail de prospection sur les besoins et les emplois d’avenir à développer (notamment pour ne pas être dans un adéquationnisme à court terme), de conforter les dispositifs de formation car tout doit être mis en œuvre pour offrir aux jeunes, aux salariés et aux chômeurs des formations qualifiantes débouchant sur des emplois stables. Cela nécessite un engagement sans faille des entreprises.
Il est temps aussi de donner à tous les jeunes des signes de reconnaissance de leurs années d’études (reconnaissance des qualifications, prise en compte des années d’études dans le calcul des retraites…).
Le droit du travail s’est construit par la nécessité de créer un droit dérogatoire au principe de l’égalité des parties au contrat inscrite dans le droit des obligations et au droit de propriété pour protéger le salarié qui est placé par le contrat de travail dans une situation de subordination juridique à son employeur. Fruit des luttes syndicales et des évolutions sociales, les mentalités ont évolué et permis des avancées en terme de progrès social, et le code du travail, depuis la première rédaction en 1906, s’est peu à peu construit par la loi s’appliquant à tous, amélioré par les conventions et accords collectifs nationaux interprofessionnels et de branche unifiant, chacun dans son champ, le contrat social collectif, complétés parfois par des accords d’entreprise plus favorables. Chaque niveau d’élaboration du droit ne peut, par application de la hiérarchie des normes, que respecter et améliorer le droit du niveau supérieur. Le projet de loi « travail » vise à remettre en cause ces principes fondamentaux, provoquant par là même un bouleversement qui serait préjudiciable aux salariés mais aussi aux entreprises.
En effet, le droit du travail n’est pas un obstacle ni au travail de qualité, ni à une production permettant de répondre aux besoins et respectueuse de l’environnement, ni à la compétitivité des entreprises. Il est une garantie de la bonne santé du monde du travail.
Soucieux de la situation des salariés, mais aussi de l’avenir des jeunes que nous formons, la FSU relève plus particulièrement quelques uns des points de ce projet de loi qui ne sont pas acceptables et qui doivent faire l’objet de nouvelles concertations.
1. La question de la formation professionnelle
La délivrance d’attestation de compétences en cas de rupture de contrat d’apprentissage ainsi que le découpage des diplômes professionnels en blocs de compétences va impacter aussi la formation professionnelle initiale sous statut scolaire. Il y a là, pour nous, une approche par « crédits » de formation et qui ouvrirait la voie à une sous-qualification de nombre de jeunes dans la mesure ou leur qualification ne serait valable qu’à un instant T et adaptée à un poste ou une tâche déterminée ou une entreprise déterminée. A un moment où l’on parle de mobilité professionnelle, où nous savons, que pour construire de la formation professionnelle, il faut une solide formation de base et continue, cette disposition nous paraît un non-sens.
Des établissements d’enseignement secondaire privés et hors contrat pourraient être bénéficiaires de la taxe d’apprentissage. Un détournement de fonds au détriment des établissements publics. Cela diminuerait encore la part « hors quota » dont les lycées et collèges publics peuvent bénéficier. Rappelons que les établissements publics ont déjà largement souffert de la dernière réforme de la taxe d’apprentissage (ils ont perdu en moyenne 30%, selon leurs gestionnaires).
A l’inverse, la FSU demande au ministère du travail le bilan qui a été promis sur ce sujet et l’ouverture de discussion.
La FSU exige une concertation permettant de déboucher sur une réelle amélioration de la qualité des formations proposées.
2. Des modifications de la VAE qui mettent en cause la formation
Un an d’équivalence apparaît peu. L’illusion que le diplôme pourrait être acquis au terme d’une année d’expérience peut même détourner certain-es d’un projet de formation qualifiante. La VAE par blocs de compétences interroge d’autant plus que la notion de blocs de compétences n’est pas à ce jour stabilisée.
