Syndicalisme, police, justice (suites)

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Nous complétons notre revue des prises de position syndicales sur les relations police-justice par celles du Syndicat de la Magistrature (SM), de l’Union syndicale des magistrats (USM) et du Syndicat des avocats de France (SAF).

 

« ….en réaction aux propos du directeur général de la police nationale« 

Il est des attaques auxquelles on ne doit jamais s’habituer.

Hier soir, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, relayé par le préfet de police de Paris, est monté d’un cran dans l’échelle des attaques à l’autorité judiciaire.

Alors qu’un policier a été placé en détention provisoire par un juge des libertés et de la détention à Marseille après sa mise en examen pour des faits de violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme, le DGPN, placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, a ainsi déclaré : « de façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ».

Ce faisant, il remet publiquement en cause le principe d’égalité devant la loi, utilise sa position institutionnelle pour porter atteinte à l’autorité judiciaire auprès des citoyens et bafoue les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice.

Les juges judiciaires, garants constitutionnels des libertés individuelles, doivent pouvoir exercer leurs missions en toute indépendance, sans autre jalon que celui de la loi, qui en matière de détention provisoire prévoit les mêmes critères pour tous les justiciables, y compris les membres des forces de l’ordre dès lors qu’ils se voient reprocher des délits ou des crimes. Voulons-nous d’une justice qui agit sous l’influence de telle autorité ou tel groupe de pression, ou d’une justice appliquant rigoureusement la loi en toute impartialité ?

Nous attendons du Président de la République qu’il dénonce fermement cette attaque inédite à la séparation des pouvoirs. Il en va de la sauvegarde de l’État de droit.

24 juillet 2023

  • Union syndicale des magistrats (majoritaire) : extraits de prises de position publique (pas de communiqué publié):

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[les propos ci-dessous, rapporté dans Le Figaro du 23 juillet, font suite à la déclaration du directeur de la police nationale critiquant la détention provisoire d’un policier mis en cause à Marseille)

« Les propos du patron de la police nationale sont «scandaleux» et «gravissimes dans un état de droit», a également réagi Cécile Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). «C’est stérile et dangereux. On attend une réaction au plus haut niveau de l’État pour remettre les pendules à l’heure», a-t-elle déclaré à l’AFP. «Une détention provisoire répond à des critères précis, légaux», a rappelé Cécile Mamelin. Comme la mise en examen, «c’est une décision de justice qui ne préjuge en rien de la culpabilité et qui peut faire l’objet de voies de recours», a-t-elle ajouté. »

  • Syndicat des avocats de France (SAF) : télécharger : SAF-CP-Nahel-

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Le Syndicat des Avocats de France exprime ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Nahel, tué par un policier suite à un refus d’obtempérer.

Ce décès d’un adolescent soulève une fois de plus la question de l’utilisation des armes par les forces de l’ordre en France.

Les statistiques alarmantes révèlent une augmentation significative du nombre de décès causés par la police au cours de la dernière décennie.

Depuis 2020, ces chiffres sont en constante hausse, en corrélation avec la modification législative issue de la loi du 28 février 2017, qui a assoupli les conditions d’utilisation des armes à feu par les forces de l’ordre.

Comme le soulignent notamment des chercheurs et chercheuses, la comparaison avec d’autres Etats européens montrent la spécificité de la situation française : quand l’Allemagne compte un tué à la suite d’un refus d’obtempérer en dix ans, la France en a connu seize depuis dix-huit mois1.

Cette comparaison met en évidence la nécessité de revoir les pratiques policières en France et de promouvoir des approches alternatives qui préservent la vie et l’intégrité physique de toutes et tous.

Ce drame inacceptable nous rappelle également à quel point rien n’a été fait depuis des années pour sortir de cette violence étatique, qu’aucune leçon n’a été tirée par les autorités depuis la mort de Zyed et Bouna2 malgré le nombre de personnes tuées par la police dans un silence assourdissant et complice.

Dans un contexte de tensions sociales exacerbées, le SAF dénonce une fois de plus la dangereuse escalade de la violence « légitime »3.

Nous appelons instamment le gouvernement à œuvrer en faveur de l’apaisement, qui ne pourra venir qu’en prenant des mesures concrètes. La colère sociale exprimée depuis la mort de Nahel n’est qu’une conséquence logique de ces années de déni de l’État français face aux violences policières, face aux contrôles discriminatoires et l’impunité des forces de l’ordre.

Il est ainsi impératif de créer une autorité réellement indépendante chargée de superviser l’action de ces forces de l’ordre. Cette autorité devra être dotée de pouvoirs étendus pour enquêter sur les cas de violences policières et garantir la transparence de ces enquêtes.

De même, une réforme s’impose afin de préciser et de restreindre les conditions d’utilisation des armes à feu. Il est essentiel de renforcer l’encadrement et la formation des forces de l’ordre pour endiguer le flot des drames à répétition.

Enfin, les dispositions de l’article 435-1, 4° du CSI doivent être abrogées.

Le Syndicat des Avocats de France appelle le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour répondre à ces préoccupations pressantes. Il en va du respect des droits fondamentaux de chacun et chacune, pour éviter l’éternel recommencement.

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