L’Union syndicale Solidaires, la CGT, et le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) prennent position sur les féminicides et le « Grenelle » des violences conjugales annoncé par le gouvernement.
100 Féminicides de trop au 1er septembre 2019
Début juillet, elles étaient 75 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint… Au 1er septembre nous avons atteint le 100ème féminicide.
Demain, Marlène Shiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes entame le « Grenelle » des violences conjugales annoncé début juillet dernier. Y participeront, certaines associations (triées on ne sait sur quel critère), dont #NousToutes, invitée au dernier moment.
Selon nos informations, les syndicats n’ont pas été conviés, ce qui dénote d’un manque patent : la sphère professionnelle est aussi le lieu où existent les possibilités de détecter les violences, de protéger et d’autonomiser les femmes victimes. On pourrait ainsi mettre en place ou consolider notablement de vrais outils contre ces violences, à l’image des normes de l’Organisation Internationale du Travail récemment renforcées sur ces points.
Solidaires lutte depuis des années pour que les violences conjugales détectées sur le lieu de travail soient reconnues comme relevant de la responsabilité de l’employeur. Il est nécessaire d’apporter des réponses concrètes aux femmes victimes et de les protéger de toute sanction professionnelle ou licenciement :
Orientation vers des associations spécialisées, rôle du CSE ou du CHSCT, congés exceptionnels, aménagements horaires, et de postes, mutations facilitées etc.
Il est urgent de prendre des mesures concrètes, même si à l’image de la politique gouvernementale sur ces enjeux, on peut fortement craindre avec ce Grenelle, une opération de comm’ autour de quelques mesurettes !
Plus largement, les mesures à appliquer sont déjà connues : aucune plainte refusée et sans suite, ce qui veut dire, tenir compte de la parole des femmes ; des mesures de protection rapides ce qui veut dire, fin de l’impunité des agresseurs ; des places suffisantes en hébergement d’urgence dans tous les départements ; des fonds pour les associations qui accompagnent les femmes victimes…
Il faudra aussi un budget à la hauteur des ambitions, et nous réclamons comme d’autres organisations féministes un milliard pour financer toutes ces mesures !
Répétons le aussi, il faut s’attaquer au système patriarcal partout et constamment, dès l’école maternelle, dans la rue, dans les médias, dans les entreprises, au travail comme dans toutes les organisations collectives. C’est ce système qui « autorise » socialement ces conduites de dominations, de violences envers les femmes jusqu’à la mort de centaines d’entre elles chaque année. Luttons toutes et tous pour y mettre fin !
GRENELLE DES VIOLENCES CONJUGALES : LE MONDE DU TRAVAIL OUBLIÉ
S’agit-il d’un nouveau recul devant le patronat qui s’oppose à la prise en compte des violences conjugales au travail ?
Pourtant, les 230 000 femmes victimes de violences conjugales sont aussi des travailleuses. Bien souvent, pour échapper à leur conjoint violent, elles sont contraintes à la démission ou au licenciement. Pour garantir l’indépendance économique des femmes et leur permettre d’échapper aux phénomènes d’emprise, il est indispensable de sécuriser leur travail.
C’est ce que prévoit la dernière convention de l’Organisation Internationale du Travail, adoptée en juin dernier à Genève. La Confédération Syndicale Internationale a gagné, avec la CGT qui représentait les travailleuses et travailleurs français dans la négociation, que les violences conjugales y soient intégrées.
Alors que le gouvernement a annoncé la ratification de cette norme, la CGT l’interpelle : il est temps de renforcer la législation pour que la France rejoigne enfin les pays de référence au niveau international. Il s’agit, notamment, conformément à ce que prévoit la norme OIT, de mettre en place :
- des congés pour les victimes. La CGT revendique 10 jours de congés payés ;
- des aménagements du travail. La CGT propose, à l’instar de ce qui existe en Espagne, un droit à la mobilité géographique, fonctionnelle et à des modifications d’horaires, à la demande des victimes ;
- l’interdiction des licenciements des femmes victimes et l’allongement des délais de prescription des licenciements abusifs.