Pour la FSU, la VAE a effectivement du mal à s’imposer en grande partie parce qu’elle n’apporte pas grand-chose aux salariés. En d’autres termes, les employeurs freinent la reconnaissance de ces qualifications obtenues par leurs salariés, il en est de même d’ailleurs pour les formations continues qualifiantes, la vraie question est donc de savoir comment améliorer un dispositif qui permette la reconnaissance de compétences et de savoirs pour en faire un élément de « promotion sociale » malheureusement oublié depuis des décennies.
3. Les apprentis mineurs ne sont pas des salariés comme les autres mais des jeunes en formation
Les dispositions contenues dans ce projet sont inacceptables.
A l’inverse, il faut construire des protections spécifiques pour ces jeunes en formation, lutter contre les discriminations et les inégalités auxquelles sont confrontées des jeunes. Il s’agit de travailler à un statut protecteur pour les apprentis, de garantir leur formation, leur rémunération et leur protection sociale. La FSU rappelle qu’elle demande la prise en compte des années d’apprentissage dans le calcul des retraites.
Les concertations sur ce sujet n’ont pas à ce jour abouti. La FSU demande qu’elles soient conduites avec toutes les organisations en responsabilité sur le sujet.
4. CPA
La FSU n’accepte pas que soit prise par ce texte une habilitation par ordonnance concernant la mise en place du Compte Personnel d’Activité dans la Fonction publique.
A l’inverse, des discussions sur la définition du CPA et sa déclinaison doivent s’ouvrir de toute urgence dans la Fonction publique avant toute prise de décision.
5. L’accord d’entreprise deviendrait la norme de base du droit du travail
C’est un renversement de la hiérarchie des normes de droit, la remise en cause de l’application de la règle la plus favorable. Le chantage à l’emploi, et ce d’autant plus dans le contexte économique que nous traversons, ne permet pas aux salariés de se défendre face aux atteintes à leurs droits.
Les agents du ministère du travail le constatent quotidiennement dans les services emploi ou formation professionnelle comme à l’inspection du travail. Ils sont déjà souvent les spectateurs impuissants de la régression des droits des salariés qui au bout du compte se retrouvent au chômage avec des conséquences sociales et individuelles dramatiques.
L’accord d’entreprise ne constitue pas la bonne voie pour trouver l’équilibre entre les forces économiques et les droits des salariés. Les accords de branche dans le cadre du code du travail qui ont, jusqu’aux années 1990, été un outil efficace d’amélioration des droits des salariés parce qu’ils permettaient un relatif équilibre des forces dans la négociation, ne doivent pas être marginalisés et privés de leur rôle de régulateur social. La primauté de l’accord d’entreprise, outre l’extrême position de faiblesse dans laquelle elle placera les salariés, aura tout un cortège d’effets pervers : atomisation du droit, inégalité de traitement entre entreprises d’une même branche, course au « moins-disant social » dans la concurrence économique, difficultés pour les salariés à avoir connaissance de leurs droits… En guise de simplification on aboutirait donc à un inextricable écheveau dans lequel les salariés se débattraient et avec eux les responsables des TPE… Les inégalités consécutives à la taille des entreprises, à la présence ou pas de délégués syndicaux et autres représentants du personnel seront exacerbées. Alors que le monde du travail a besoin de dynamique collective, ces divisions ne feraient que nuire à la qualité du travail et à la compétitivité des entreprises.
Pour la FSU, il faut donc préserver la hiérarchie des normes et conforter les droits collectifs et individuels des salariés.
6. Les accords en vue de la «préservation ou du développement» de l’emploi écarteraient l’application du contrat de travail et priveraient le juge de son pouvoir d’appréciation du motif économique et de la cause réelle et sérieuse
En écartant par avance le motif économique et en validant le caractère réel et sérieux de la rupture, c’est un pan entier de notre fonctionnement juridique qui est supprimé, privant le salarié de tout recours. Les termes utilisés de « préservation » et « développement » de l’emploi sont d’une généralité qui laisse la place à tous les débordements quant à la motivation réelle des accords. Cette disposition est calibrée pour permettre notamment les accords augmentant la durée du travail sans augmenter les salaires mensuels, baissant de fait la rémunération horaire du travail. Dans le contexte de financiarisation de l’économie, de « priorité absolue » donnée par les entreprises à la rémunération du capital par rapport à la rémunération du travail, il ne peut s’agir que d’un outil de régression des droits des salariés qui ne pourront même plus en appeler aux juges.
