L’activité internationale de la CGT et sa participation à la CSI

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L’article ci-dessous est publié sur le site de la FILPAC CGT (fédérations industries graphiques, du livre et de la communication). Il reproduit le bulletin d’informations du secteur international de la CGT, et notamment un compte rendu du dernier congrès de la Confédération syndicale internationale (CSI).

Espace international de la Cgt

Activités internationales n°32

20 février 2019

 

LE MULTILATÉRALISME : L’AVENIR DU SYNDICALISME

Ce numéro rend compte du congrès de la CSI qui s’est déroulé début décembre 2018 à Copenhague, au Danemark. Si la CGT s’est investie dans sa préparation et les débats, c’est parce qu’il est évident que seule une alliance internationale aussi large que possible a les moyens de peser sur la marche du monde.

À l’heure où les attaques des Trump, Poutine et Jinping contre les traités internationaux et plus largement contre l’ONU et ses organisations, commencent à ébranler le système multilatéral, il est clair que seul ce cadre-là permettra de régler pacifiquement les grandes questions auxquelles l’humanité fait face : le changement climatique et le sort des travailleurs dans cette transition, la régulation des grandes entreprises transnationales, la fiscalité et la lutte contre l’évasion, les migrations, le commerce international.

Tous ces thèmes ne relèvent plus de la seule compétence d’un État ou d’un syndicat national. C’est dans la négociation et la lutte que nous pourrons juguler les volontés du patronat de faire profit de tout… et contre tous.

Nos organisations internationales sont imparfaites, mais capables d’évoluer. Ceci est vrai pour les organisations syndicales internationales comme pour les organisations du système onusien. À Copenhague, la CGT a porté, avec d’autres, une proposition qui a remporté 48 % des votes : ce n’est pas encore gagné, mais la voie est définitivement ouverte ! Maintenant, il nous faut œuvrer pour transformer cet essai, et faire entendre notre point de vue dans les débats tout au long du mandat qui vient de commencer.

Déjà, la proposition de la CGT d’organiser une première manifestation syndicale internationale à Genève au mois de juin 2019, à l’occasion de la Conférence internationale du travail de l’OIT, a été adoptée largement par le congrès de la CSI. Cette manifestation doit être l’occasion pour nous de marquer nos attentes vis-à-vis de l’avenir de l’OIT : ce sont les règles internationales, applicables partout et opposables aux entreprises, dont nous avons besoin. Des lois et garanties au niveau national, c’est bien, mais si les règles sont différentes ailleurs, voire moins avantageuses, cela incite le patronat à faire jouer la concurrence entre travailleurs. Nous appelons cela le dumping social. C’est précisément pour lutter contre cela que nous sommes internationalistes. Il faudra probablement aller plus loin : la négociation collective doit devenir transnationale et la question du salaire égal à travail égal doit dépasser les frontières aussi.

Pour donner du poids à nos revendications, en revanche, c’est toujours la même condition qui se pose : le rapport de force et la syndicalisation, là où les travailleurs se trouvent : dans les bureaux et ateliers.

Wolf Jäcklein

 

 

4e congrès mondial de la CSI

  Début décembre 2018, la délégation de la CGT, conduite par Philippe Martinez et composée de Frédéric Imbrecht, Denis Schnabel, Stéphane Le Roux, Valérie Petit Lesage, Alexandra Meynard, Sophie Trochet et Véronique Martin, a assisté à une semaine de débats, votes et élections au congrès de la CSI.

 Dès l’ouverture des débats, Joao Fe- licio1, président sortant de la CSI, a donné le ton : « L’exploitation par le ca- pital, faisant fi des différences d’âge, de sexe ou d’origine ethnique, touche toute la classe ouvrière. Que répondons-nous quand les droits fondamentaux comme la santé et la sécurité au travail, les congés payés, les congés de maternité ou le droit d’association sont remis en cause, sous prétexte d’une soi-disant “modernisation” qui ne fait qu’augmen- ter la concentration des richesses? Que disons-nous quand le désespoir amène chaque année 45 000 chômeurs à perdre leur propre vie […] ? Quand un cinquième des suicides est la conséquence d’un li- cenciement ? »

Le projet de document d’orientation, débattu au préalable dans les organisations affiliées, mettait ces thèmes en débat pour les congressistes :

