A l’invitation de Solidaires, une journée syndicale de solidarité avec l’Ukraine s’est tenue le samedi 4 juin à Paris avec la participation (en visioconférence et dans la salle) d’une quarantaine de syndicalistes d’Ukraine, de Pologne (IP), de Belgique (CNE-CSC), d’Italie (ADL-COBAS), d’Espagne et de Catalogne (CCOO), de Suisse, du Brésil (CSP-Conlutas) et de France (Solidaires, FSU, CGT). En préparation : 4 heures pour l’Ukraine le 11 juin à la Bourse du travail de Paris.
ci-contre: convoi de solidarité à Lviv (Réseau syndical international de solidarité et de luttes)
Journée syndicale de solidarité avec l’Ukraine – 4 juin 2022 : compte-rendu
Date: 7 juin 2022
Article tiré du site : Arguments pour la lutte sociale. Author: aplutsoc20 Commentaires
A l’invitation de Solidaires, la journée syndicale de solidarité avec l’Ukraine s’est tenue le samedi 4 juin à Paris avec la participation (en visioconférence et dans la salle) d’une quarantaine de syndicalistes d’Ukraine, de Pologne (IP), de Belgique (CNE-CSC), d’Italie (ADL-COBAS), d’Espagne et de Catalogne (CCOO), de Suisse, du Brésil (CSP-Conlutas) et de France (Solidaires, FSU, CGT).
Les convois
Un compte rendu du premier convoi du réseau syndical international de solidarité et de luttes de retour de Lviv a rappelé l’importance des rencontres permises par cette première initiative. Ce premier convoi a permis de fructueux contacts avec des syndicalistes ukrainiens.
Un second convoi, ferroviaire celui-là, va être organisé par les 8 organisations syndicales françaises – cette unité est à souligner- sur la base des besoins recensés par les syndicalistes ukrainiens : médicaments, alimentation, hygiène…
La collecte de fonds permet de répondre le plus efficacement aux besoins qui surviennent.
Pour la CGT il est indiqué qu’environ 200 organisations ont effectué des dons et que des bases syndicales d’entreprise contribuent selon leur secteur : une camionnette, des médicaments…
Ce type de solidarité résulte souvent d’un mouvement spontané de sympathie pour la résistance des ukrainiens et ne nécessite pas de longs débats politiques. Un camarade de SUD Rail rappelle qu’au départ de l’initiative il y avait l’expérience du convoi destiné en son temps à la Tchétchénie. La demande de location gratuite de wagons de fret a été acceptée par la direction de la SNCF et un convoi ferroviaire de solidarité, partira de Villeneuve Saint Georges vers la frontière ukrainienne via la Roumanie, fin juin-début juillet. C’est une coopération intersyndicale historique qui permet l’organisation de ce convoi, en trouvant les entrepôts nécessaires, en organisant la logistique…
Du coté ukrainien la FPU (anciens syndicats officiels) et la KCPU (centrale indépendante présente notamment chez les mineurs et sidérurgistes de Krivyi Rhiv) ont permis d’identifier les besoins et la distribution sera finalisée sous leur contrôle.
Le cadrage politique de ces convois qui ont permis une unité syndicale large, repose sur une triple démarche :
- soutenir la résistance ukrainienne par une aide humanitaire,
- soutenir l’opposition à la guerre en Russie et au Belarus,
- soutenir les millions de migrants et de déplacés sans aucune discrimination.
100e journée de guerre
Zlata, une syndicaliste ukrainienne de la KCPU, non visible pour des raisons de sécurité (éviter sa localisation) nous rappelle qu’hier c’était le centième jour de la guerre déclenchée par Poutine. Cent jours de combats et de résistance et des jours de souffrance, des jours de crimes contre la population civile. Et chaque jour de barbarie qui compte pour plusieurs.
Elle nous demande de transmettre la parole des Ukrainiens autour de nous : « nous manquons d’armes, les armes promises arrivent peu, essayez de nous aider, vous ! On ne pourra arrêter ce génocide qu’ensemble, nous avons besoin de votre aide dès maintenant. »
Elle dénonce la position de Macron « qui ne veut pas humilier la Russie » Elle demande comment qualifier la position du président français « qui nous pousse vers un compromis, mais quel compromis, avec qui ? Le seul compromis c’est : Retirez vos assassins et partez de notre terre ».
Depuis Genève, un camarade de la CGT participant à la conférence de l’OIT, confirme ce double discours des chancelleries occidentales sur l’aide à l’Ukraine d’une part et leur besoin au nom de la real politik de ménager une porte de sortie pour Poutine. Il note qu’une sorte de « relativisme » est en train de s’étendre dans les organisations internationales qui fait passer au second plan la question de la guerre en Ukraine.
Dans de nombreux pays les camarades soulignent que les choix politiques qu’impose l’invasion russe de l’Ukraine sont souvent perçus comme « trop complexes pour qu’on puisse s’en mêler ». Cette réaction qui existe chez les militants français, comme chez les travailleurs belges ou dans le mouvement ouvrier en Amérique latine et chez les syndicalistes africains nécessite un important travail d’explications. Une mise en parallèle avec la situation de la Palestine est parfois utile.
