« Femmes, chômage, autonomie »

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Share on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Odile Merckling, économiste, féministe et militante d’Agir ensemble contre le chômage (AC!), a publié un livre aux éditions Syllepse : « Femmes, chômage et autonomie« . Elle participe au Collectif Unedic fondé en 2017 pour faire face aux contre-réformes du gouvernement Macron en matière d’assurance-chômage. Le Collectif Unedic comprend les 4 organisations de chômeurs (AC!,  APEIS, CGT chômage, MNCP) et les syndicats CGT, SUD emploi, et SNU-FSU de Pôle emploi.

 

promo Femmes, chômage Fond blanc(1)

« Femmes, chÔmage et autonomie »

Résumé du livre par Odile Merckling

L’activité et l’emploi des femmes ont très fortement augmenté depuis les années 1960. Cependant, beaucoup cumulent les désavantages de contrats précaires, du temps partiel et de bas salaires.

Le système de protection sociale en France avait été construit, après 1945, autour de la norme de l’emploi stable à temps plein ; ce qui a conduit, depuis les années 1980, à instaurer un dualisme, avec le développement d’une aide sociale fiscalisée. Les femmes n’ont obtenu pour la plupart, après 1945, que des droits dérivés de ceux du conjoint ; la constitution de « droits propres » a, depuis lors, en dépit de  l’augmentation de l’emploi féminin, rencontré des obstacles. Par ailleurs, l’assurance chômage a été fondée, depuis 1958, sur le principe d’une « contributivité » (versement de cotisations assises sur le travail), qui n’a cessé d’être renforcée.

La réforme de l’assurance chômage 2019 – Loi Pénicaud du 05/09/2018, décrets n°2019-797 du 26/07/2019 et suivants – est venue aggraver cette situation. Le revenu de remplacement en cas de chômage n’existe plus, en réalité, que pour les chômeurs-ses qui ont connu auparavant l’emploi de longue durée à temps plein. Les personnes qui travaillent en emploi discontinu (dont une majorité de femmes) sont ciblées par cette réforme, qui a durci les conditions d’ouverture de droits et modifié à la baisse le mode de calcul du montant des allocations. Le régime d’assurance chômage n’indemnisait avant la réforme, que 42 % des demandeurs d’emploi inscrits ; il n’en indemnise désormais qu’environ 36 %. Les indemnités de chômage étaient d’un montant mensuel net moyen de 955 € – les femmes touchant 22 % en moins par rapport aux hommes. Elles ont été abaissées en moyenne de 17 % pour plus d’un million de chômeurs-ses, et jusqu’à 43 % pour une partie d’entre eux.

Même pour les chômeurs-ses indemnisé-e-s, l’assurance chômage n’assure pas un revenu de remplacement décent, car il n’existe pas de montant minimal de l’allocation journalière ou mensuelle. Les personnes ayant travaillé à temps partiel voient, depuis les années 1990, leurs allocations calculées en proportion de la quotité de temps partiel. Celles en emploi discontinu voient à présent leurs allocations réduites en fonction d’un « coefficient d’intensité de travail » – selon le nombre de jours travaillés durant la période de référence. Les personnes en multi-emploi voient remis en cause leur droit au cumul d’un revenu d’activité partielle et d’une allocation chômage. Tout ceci revient à faire comme si ces personnes étaient responsables de la précarité de leurs contrats et de leurs faibles horaires, et oblige de nombreuses femmes à courir sans cesse après de nouveaux contrats, pour obtenir des heures de travail à faire en plus.

Le chômage contribue à renforcer la ségrégation des emplois entre les femmes et les hommes, et à (re)naturaliser la division du travail sexuée. Les dernières réformes de l’assurance chômage viennent encore aggraver la dévalorisation des emplois féminins et les inégalités de salaires et de carrière entre femmes et hommes. En outre, les violences familiales et au travail n’ont fait que redoubler depuis quelques années.

Le nombre de bénéficiaires de minima sociaux a explosé depuis les années 1990. 2,5 millions d’adultes sont actuellement bénéficiaires du RSA ou de l’ASS – moins d’un demi-Smic – dont une majorité de femmes. Le refus de dé-familialiser les allocations, malgré les demandes de nombreuses associations, enferme des milliers de femmes dans un statut de mineures. Ceci contribue à préserver le modèle familial traditionnel, au service de l’ordre patriarcal, qui permet la fourniture d’un travail domestique non rémunéré. De plus, les pouvoirs publics n’ont cessé d’affirmer la volonté de conditionner l’attribution de ces allocations à l’effectuation d’un certain nombre d’heures de travail.

Depuis plusieurs années, des groupes de femmes très diversifiés (assistantes maternelles, intermittentes, guides interprètes conférencières, vacataires de services publics …) ont  participé aux luttes contre les réformes de l’assurance chômage. Elles ont mis en avant plusieurs revendications, d’un modèle d’indemnisation adapté aux réalités de l’emploi discontinu, d’une indemnisation à un niveau décent de toutes les formes de chômage, de la continuité des droits sociaux par-delà la discontinuité de l’emploi et d’un « droit au cumul emploi-chômage ».

Les femmes sont actuellement les plus pénalisées par la disparition de la protection sociale et des services publics. Nombre de parcours féminins sont une succession de périodes de travail précaire, à temps partiel, de périodes de chômage, de congés de maternité, parentaux, ou d’aidante familiale…Les situations de handicap sont de plus en plus courantes.

La lutte sur le thème de l’assurance chômage – commune aux femmes et aux hommes –  vise à instaurer un nouveau système, fondé sur la solidarité interprofessionnelle et entre catégories sociales. Les effets d’un tel système pourraient être largement bénéfiques aux femmes, ainsi qu’aux travailleurs précaires – en majorité jeunes. En dehors d’un tel système, qui permettrait une redistribution envers les plus précaires, nombre de femmes et de jeunes sont condamnés à vivre dans la dépendance familiale.

Un statut de vie sociale, professionnelle et citoyenne devrait ainsi comprendre, outre un revenu minimum garanti individuel, un ensemble de mesures visant au partage du travail et au décloisonnement entre les sphères de la production et de la reproduction. Il doit être adossé à un système de sécurité sociale universel ; les parcours des femmes – qui intègrent les nécessités de la reproduction – étant placés au cœur de sa définition. Il suppose l’institution de droits universels et individuels en partie déconnectés de l’emploi.

L’accès à l’autonomie des femmes peut favoriser l’émancipation de la classe laborieuse et l’affirmation d’un nouveau type de familles, non fondé sur la domination masculine et sur la répartition traditionnelle des rôles sexués.

 

Print Friendly

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *