L’Europe syndicale contre l’extrême-droite

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Mardi 16 avril 2024, la Bourse du travail de Paris s’est remplie pour accueillir des responsables syndicaux européens, et débattre sur la manière de combattre les droites extrêmes dans de nombreux pays (voir ici l’annonce : http://syndicollectif.fr/?p=23613). Les élections européennes de juin 2024 pourraient en être une étape inquiétante. Le syndicalisme est donc conscient de ses responsabilités, avec les forces progressistes et les mobilisations de la société.

L’accès à la vidéo complète de cette matinée est accessible sur le site de la CGT et de la CFDT.

 

https://youtu.be/uFJVBTyV9zw?si=KNiSey9zBtoilkpR

 

 

 

 

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Extraits des réflexions et propositions entendues.

Première table ronde 

Participaient : Marylise Léon (secrétaire générale de la CFDT), Yasmin Fahimi (présidente du DGB), Dominique Corona (secrétaire national de l’UNSA). Le débat était animé par Adrienne Woltersdorf, de la Fondation Friedrich-Ebert, et Hans-Jûrgen Bieling, chercheur et auteur d’une note sur le sujet de l’extrême-droite (ED).

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  • Marylise Léon insiste sur la nécessité de prendre la menace au sérieux. Il ne faut « surtout pas se taire» face à des « sujets clivants ». Rappel : tout « entrisme » d’extrême-droite dans la CFDT se traduirait par « l’exclusion ». Elle propose un triptyque : « information, formation, action ». Informer notamment pour « démasquer » (exemple : les votes des députés ED contre l’égalité femmes/hommes au Parlement européen). Former pour « créer des digues ». Elle dénonce aussi « le danger autoritaire » et le « pouvoir vertical » en France. En 2023, la mobilisation a pesé : « nous ne sommes pas impuissants », même si on ne réussit pas à « articuler syndicats et partis » (en « intelligence »). Les partis sont cependant « insuffisants sur l’expertise du travail ». Le 3ème axe, l’action, prend appui sur la « dynamique de la société civile », par exemple dans le « Pacte du pouvoir de vivre », soutenu par la CFDT. « Les alliances sont indispensables », conclut-elle.

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  • Yasmin Fahimi décrit l’AFD en Allemagne. L’AFD « n’ose pas critiquer directement les droits sociaux », bien que sa politique soit à « 100% orientée marché ». L’AFD promeut des réponses simplistes (par exemple sur le libre-échange) où émerge un « racisme ethnique et culturel ». Ils ont des discours « perfides » sur la « nature féminine » contre… l’égalité femmes/hommes. Ils laissent le « social » aux syndicats : « occupez-vous du social, mais pas du reste », pour provoquer une « dépolitisation ». Yasmin Fahimi décrit les grandes manifestations qui font actuellement « le tour de l’Allemagne », y compris « dans les espaces ruraux ». Elle alerte sur les fake news et le rôle de Tik Tok, dominé par l’AFD. « L’erreur » des « politiques » serait de ne pas nous écouter pour « créer des alternatives ». Dans le DGB aussi, une affiliation de l’AFD conduirait à « l’exclusion ».

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  • Dominique Corona (UNSA) estime que la situation est « identique» dans tous les pays. L’UNSA aussi refuse évidemment toute « infiltration ». En France, les tentatives de création de syndicats d’extrême-droite (en 1998) ont échoué. Le RN parle d’augmenter les salaires, mais en diminuant les cotisations sociales. En 2017, il se prononçait pour « interdire le droit de grève », et prétendait que « les syndicats de servent à rien ». Il ne faut pas laisser faire la « lepénisation des esprits », mais « nous sommes bien seuls ». Cependant, il faut aller « au combat », sinon « quitte à perdre des voix ou des adhérents ».

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  • Le chercheur Jürgen Bieling décrit cependant un constat européen plus général où même si les situations diffèrent et que les rapports de force fluctuent ou « se déplacent», l’extrême-droite semble privilégier un discours « sociétal » plutôt qu’affronter directement « le social » (ou infiltrer des syndicats).  Cela peut d’ailleurs être efficace « là où les syndicats sont faibles ». L’extrême-droite jour sur l’idée que les syndicats doivent rester « neutres », qu’ils ne doivent « pas avoir de position politique ». Ne pas hésiter non plus à exprimer une « composante émotionnelle » : « Si tu touches un étranger, c’est moi que tu touches aussi ».