  • reréguler l’économie mondialisée, et en particulier imposer des règles aux firmes transnationales;
  • garantir une transition juste aux travailleurs dont le travail est affecté par le changement climatique;
  • assurer l’égalité professionnelle entre femmes et hommes;
  • renforcer et défendre les institutions multilatérales pour garantir la démocratie et la paix, en intégrant la garantie des droits des

Apprendre les uns des autres

À l’échelle mondiale, et cela est devenu tangible pour les camarades de la délégation CGT lors de nombreuses rencontres bilatérales, le travailleur qui a un contrat d’emploi est plutôt l’exception. Pour la CSI, le défi est clairement la créa- tion de droits, protections et garanties pour des travailleurs qui ont juste un travail, mais ni contrat, ni protection, ni Sécurité sociale.

Les échanges entre organisations des pays développés (Europe et Amérique du Nord pour l’essentiel) et les pays en développement portent ainsi pour une bonne partie sur les façons d’apprendre les uns des autres. Quand les syndicats d’Afrique réussissent à syndiquer des travailleurs « informels » en grand nombre, les orga- nisations occidentales, très ancrées dans les grandes entreprises, ont encore du mal à approcher et organiser les travailleurs – de plus en plus nombreux – qu’on désigne parfois avec la fiction d’« auto-employeurs ». Le besoin d’échange et d’apprentissage mutuel va clairement dans les deux sens. Ce sont ces questions-là qui devront être au centre de la démarche de la CSI pour les années à venir.

Ainsi, à la différence des congrès précédents, les délégués avaient à choisir entre deux variantes de démarche syndicale. D’un côté, une démarche plus portée sur les campagnes médiatiques, et le plaidoyer auprès des gouvernements et institutions internationales. Ce courant est incarné par Sharan Burrow2, secrétaire générale sortante, qui se représentait pour un troisième mandat, avec la proposition de poursuivre cette voie qui avait déjà été la sienne depuis le congrès de Vancouver (2012). Les syndicats de tradition scandinave et anglo-saxonne (à l’exception notable du Canada) partagent cette conception.

Face à elle s’était constitué – un peu tardivement – un groupe de syndicats, bien implantés dans les pays du sud, l’Afrique, l’Amérique du Sud, bon nombre de pays d’Asie du sud-est et du monde latin en Europe. Ils défendaient l’idée d’un syndicalisme d’action, d’engagement auprès des travailleurs et dans les ateliers et usines. La question du rapport de force et de la solidarité pratique entre travailleurs de différentes parties du monde était au centre de leur démarche. La CGT faisait partie active de ce courant-là. Susanna Camusso, secrétaire générale de la CGIL italienne, en fin de son deuxième et dernier mandat, s’était mise à disposition pour porter ces idées en tant que candidate pour le secrétariat général de la CSI.

Des débats fraternels et constructifs

Au fond, les deux groupes sont d’accord sur le fait qu’au niveau mondial, compte tenu des différences de développement et de la diversité des problèmes auxquels font face les travailleurs, seule la combinaison des deux stratégies – campagne médiatique et lobbying, mais aussi action syndicale et mobilisation – était à même de créer des synergies et faire avancer la cause des travailleurs. La responsabilité particulière du syndicalisme repose sur la prise en compte de la dimension collective et la création du rapport de force qui permettra de peser. L’incarnation par deux candidates concurrentes donnait au débat une plasticité supplémentaire et pouvait laisser croire qu’il s’agissait d’un affrontement de deux propositions diamétralement opposées. Cela n’était clairement pas le cas. Le syndicalisme mondial doit ras- sembler toutes ses forces et dépasser une dialectique stérile entre « syndicalisme d’action et de combat » et « syndicalisme de lobby ». Ce sont en réalité deux temps, deux modalités qui agissent ensemble et se nourrissent mutuellement. Le capitalisme œuvre partout avec la même avidité, il faut s’opposer à lui dans les entreprises, dans les ateliers, dans la rue, tout en menant des campagnes dont la résonance via les modes de communication moderne peut accélérer et renverser le rapport de force en faveur des travailleurs.

