EDITORIAL
2025 : fêter les 80 ans de la Sécu !
2026 : reprendre la marche pour le progrès social !
1945-2025 La Sécurité sociale impulsée par le Conseil national de la résistance (CNR) a 80 ans ! Tous les syndicats, les forces de gauche, des associations, des fondations, des médias, des historiens-nes, ont fêté cet anniversaire.
Les ordonnances de 1945 ont ensuite été appliquées par la mobilisation syndicale et populaire des années suivantes (voir le documentaire : La Sociale, de Gilles Perret-2016). Et les cotisations de financement ont progressé jusqu’aux années 2000 grâce au rapport de force social.
Catherine Vautrin (ex-ministre de Bayrou) a même fait des commentaires élogieux sur ce grand acquis national n’appartenant « ni à la droite ni à la gauche » (9/10/2025-La Croix). Mais un bruit de bulldozer et de démolition se fait entendre : « On ne peut plus financer la Sécurité sociale par le travail » (C. Vautrin- Le Monde– 06/07/2025), c’est-à-dire la même rengaine servie par le Plan Juppé de 1995 : Il faudrait trouver « d’autres sources ». Quelles sources ? « Il faut réconcilier les Français avec le travail » a exhorté F. Bayrou en juillet. « En avant la production ! » s’est-il exclamé ! Quelle hypocrisie !
Ainsi le travail ne pourrait plus financer la Sécu… pourtant le mot d’ordre est de « travailler plus ». C’est un aveu ! C’est la reconnaissance que seul le travail général produit de la richesse, des valeurs marchandes ou financières. Mais que celles-ci doivent être accaparées à d’autres fins que les droits sociaux.
Un « déficit » organisé
Or, si la Sécurité sociale est soi-disant en déficit, c’est que depuis des années il y a une régression dans le partage des « valeurs » au profit du capital et au détriment du travail Les cotisations patronales ont été gelées, et même remplacées par des mesures fiscales ou de dépenses publiques.
Dans une enquête pluri-partisane du Sénat, il est démontré que chaque année 211 milliards d’euros d’aides gratuites sans contreparties sont fléchées vers les entreprises les plus profitables. Et que ce cadeau royal comprend 80 milliards de cotisations non payées, mais financées par des deniers publics. Ainsi s’est mis en place un circuit contrôlé de « faillite » de la Sécu et du budget de l’Etat sous la houlette du capitalisme prédateur. Cette politique a été accélérée avec Macron.
Il y a un enjeu de société au cœur des débats budgétaires à l’Assemblée nationale : le budget de l’Etat et budget de la Sécu (PLFSS), deux budgets séparés. Le MEDEF est très clair : nous ne verserons rien de plus, ni en salaires ni en cotisations. C’est pourquoi il a refusé de débourser un centime d’amélioration, dans la négociation issue du « conclave » sur la loi retraites de 2023, rejetée par 75% des Français et 90% des salarié-es. Rien de plus pour les retraités ayant effectué des travaux pénibles et pour les pensions des femmes, en moyenne 40% inférieures à celles des hommes en droit direct. Et le MEDEF refuse aujourd’hui de participer à une « Conférence travail-retraites », lancée par le Ministre du travail, démarrant en décembre 2025 pour durer jusqu’à septembre 2026, alors que tous les syndicats disent vouloir y participer.
Cette conférence résulte de la crise politique faramineuse que connaît le pays. Le Premier ministre Lecornu, s’il n’est pas renversé par une censure, a été contraint de reconnaître que les syndicats n’ont guère été écoutés dans la macronie.
Cette conférence se veut « ouverte » au débat. Selon la CFDT qui en est chaudement partisane, « cette conférence n’est en aucun cas une négociation ou un nouveau conclave mais bien un temps d’appropriation des enjeux qui doit nourrir la prochaine réforme » (lire syndicollectif : http://syndicollectif.fr/?p=27344…). Mais quels « enjeux » ? La CGT prépare ses exigences. En cas de jeu de de dupes pour maquiller une démolition de la Sécurité sociale historique, le conflit sera public. Sauf dissolution (certes possible), pendant un an le débat présidentiel de 2027 serait anticipé dans cette enceinte : quel contrat social autour du « travail » ? Qui produit la richesse ? Pour financer quoi ?
