Nous ne pouvons que recommander la lecture de ce « manuel » (comme dit l’introduction) de Sociologie politique du syndicalisme, par Baptiste Giraud, Karel Yon, Sophie Béroud (Armand Collin-2018), que nous avions déjà annoncé (http://wp.me/p6Uf5o-1PG). Ci-dessous quelques commentaires.
Pourquoi si peu de syndiqués-es ? questionne la couverture du livre pour mettre le doigt sur une des questions-clefs. Le livre ordonne les questions et les réponses par thème pour avoir un tableau cohérent- et pas seulement hexagonal d’ailleurs- des enchainements explicatifs. Dans les lignes qui suivent, nous nous efforçons de faire une synthèse, non pour se dispenser de la lecture, mais pour la susciter.
- Institutionnalisation, rapport à la politique, représentativité, syndicalisation, renouveau syndical, répertoires d’action, avenirs possibles pour conclure : les sept chapitres de ce « manuel » tombent à pic. Les éditorialistes de la presse accumulent depuis plusieurs mois des articles sur les « échecs » du syndicalisme, sur « l’isolement » de la CGT, la « radicalisation » de FO, et même les « difficultés » de la CFDT. Mais aussi sur un syndicalisme dépassé par « les cortèges de tête », voire contesté par des manifestants « violents ». Par ailleurs, plusieurs études d’opinion récentes font état d’une désaffection des salarié-es, même si les analyses sont contrastées (voir notre commentaire dans : http://wp.me/p6Uf5o-1UR). Ce livre remet les idées en perspective.
Chaque chapitre a également suffisamment de densité pour permettre à la fois un recul historique, un comparatif de l’état des recherches, et d’avancer des hypothèses. Un-e militant-e pressé peut sur une question précise se faire une idée assez complète du sujet en lisant le chapitre correspondant sans forcément avoir tout lu le livre. Evidemment, tout n’est pas traité et notamment pas toutes les questions d’orientation et leurs problématiques (exemple : unité syndicale, constructions revendicatives…). Il s’agit bien de sociologie politique.
- Le chapitre 1 traite de « l’institutionnalisation », c’est-à-dire des formes diverses à travers lesquelles le syndicalisme s’est organisé (s’institue lui-même si on veut), puis a été reconnu, donc institué légalement, et selon quelles modalités originales par rapport à d’autres traditions nationales. Il décrit le passage du syndicalisme de métier au syndicalisme d’industrie, puis le passage du professionnel (fédérations) au « territoire » interprofessionnel (bourses du travail, unions départementales, unions locales, unions interpro de base, …) sous la forme « confédérée » (faible en Allemagne par comparaison à la France, mais le poids des fédérations est puissant) ou plus récemment sous la forme « union interprofessionnelle » (UNSA, Solidaires) se voulant plus souple. Il faut insister sur une spécificité française : la séparation de la forme syndicale « revendicative » de la forme de solidarité « mutuelliste » (dans le nord de l’Europe, les deux formes sont intégrées). Cette séparation est ancienne, structurelle, et explique fortement pourquoi ce syndicalisme n’est pas enraciné dans des services rendus en continu, et donc cela influence fortement l’adhésion. Cependant ces formes de syndicalisme de services existent aussi par exemple chez les enseignants. A partir du moment où le syndicalisme est officiellement un acteur reconnu, institutionnalisé dans l’espace national, un débat parcourt les chercheurs sur ce qui fait sa force : sa force propre, ses capacités de « blocage », de faire « masse », ou la force octroyée par les ressources légales ? C’est évidemment un enjeu, une lutte entre les projets du « pouvoir » politique et la capacité autonome des syndicats. Les instances européennes, par exemple, codifient les organes représentant la société civile en « groupes d’intérêts », dont les syndicats, les ONG, etc., sur le même plan.