Elle aide au questionnement : qui est l’agressé, qui est l’agresseur ? Faut-il soutenir une résistance dirigée par une petite bourgeoisie nationale radicalisée ?…
La question de l’annulation de la dette de l’Ukraine peut aussi débloquer le débat. Comme celle du soutien au mouvement anti- guerre en Russie et au Belarus.
Le courrier commun FSU, CGT, Solidaires pour exiger la libération des syndicalistes du BKDP emprisonnés par Loukachenko peut être utilisé pour aider des militants à sortir du campisme.
Les causes de la guerre demandent une analyse plus fine que le renvoi dos à dos de Poutine et de l’OTAN. Le régime de Poutine a été largement façonné pendant des années par les pays occidentaux et aujourd’hui il est déchiré de contradictions internes qui ont poussé à l’agression de l’Ukraine. Il n’y a de solution durable que celle de trois équations liées : paix en Ukraine, liberté au Belarus, liberté en Russie.
L’annulation de la dette ukrainienne doit avoir comme contrepartie le respect du droit du travail et l’abrogation des lois anti-ouvrières prises sous Zelensky.
Des armes ou pas ?
Plusieurs interventions témoignent de la difficulté de mener dans les syndicats le débat sur la question de la livraison d’armes à la résistance ukrainienne. Cela exprime parfois une crainte de diviser l’aspiration à la solidarité que les convois humanitaires réunissent. Le convoi syndical perçu comme aide concrète et compréhensible est présenté comme permettant dans une deuxième étape « d’apporter des choses plus politiques ». Le convoi permet aussi un compromis entre les besoins listés par les syndicalistes ukrainiens et nos réalités syndicales. La discussion sur les armes peut du point de vue de ces réalités syndicales sembler vaine, « car des armes, on n’en a pas ».
Il est aussi avancé que la question ne se poserait pas à nous, car les Etats Unis ont adopté la loi de 2022 sur le prêt-bail pour la défense de l’Ukraine (Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act of 2022). C’est un programme analogue à celui initialement mis en œuvre par les États-Unis, en mars 1941, pour fournir aux pays amis du matériel de guerre sans intervenir directement dans le conflit. Ce programme ne générerait théoriquement pas de coût supplémentaire pour l’Ukraine, qui à défaut de racheter les armements non utilisés après la guerre, pourrait les restituer. Nous devons dans ce cadre reconnaître le droit de l’Ukraine à se défendre sans pour autant fournir de prétexte à relancer ici la machine de guerre.
Un impératif toutefois est largement partagé : il faut porter la demande des Ukrainiens c’est un devoir de solidarité syndicale de respecter leurs priorités et de les populariser y compris si elles concernent la fourniture d’armements. Cela n’est pas considéré comme nécessairement incompatible avec la lutte contre le militarisme et pour la dissolution de l’OTAN, qui est évidemment un combat à mener selon un agenda approprié. Ce n’est pas aux syndicalistes du monde de dire aux syndicalistes ukrainiens de quoi ils ont besoin ni ce qu’ils doivent faire. L’envoi de l’aide et de l’aide financière en particulier leur donne la responsabilité de décider eux-mêmes des choix efficaces qui leur permettront aussi de renforcer leur influence locale.
Pour relayer et expliquer les positions des syndicalistes d’Ukraine sur la question des armes, un support utile serait l’édition d’une brochure à l’intention des militants plus ou moins gravement intoxiqués par la propagande assimilant les Ukrainiens à des nazis. Un support syndical expliquant ce qu’est l’impérialisme russe, terriblement destructeur du fait de sa faiblesse. Ce serait aussi un outil pour expliquer ce qu’est le « campisme » aujourd’hui. Nous sommes confrontés à un campisme qui n’est pas seulement un reliquat du passé mais un ralliement actuel aux camps de l’ordre impérialiste mondial. C’est terrible de de constater qu’en Amérique latine en Afrique où ailleurs nombre de militants et d’organisations mettent plus qu’un doigt dans la défense d’un ordre totalement barbare.
Des articles de syndicalistes de chaque pays pourraient développer des thématiques spécifiques, il est important de développer la solidarité féministe envers les réfugiées. Celles qui sont confrontées aux violences des réseaux de prostitution ou au problème de l’avortement en Pologne, notamment pour les Ukrainiennes victimes de viols.
Prochainement :
L’idée d’une brochure pédagogique en soutien du débat politique est retenue et plus généralement les initiatives pour tisser et renforcer les liens des syndicats en solidarité avec l’Ukraine .
Un communiqué sur le convoi ferroviaire intersyndical sera publié dans la première quinzaine de juin.
L’appel à participer nombreux aux « 4 heures avec l’Ukraine » le dimanche 11 juin à la Bourse du travail de Paris sera relayé par les syndicalistes.