7. Un barème plafonnant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le plancher d’indemnité actuellement fixé à 6 mois de salaire serait remplacé par un plafond de 3 à 15 mois de salaires en fonction d’une ancienneté allant de moins de 2 ans à plus de 20 ans.
L’esprit du plancher actuel était d’être assez haut pour être dissuasif et éviter que les employeurs utilisent n’importe quel motif pour licencier. Cette mesure permettrait aux employeurs de licencier facilement à moindres frais. Les juges verraient leur rôle réduit (sauf pour fautes et discriminations graves) car ils ne pourraient pas fixer l’indemnisation en fonction du préjudice subi par le salarié alors qu’il s’agira de situations où l’employeur n’aura pas respecté ses obligations.
A l’inverse de cela, il faut consolider le droit des salariés dans de telles situations et développer les mesures favorisant la relance de l’emploi.
8. La suppression du droit d’opposition des syndicats majoritaires
Cette suppression restreint d’entrée l’apparent renforcement de la légitimité des accords collectifs qui ne seraient valides que s’ils étaient signés par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli 50% des suffrages exprimés (au lieu de 30% actuellement).
A l’inverse de cela il faut travailler à une définition du dialogue social et à des pratiques de dialogue social qui permette aux salariés de porter et faire valoir leurs exigences et propositions. Il faut conforter le fait syndical a contrario des modifications apportées dans ce projet de texte.
9. La durée légale du travail à 35h serait plus que jamais une fiction
Les règles de la durée du travail structurent la vie professionnelle, la vie privée et la vie sociale des salariés. Dans le projet de texte, les dérogations aux durées maximales de toutes natures seraient régies par les accords d’entreprise. Y compris les dépassements de 10h à 12h par jour ou de 48h à 60h par semaine. La durée maximale moyenne pourrait atteindre 46h et sa période de calcul passerait de 12 à 16 semaines.
Le recours au forfait jours annuel ne nécessiterait plus un accord d’entreprise et le salarié pourrait renoncer à ses jours de congés, les jours de congé de fractionnement ne seraient plus d’ordre public, les heures d’équivalence dans les professions ayant des périodes d’inactivité deviendraient conventionnelles par branche.
A l’inverse, il faut garantir la durée du temps de travail, travailler à une nouvelle réduction du temps de travail permettant de nouvelles embauches et donc des créations d’emplois stables.
10. Une nouvelle définition du motif économique de licenciement, figée et restrictive
Le projet de loi légalise la très générale et imprécise « sauvegarde de la compétitivité » qui peut recouvrir beaucoup de choses y compris la sauvegarde de dividendes d’actionnaires par des suppressions d’emplois. La limitation au territoire national de l’appréciation des difficultés économiques est un cadeau supplémentaire aux groupes mondialisés qui externalisent leurs résultats pour échapper à leurs obligations en France.
A l’inverse, la FSU préconise que la production sur le territoire soit portée par les politiques publiques. Les enjeux sont multiples : emploi, sobriété énergétique, respect des populations des pays à «bas coût» et priorité à la satisfaction de leurs besoins avant celle de la production pour l’exportation.
11. La «modernisation» de la médecine du travail
Le texte prévoit la suppression des visites d’embauche, remplacées par une visite d’information et de prévention par un personnel de santé qui ne sera pas nécessairement un médecin du travail.
De même le recours à l’inspecteur du travail, ou au médecin inspecteur du travail, est supprimé en cas de désaccord avec le médecin du travail. La compétence serait donnée au Conseil des prud’hommes, déjà étouffé par le nombre d’affaires à traiter. Ses délais de jugement ne permettront pas que justice soit rendue aux salariés pour préserver leur santé et leur sécurité.
A l’inverse, et compte tenu de l’état de la santé des salariés au travail, il faut conforter la médecine du travail et le rôle des CHS-CT.