- Le chapitre 2 s’intitule : « Pluralisme et (dé)politisation du syndicalisme ». D’emblée, cette question très commentée pose un problème de définition. La loi de 1884 reconnaissant le syndicalisme en excluait toute dimension politique. La Charte d’Amiens (1906), tout en refusant le lien avec des partis, préconisait le renversement du capitalisme comme « besogne » syndicale. Le syndicalisme (« parti du travail » selon des syndicalistes révolutionnaires) se suffit à lui-même pour l’émancipation. Le chapitre examine les trois « modèles » européens de rapport syndicats/partis : trade-unioniste, axé sur ce qui se joue localement dans les entreprises, mais qui finira par créer un parti « travailliste » après 1900 pour que son action soit représentée nationalement ; social-démocrate, où les domaines sont strictement séparés, mais hiérarchisés (le parti en tête, ce qui prévaudra aussi dans la tradition communiste) ; et le syndicalisme révolutionnaire. Mais même en France, plusieurs de ces modèles-types sont présents : les mineurs agissent pour des lois, les typographes contrôlent l’embauche (closed shop) et dans le textile du nord, le parti guesdiste domine. Malgré la charte d’Amiens qui fait prétendument loi, le pluralisme syndical français montre que le rapport au politique a été un facteur important de fortes différentiations : rapport à l’Etat (guerres), à la SFIO, au PCF, à la situation internationale (nazisme, URSS, USA). Après les expériences gouvernementales de gauche, le rapport au politique a été redéfini. La CGT abandonne ses liens quasi officiels avec le PCF, la CFDT se « recentre », et FO marque des points en jouant de son « indépendance ». On assiste alors à une « dépolitisation », et la controverse politique semble même porter sur la meilleure prise de distance avec le politique. « L’autonomie » dans les luttes est même revendiquée (en partie par Solidaires) Cette situation ne signifie pas que le corps militant et sympathisant n’a plus d’opinion. Mais peut-être qu’un nouveau débat s’est amorcé depuis quelques années sur une possible politisation sans hiérarchisation.
- Le chapitre 3 met « la représentativité en question ». C’est en quelque sorte un rebond par rapport au processus d’institutionnalisation, puisque celle-ci façonne et légalise ce qui est représentatif. Est-ce l’Etat qui le décide ? Ou les salarié-es ? Il importe également d’être précautionneux sur ce qui mesuré : la surface sociale réelle de tel ou tel syndicat, ou son poids légalement ou juridiquement établi ? Ces débats anciens ont débouché sur la mise en évidence d’un « problème public » sur ces sujets, lié aux évolutions du rapport social dans les entreprises. Alors que l’offensive patronale tendait à décentraliser le niveau pertinent de la hiérarchie des normes (inversant la tendance historique, ce qui a fini par aboutir au bouleversement du Code du travail), les syndicats aussi avaient besoin de réglementer clairement qui a légitimité à signer un accord : tout syndicat reconnu par la puissance publique (même si très peu de salarié-es le reconnaissent ainsi dans une entreprise) ou une mesure plus « démocratique » venant du terrain ? Cette demande était encore plus forte pour les nouveaux entrants du syndicalisme (UNSA, Solidaires, FSU) et exclus du jeu précédent. Mais si une sorte de consensus a fini par s’établir (sauf pour FO et la CFTC) entre pouvoirs publics et syndicats pour modifier les règles, la question du périmètre électoral était tout aussi décisive. Serait-ce la totalité du salariat (par exemple selon la tradition des élections prudhommales dans le privé) ou seulement les salariés déjà couverts par des élections professionnelles ? C’est bien ce qui a été décidé dans la loi de 2008, mais ce choix entraine ipso facto un rétrécissement important du nombre de salarié-es impliqué-es dans le secteur privé (8,5 millions sur un potentiel de 14 millions), hors les très petites entreprises (TPE). La mesure dans les TPE (4,5 millions de salarié-es) fonctionne avec des règles de préférences syndicales globales (ce qui est plutôt positif, même si la participation est très faible). C’est donc une représentativité partielle et discutable qui est mesurée, sans règles homogènes. Elle dépend des rapports de force d’entreprises (imposer des CE ou DP par exemple) et des capacités syndicales à couvrir les entreprises ayant des élections professionnelles, ce qui bien entendu est une vraie différentiation. Elle aboutit ainsi en 2017 à une agrégation nationale des résultats qui donne la CFDT N° 1, parce que la CGT couvre moins d’entreprises et moins de salarié-s (4 à 500 000 de moins que la CFDT), ce qui montre un déclin CGT croissant (y compris pour la fonction publique, même si avec les résultats fonction publique la CGT reste encore N°1). Cet instrument de mesure, présumé plus démocratique que la « présomption irréfragable » autrefois octroyée par l’Etat, présuppose par ailleurs que l’élection au sein des entreprises obéit aux mêmes critères que les élections politiques : l’égalité citoyenne du choix. Or il n’en n’est rien : la citoyenneté n’existe pas dans les entreprises. La loi de 2008 ne fait que renforcer ce constat, qui ouvre en conséquence un chantier d’exigences démocratiques nouvelles.
