Un rapport de l’OIT remet en cause une ordonnance Macron

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Le service juridique de la CGT commente le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui demande (après la saisine des syndicats CGT et FO) le réexamen de l’ordonnance Macron de 2017 visant à plafonner les indemnités de licenciement. Le but était de les rendre prévisibles pour l’employeur, indépendamment de la situation concrète des salariés-es sur laquelle la justice (ici le conseil des prudhommes) se place toujours pour ordonner un jugement. Bref un déni de justice.

OIT-DL N°173 - L'OIT au secours des salarié.es licencié.es-pages-1(2)

L’OIT (Organisation Internationale du Travail) au secours des salariés.es licenciés.es

 

  1. La possibilité de contester son licenciement justifié par le refus d’un APC (NDLR: accord de performance collective)

Selon l’article L. 2254-2 du Code du travail, un APC peut être signé pour répondre à 3 objectifs, qui doivent impérativement être définis dans son préambule :

  • Répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ;
  • Préserver l’emploi ;
  • Développer l’emploi.

Ces accords peuvent modifier le contrat de travail des salarié.es (durée et organisation du travail, rémunération, mobilité professionnelle ou géographique). Si les salarié.es refusent leur application, le Code du travail prévoit qu’iels seront licencié.es et que leur licenciement reposera « sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse » (article L. 2254-2).

La CGT s’est toujours fermement opposée à ce type d’accord, notamment en raison des conséquences terribles qu’ils peuvent avoir sur les salarié.es qui les refusent et qui se voient privé.es de la possibilité de contester leur licenciement, celui-ci étant présumé avoir une cause réelle et sérieuse par l’effet de la loi. C’est notamment sur ce point que nous avons contesté la conformité de ces accords à la convention OIT 158 qui prévoit, d’une part, que les licenciements doivent reposer sur un motif valable et, d’autre part, que les juges doivent pouvoir contrôler la réalité de ce motif.

 

Le rapport du comité de l’OIT sur ce point est très important car il ouvre une possibilité pour les salarié.es licencié.es dans le cadre d’un APC de contester leur licenciement ! Le comité considère en effet que le juge doit pouvoir procéder à un véritable contrôle judiciaire du caractère réel et sérieux du licenciement, ce qui suppose que le juge puisse apprécier si le motif du licenciement est fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise. Avec ce rapport, le comité ouvre donc la possibilité au juge prud’homal de contrôler la réalité du motif de recours à l’APC qui justifie le licenciement et de sanctionner le caractère fictif du motif ! Finissant de passer au crible de son contrôle le mécanisme mis en place par les APC, le comité rappelle que la charge de la preuve sur la justification ou non du licenciement ne doit pas reposer uniquement sur le ou la salarié.e.

 

Le comité enjoint donc le gouvernement de veiller au respect de la convention OIT 158 sur ces points. C’est alors aux défenseurs syndicaux et aux conseillers prud’hommes de se saisir de cette opportunité et de contester la justification des licenciements prononcés pour refus d’application d’un APC et de les juger injustifiés s’ils ne sont pas fondés sur les nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise.

 

  1. La possibilité de faire écarter le barème Macron

 

Depuis leur parution, la CGT n’a eu de cesse de marteler que le barème Macron encadrant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était contraire aux engagements internationaux de la France, notamment la convention OIT 158, en ce qu’il ne permet pas une indemnisation adéquate du préjudice subi par les salarié.es. La fronde menée par les conseils de prud’hommes et par certaines Cour d’appel était également menée devant le comité européen des droits sociaux, dont on attend d’ici peu l’avis, et l’OIT, dont le rapport enterre un peu plus le barème Macron.

 

Le comité rappelle que la conformité du barème dépend du fait que soit assurée une protection suffisante des salarié.es injustement licencié.es et que soit versée, dans tous les cas, une  indemnité adéquate. Sans expressément condamner le barème en tant que tel, le comité invite le gouvernement à assurer une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans la mesure où l’avis souligne que le juge doit pouvoir apprécier librement le préjudice, il suppose que le plafonnement ne saurait être qu’indicatif.

 

Le rapport du comité tombe à pic puisque la Cour de cassation a dû examiner la conformité du barème à la convention OIT 158 dans une audience fin mars, au cours de laquelle l’avocate générale s’est prononcée en en faveur d’un contrôle in concreto du barème, supposant que les juges devront vérifier au cas par cas si le barème a pu permettre une indemnisation adéquate du ou de la salarié.e. L’arrêt de la Cour de cassation est attendu le 11 mai, et nous avons bon espoir que sous la pression des juges du fond et de l’OIT, la Haute juridiction permette à son tour d’écarter le barème !

Ce rapport du comité peut d’ores et déjà être mobilisé par les militants pour faire valoir les droits des salarié.es auprès de leurs employeurs et devant les juridictions, puisque la convention OIT a été reconnu d’effet direct en France (voir notamment Cass. soc., 29 mars 2006, n°04-46499 ; Cass. soc., 1er juillet 2008, n°07-44124).

En pièce jointe, le rapport de l’OIT rendu en mars 2022.

Hélène Viart

Conseillère Confédérale Pôle DLAJ

 

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