Mais les syndicats ont aussi la responsabilité de poser le problème dans sa globalité : la sécu, c’est la solidarité du monde du travail ; mais quel travail ? Les ressources en cotisation sont immenses, au-delà même des cadeaux aux entreprises : le travail dissimulé, la précarité des contrats, les inégalités salariales hommes femmes, l’éviction du marché du travail par les conditions de travail scandaleuses (la France, championne d’Europe des mauvaises conditions de travail), l’impossibilité de mener des carrières à terme en raison de la pression sur l’accomplissement du travail, le caporalisme du management, autre domaine d’excellence de la France, et on en passe…
L’absence de ces questions dans le débat conduit à des solutions de rechange illusoires, comme le projet de retraite à points, abandonné en 2020, mais qui ressort aujourd’hui. Il est déjà largement expérimenté dans les retraites complémentaires cogérées avec le patronat.
Retraites à points et capitalisation …
Le principe du système à points est le suivant : on sait ce qu’on paye (des cotisations transformées en points), mais pas ce qu’on touchera en fin de carrière qui n’est déterminé que le jour où la personne prend sa retraite. A contrario, le système de la « retraite sécurité sociale » (depuis 1945) repose sur des pensions garanties à partir du salaire. Elles sont financées d’année en année par la richesse existante que seul-es les travailleur-euses produisent. Les partisans du système à points pensent convaincre par la « simplicité », c’est-à-dire une même règle pour toutes et tous. Ce n’est qu’une égalité de façade car le rapport à la retraite n’est pas le même pour toutes et tous. Surtout que ces propositions s’accompagnent de l’émergence de fonds de pension qui non seulement renforcent les inégalités mais ruinent la notion de solidarité au fondement du système de sécurité sociale.
Le risque est grand par ailleurs de voir augmenter cette part de capitalisation en cas de blocage de la valeur du point, ce qui provoquerait mécaniquement une baisse du pouvoir d’achat des pensions. Et le lien ne serait plus entre salaire et pension de retraite mais entre les mouvements de la Bourse et les pensions. Ce système a été introduit cans certains pays depuis quelques années (la Suède par exemple) et, pour l’instant, il n’a rien produit d’autre que la baisse généralisée des retraites.
C’est un combat civilisationnel entre la marchandisation généralisée et la solidarité, entre le monde du business et la société des individus libres et marchant vers l’égalité. L’ambition, c’est de garantir pour la retraite un bon taux de remplacement du dernier salaire à 60 ans et des conditions de travail permettant d’atteindre cet âge en bonne santé. Ce serait une victoire pour le monde du travail, reprenant du pouvoir sur la richesse.
Les positions des syndicats ne sont pas identiques, tout le monde le sait et ce n’est pas nouveau. Elles doivent pouvoir se rapprocher, c’est nécessaire sinon tout le monde y perdra car l’autre côté n’est pas inactif, mis sous pression par la Fédération française de l’assurance, un des lobbys le plus puissant de ce pays.
Il serait donc très souhaitable que l’Intersyndicale unie en 2023 pour refuser une régression, se réunisse pour définir une plate-forme commune. Pourquoi pas avec l’aide du Conseil économique sociale et environnemental (CESE) ? Ou avec la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui a toujours ajouté les droits sociaux à son action ? En d’autres temps, les désaccords n’ont pas empêché au moins un débat sincère avec les éléments sur la table. Des moyens d’échanges pas nécessairement publics peuvent aussi trouver leur place, ça s’appelle le dialogue respectueux et ça permet parfois d’éviter des guerres. C’est une question de volonté, si elle manque à l’appel c’est la crédibilité de tout le mouvement syndical qui sera en question.
Avec une extrême droite en embuscade dont les votes à l’Assemblée éclairent de plus en plus son projet anti social, il y a une urgence à la remobilisation des forces progressistes, syndicales en premier lieu.
Le groupe Syndicollectif.