- Les chapitres 4 et 5 abordent les « logiques de l’adhésion syndicale » ou de son affaiblissement (ch. 4) et les tentatives de « renouveau » (ch. 5) des pratiques et méthodes qui s’observent, plus en réalité dans d’autres pays qu’en France même, où ce processus commence à peine.
La perte d’adhésions est constante en longue durée, même si elle semble avoir atteint maintenant un palier avec un taux stabilisé à 11% (étude DARES). La CGT a perdu les 2/3 de ses effectifs dans les années 1980 et la CFDT la moitié. Par ailleurs, la confiance envers le syndicalisme s’est tarie (après une période d’attentes nouvelles après 1995) à un étiage d’un tiers des salarié-es seulement, selon des enquêtes concordantes. Mais en France le syndicalisme n’a que très rarement été un syndicalisme de masse. Pour une grande partie, cela tient à ses spécificités. En Grande Bretagne ou dans le nord de l’Europe, les syndicats ont historiquement des effectifs bien plus puissants en raison, comme cela a déjà été dit, du contrôle syndical des embauches (Grande Bretagne) aujourd’hui disparu, ou de l’articulation forte avec la gestion syndicale de la protection sociale (maladie, chômage). Ces typologies syndicales existent aussi en France pour une petite partie (cf : la FEN). Néanmoins, quasiment partout en Europe, la désyndicalisation s’observe. La lecture des causes varie selon les analystes qui mettent l’accent sur des origines extérieures au syndicalisme (chômage), ou intérieures (manque d’activité de recrutement par inertie alors que les moyens matériels subsistent). Le texte pointe cependant 4 variables explicatives fortes : l’instabilité de l’emploi et les restructurations incessantes qui bloquent les possibilités d’un syndicalisme durable, la taille des entreprises (dans les TPE, la relation professionnelle est individualisée), l’existence ou pas d’une présence syndicale préalable, et la variété de secteurs professionnels très éclatés qui s’accroit aujourd’hui (comme le nettoyage, etc). Dans les anciens « bastions » syndicaux par ailleurs, les anciens collectifs subissent des remaniements incessants, les jeunes n’attachent plus la même valeur à l’engagement des parents, et partout, la répression patronale s’intensifie. Les motifs d’adhésion existent cependant, mais se renouvellent. On n’adhère plus avec une vision du monde à changer, mais pour des motifs concrets, ce qui ne veut pas dire individualistes. L’adhésion à tel syndicat ou tel autre peut être très « contingente » : liée à un ou une militante présent-e. On peut adhérer en raison du « travail », ou pour s’inscrire dans la vie de l’entreprise. La prise de mandat peut aussi s’accompagner d’une vision d’émancipation, d’apprentissage de savoirs, de « plaisirs » de la relation collective.