La question des féminicides est trop grave pour se régler par des campagnes de communication. Les solutions sont connues. Il faut, à l’image de ce qu’a fait le gouvernement espagnol, de :
- débloquer des moyens financiers et humains conséquents pour assurer une formation de tous les professionnel-le-s et un accueil des victimes dans tous les commissariats ou gendarmeries, dans les structures de soins, services de médecine légale et services sociaux ;
- et adopter une loi globale sécurisant le travail des victimes, leur garantissant ainsi qu’à leurs enfants un accompagnement social et sanitaire gratuit, un traitement judiciaire rapide de leurs plaintes et un éloignement immédiat de l’agresseur.
Les discours sans lendemain ne passent plus. Ce sont désormais 100 femmes qui sont mortes assassinées par leur conjoint ou ex conjoint depuis le début de l’année.
La CGT, avec les associations féministes, exige des mesures concrètes et financées et appelle d’ores et déjà les salarié-e-s à se mobiliser contre les violences sexistes et sexuelles à l’occasion de la journée mondiale contre les violences sexistes et sexuelles du 25 novembre prochain.
Montreuil, le 3 septembre 2019
Collectif national pour les droits des femmes
Ainsi, les premières mesures sont tombées pour contrer les violences au sein du couple avant même la réunion du Grenelle.
Nous pourrions nous féliciter d’une telle promptitude si nous ne savions pas que depuis l’annonce de ce Grenelle par Marlène Schiappa, (7 juillet 2019) 27 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex. Si ces mesures ne nécessitaient aucune discussion, il fallait les prendre d’emblée !
Venons en maintenant à ces propositions :
400 commissariats seront « audités » afin de déterminer s’il y a dysfonctionnement. Mais les féministes savent d’ores et déjà que certains commissariats ne prennent pas de plaintes ou seulement des mains courantes. La loi oblige à prendre les plaintes, nul besoin d’audit pour appliquer la loi.
Les 1000 places d’hébergement d’urgence prévues paraissent bien insuffisantes face aux 200 000 femmes victimes chaque année de violences conjugales.
La généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital ? Emmanuel Macron avait promis le 25 novembre 2017 de permettre les dépôts de plainte dans les centres d’hébergement. Où en est-on déjà de cette mesure avant de faire de nouvelles préconisations ?
Le bracelet électronique « antirapprochement » paraît être la mesure miracle, comme l’était à l’époque le « téléphone grave danger » qui bien souvent n’a jamais été attribué. L’efficacité de cet outil sera tributaire d’une ferme volonté politique d’éradiquer les violences au sein du couple.
La réforme de l’autorité parentale s’impose. Bien souvent en France, on fait prévaloir à tous prix les « liens du sang » alors que l’on sait que des violences terribles sont perpétrées au sein de la famille. Nous attendons de voir.
Enfin, les féministes réclament de longue date des pôles spécialisés violences ou des tribunaux spécialisés avec des compétences pénales et civiles. Que seront ces procureurs « référents » et ces chambres d’urgence ? Nulle part il n’est fait référence de l’état très difficile de la justice en France et des moyens dont elle a cruellement besoin.
Nulle part il n’est fait état non plus des difficultés qu’ont les femmes à déposer plainte, des nombreux non lieux et classements sans suite qui montre la difficulté de l’appareil judiciaire à recevoir la parole des victimes.
Nulle part, il n’a été fait état d’ailleurs du milliard d’euros nécessaire pour mener à bien une politique publique. Une vrai volonté politique se mesure aux crédits qui sont attribués.
On nous annonce des mesures de fond par la suite. Le Collectif National pour les Droits des Femmes, blacklisté du Grenelle, attend la suite avec scepticisme