Deuxième table ronde 

Avec : Sophie Binet (secrétaire générale de la CGT), Maurizio Landini (secrétaire général de la CGIL), et Estelle Delaine, sociologue (Université de Rennes 2).

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  • Maurizio Landini commence par expliquer que la Présidente du Conseil G. Meloni n’est pas majoritaire dans le pays (partagé en trois parts) même si elle l’est au Parlement. Elle gouverne ne manière très verticale, par décrets, et se lance maintenant dans une modification de la Constitution qui depuis l’après-guerre comporte un volet antifasciste. Il défend la nécessité d’un « rôle autonome du syndicat pour un projet social » et notamment pour une « culture politique du travail ». Il défend la nécessité d’un « réseau international antifasciste» et « l’union du monde du travail ». Face à l’extrême-droite, « empêcher la concurrence est fondamental ». En Italie, il y a « une fuite de main d’œuvre » (120 000 par an), avec  « plus d’italiens qui partent que de migrants qui arrivent ». C’est une situation « inédite » : « nous avons besoin de migrants, avec les mêmes droits ». Mais on ne peut combattre « une culture » régressive que si « on propose autre chose ». Par exemple « construire un réseau d’action sociale directe », sur le logement, la santé, etc. Les syndicats doivent être « des lieux de « socialisation », afin de répandre « une autre idée de liberté ». Il n’est pas suffisant de résister, il faut mener « une bataille culturelle ».

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  • Sophie Binet propose de mobiliser « trois leviers» : monter ce qu’est l’extrême-droite réellement (exemple AFD : « déporter des travailleurs en Afrique »), dénoncer « l’imposture sociale », construire une alternative. Aujourd’hui l’Europe est celle du « capital, pas du travail ». Cela interroge aussi « les propositions politiques de gauche », par exemple des « barrières douanières » aux portes de l’Europe (proposition CES). Il ne s’agit pas seulement d’avoir un « discours moral » vers les travailleurs « qui n’auraient rien compris ». En réalité « les forces politiques ont renoncé » (on se rappelle « les mots de Jospin » : l’Etat ne peut pas tout). Le Conseil national de la résistance (CNR) avait construit des « digues » en France, qui ont duré. Mais il comprenait « tous les syndicats et les politiques ». Aujourd’hui, on voit des alliances droites et extrêmes-droites, et même le patronat s’y met (Bolloré !). Nous avons un climat de « guerre de religions » sur la « laïcité », alors que dans les moments de lutte, « la question ne se pose pas ». L’extrême-droite « instrumentalise la notion d’assistanat » pour opposer travailleurs et chômeurs. Elle prospère sur la « fragmentation du monde du travail ».  Il faut donc distinguer « les batailles de court terme et de long terme ». Par exemple des directives européennes « positives » ont été obtenues (travailleurs des plateformes). Mais l’extrême-droite prospère aussi sur « la contradiction entre le social et l’écologie », avec par exemple 50 000 emplois réellement menacés dans l’automobile avec l’électricité. Se créée ainsi un « climato-scepticisme ». En France, le « Front populaire » a été d’abord issu de l’unité syndicale. Aujourd’hui « la maison brûle, il est minuit moins le quart ». Il manque « une perspective de progrès ».
  • Maurizio Landini, répondant à une question sur l’état des luttes sociales en Italie, décrit une « grève générale» récente « sur les accidents du travail ». Mais explique aussi la nécessité de dépasser l’action syndicale classique. Par exemple sous la forme « d’alliances sociales » et pour un « référendum sur la Constitution » menacée par la réforme de G. Méloni (qui veut en supprimer les passages antifascistes historiques).

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La matinée a été conclue par Béatrice Lestic (CFDT) et Boris Plazzi (CGT), tous les deux en charge des questions européennes.

Prises de notes de Jean-Claude Mamet

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