Y a-t-il alors un « renouveau » des pratiques d’adhésion, ou de construction du syndicalisme (ch. 5) ? Les défis transversaux à tous les syndicats sont évidents : vieillissement des adhérents, départs à la retraite des militant-es, le défi de la féminisation, le recrutement de précaires (ou chômeurs-euses). La CFDT a été la première à développer une politique volontariste spécifique, avec des « développeurs », et une commission ad hoc. Elle retrouve en 2003 son niveau de 1976, mais perd des dizaines de milliers d’adhérent-es cette année-là, en désaccord sur le conflit des retraites. La CFDT compte 48% de femmes, 66% de forces dans le privé. La CGT a connu un débat vif sur ses pertes d’adhésion et dévoile en 1996 ses vrais chiffres. Elle compte 37,5% de femmes, 22,9% d’ouvriers, 44% d’employé-es. 57,6% des syndiqué-es le sont dans des entreprises de plus de 500 personnes. Ses bastions « publics » subissent une érosion, sauf les territoriaux et la santé. Elle n’est pas organisée là où le salariat se développe le plus. 75 000 syndiqué-es sont isolé-es, sans structure. Le défi de la féminisation est historique pour la CGT (jusqu’au refus d’adhésions de femmes à sa naissance, sous le prétexte de la concurrence). La CFTC, puis la CFDT ont d’autres traditions, y compris des syndicats de femmes (commerce). Après 1968, le mouvement féministe pousse à des commissions syndicales, non sans conflits (crise dans la CGT entre 1977 et 1982). La CFDT accepte des quota dans les directions en 1982, la CGT en 1999 (parité). Solidaires mise sur une orientation féministe offensive (congrès 2014). FO semble ne pas avoir de politique définie, par crainte de divisions.
Un mouvement dit de « renouveau syndical » prend d’abord naissance aux USA, appelé organizing model. Le but est de dégager des moyens organisationnels pour atteindre des salariés-es sous-syndiqués, y compris en « alliance » avec les « quartiers », des églises, etc. Cela provoque à la fois des résultats, mais aussi des tensions (une scission même dans l’AFL-CIO). En France, cette méthode est peu prisée (sauf CFDT ?). Néanmoins, des débats ont lieu : syndicats de sites, de bassins industriels, exploration de « déserts syndicaux », non sans tensions avec les traditions (syndicat d’entreprise pour la CGT). Dans les années 1990, des équipes (surtout gauche CFDT) tentent d’organiser les chômeurs, ce qui donnera lieu à des mouvements du type d’Agir ensemble contre le chômage (AC !). La très faible syndicalisation des jeunes (2,5%) a certes des explications, mais les tentatives pour y remédier ne sont pas couronnées de succès, même avec des structures dédiées. Les liens plus ou moins structurés avec le syndicalisme étudiant (ceux-ci étant par ailleurs souvent salariés) sont une des pistes. Un numéro récent de la revue internationale de l’IRES fait cependant le point sur le « renouveau syndical », notamment pour l’Europe.
- Le chapitre 6 aborde le débat sur le « répertoire » de l’action syndicale, sa diversité historique et contemporaine. L’actualité de ce débat s’exprime par des commentaires ou critiques contradictoires, tantôt se désolant que le syndicalisme de contestation n’existe plus, ou au contraire qu’il s’isole par sa radicalité. Ou encore qu’il ne mobilise plus que le secteur « public », éloigné qu’il serait du « privé ». Pour autant, bien des observations statistiques montrent que négociations et conflictualités vont de pair. Sur le plan historique, l’action syndicale interprofessionnelle était très liée à des projets de changements politiques, aussi bien en France (grève générale, Front populaire, etc) qu’en Europe, où les syndicats ont obtenu une reconnaissance nationale et une puissance de négociation avec les pouvoirs publics (y compris par « échanges politiques », par exemple en Scandinavie, où le patronat pouvait céder des avancées par crainte d’une radicalisation). Une concurrence intersyndicale a pu se produire (années 1960-80) qui réfractait des enjeux politiques : PC, PS, extrême-gauche. Ensuite une nouvelle période s’ouvre, avec un recul de la dimension politique globale, et/ou de la capacité à infléchir les décisions du pouvoir, même à l’issue de mouvements intenses (1995, 2003, 2010…). La manifestation prend une place grandissante, comme démonstration politique afin d’influer ou de négocier des évolutions et contre-propositions (exemple : loi travail de 2016), mais pas comme levier pour changer le gouvernement.
Par contre, localement dans beaucoup d’entreprises privées, même si les grèves bloquantes et longues ont diminué fortement, la conflictualité, loin d’être absente, prend d’autres formes, plus variées, plus diffuses. On assiste à une « recomposition » des moyens d’action : débrayages, pétitions, réseaux sociaux, utilisation du flux tendu pour agir, etc. Quelques caractéristiques sont à noter. D’abord la présence syndicale est toujours indispensable : pas de conflit sans organisation préalable. Ensuite, les divergences syndicales nationales (CFDT, CGT, etc.) ne sont pas reproduites mécaniquement sur le terrain. Souvent, la médiatisation des conflits est recherchée (même si elle est source de tensions) pour obtenir le soutien de l’opinion publique et la solidarité. Les formes très radicales (séquestrations par exemple) sont peu fréquentes (1%). Les formes diverses d’institutionnalisation du syndicalisme peuvent être parfois des lieux de chantage ou d’ «échanges » obscurs, mais aussi des points d’appui pour l’action : obtention d’informations, apprentissage d’arguments, capacité de blocage (exemple : utilisation judicieuse du CHSCT avant leur quai-suppression). Aucune règle mécanique ne lie la densité des négociations avec un affaiblissement des conflits, ce serait même l’inverse.
- La conclusion, enfin, ouvre plusieurs fenêtres de débats. Autant les chapitres restent au plus près des recherches sociologiques et politologiques bien établies (tout en choisissant bien sûr des angles théoriques), autant la conclusion prend le risque de la controverse, mais sur d’autres plans que les débats « enkystés » sur « la crise ou la bureaucratisation des syndicats ». Sur deux questions. La conclusion revient d’abord sur la méthode du « manuel » s’efforçant de « décloisonner » les champs de recherche et se situer dans une « approche du syndicalisme au croisement de la sociologie des mouvements sociaux, du travail, et des relations professionnelles ». Il existe en effet une approche des mouvements sociaux comme un sujet distinct du syndicalisme, avec des théorisations de ce type dans le syndicalisme lui-même. Par contre, il n’est pas tout à fait vrai que la question du « travail » en tant que nouveau champ de renouvellement des pratiques syndicales ait été très abordée dans le livre (une faiblesse). Mais le livre met bien en évidence en effet les liens qui s’opèrent (ou non) entre engagement syndical contemporain et recomposition salariale. La conclusion insiste à juste titre sur le concept de « répertoire de l’action », et « continuum » entre représentation, négociations, mobilisations, etc. A l’évidence, ce « répertoire » est encore trop peu enrichi aujourd’hui sur le plan national (c’est moins vrai à l’échelle locale), le syndicalisme ayant de la peine à agir politiquement autrement que par la seule journée interprofessionnelle (par exemple). Ce qui produit des frustrations et des clivages. Le texte invite aussi à adopter le concept de « champ syndical » qui permet de mieux appréhender combien, malgré le fameux pluralisme syndical français, les syndicats sont en réalité très interdépendants, et non pas des structures fixes.
Enfin la conclusion invite à découvrir ou ouvrir les « angles morts » du syndicalisme d’aujourd’hui, dans un moment néolibéral agressif où les anciens processus de reconnaissance institutionnelle sont mis en question, voire anéantis. La CFDT n’est plus une interlocutrice naturelle du pouvoir. Les syndicats dits de contestation ont du mal à trouver les leviers de l’action efficace. Dans cette période nouvelle, le syndicalisme découvre (ou se côtoie avec) d’autres mouvements de type syndical, mais qui n’en n’ont pas le nom. « La rue est notre usine » dit le Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP). Aux Etats-Unis émergent des « centres de travail », des collectifs ou alt-labor qui organisent des employés, des personnes sans affiliation. Des indices de ces recherches commencent à exister en France, une sorte de « syndicalisme informel », qui encourage à « déplacer la focale des formes instituées vers les formes émergentes », lesquelles rétroagissent ensuite « pour faire bouger ce qui est institué ». Depuis 2016 en France, c’est bien le débat qui est posé (de Nuit Debout aux cortèges de tête).
Les auteurs :
- Baptiste Giraud est maître de conférence en science politique à l’université d’Aix-Marseille, membre du laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail (LEST, UMR 7217).
- Karel Yon est chargé de recherches en sociologie au CERAPS (UMR 8026, Université de Lille et CNRS)
- Sophie Béroud est maîtresse de conférence en science politique à l’Université Lyon 2, membre du laboratoire Triangle (UMR 5206).
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