Au cours du congrès, dans les couloirs, dans les rencontres bilatérales, les adeptes de chacune des deux propositions ont largement eu l’occasion d’expliquer, échanger, confronter et débattre de leurs propositions. De nombreuses organisations, géographiquement éloignées ou disposant de moyens réduits pour suivre activement l’actualité du secrétariat de la CSI à Bruxelles, ont utilisé  l’opportunité  de la présence simultanée de 1 200 délégués venant de 130 pays différents pour prendre part à ces échanges et faire entendre leur voix.

Aussi, les débats du congrès ont été animés, parfois houleux, mais toujours fraternels et constructifs.

À la marge du débat plénier, plusieurs initiatives ont été organisées par les membres de la CSI. Ainsi, la CGT a gagné la reconnaissance des congressistes par un débat sur la Palestine, qu’elle avait organisé avec plusieurs partenaires.

Une déclaration de bienvenue aux migrants

Le congrès a notamment publié une déclaration de bienvenue aux migrants.

« Le mouvement syndical international est solidaire des 68 millions de réfugiés dans le monde. […] Les délégués syndicaux du monde entier ont manifesté leur soutien à l’égalité de traitement pour les réfugiés et les migrants afin d’éviter leur exploitation. » Sharan Burrow a précisé à cette occasion: « Les syndicats prennent position contre le racisme et la xénophobie, et soutiennent les migrants et les réfugiés. Nous promouvons la protection sociale universelle, des salaires minimums vitaux et la négociation collective comme outils d’une prospérité partagée et de l’inclusion. La solidarité est au cœur du mouvement syndical. Nous faisons front commun contre les forces qui poussent les personnes à quitter leur foyer. Marginaliser davantage les plus vulnérables du monde ne peut être la solution. Les réfugiés sont les bienvenus sur nos lieux de travail et dans nos communautés, et nous réclamons la garantie de l’égalité de traitement, y compris la pleine protection et l’ensemble des droits conformément à la législation du travail. » L’élection de la nouvelle secrétaire générale a eu lieu le mercredi, et a donné de justesse Sharan Burrow gagnante avec 52 % des voix, contre 48 % pour Susanna Camusso, qui a immédiatement accepté le vote et a félicité sa concurrente.

Pour entamer le travail de synthèse entre les deux propositions, Victor Baez, anciennement secrétaire général de l’organisation continentale des Amériques de la CSI, a intégré le secrétariat élu de la CSI, à côté de Owen Tudor (Britannique, du TUC) et Mamadou Diallo (Sénégal, sortant). Il leur revient de définir la façon d’intégrer les deux dimensions du travail syndical au niveau mondial, incarnées par les deux candidates.

En soulignant l’importance de rester tourné vers l’action syndicale, Philippe Martinez, dans son intervention devant le congrès, a défendu l’amendement proposé par la CGT et soutenu par de nombreuses organisations: « Pour reconquérir l’OIT, la CSI doit inviter l’ensemble des travailleurs du monde à participer, pour la conférence du centenaire, à une manifestation internationale en défense d’une OIT au service du progrès et de la justice sociale. Avec l’appui logistique des organisations syndicales des pays riverains de Genève et la participation du plus grand nombre de délégations à la CIT, une telle manifestation serait une première mondiale. » Le congrès a adopté cette initiative qui aura lieu à Genève à la mi-juin 2019.

Alexandra Meynard (FAPT) a insisté devant la plénière sur les inégalités dont  les femmes sont les premières victimes: « Encore aujourd’hui, les femmes effectuent la majeure partie du travail domestique et de soins, donc du travail non comptabilisé dans l’économie, du travail précaire, du travail informel ou encore du travail à temps partiel imposé.

Ainsi en Europe, 32 % des femmes travaillent à temps partiel, pour 8 % des hommes, et les écarts salariaux demeurent importants. Pourtant, en 2015, les femmes effectuent deux tiers du nombre d’heures de travail global, alors qu’elles ne gagnent que 10 % du revenu total, selon la Banque mondiale. Elles constituent 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour. »

Meilleure coordination syndicale à l’OIT

De nombreuses interventions à la tribune de la plénière ont appelé la CSI à la défense de l’OIT à travers une meilleure coordination des membres syndicalistes du conseil d’administration. Son rôle dans la définition des normes internationales est primordial dans la lutte contre le dumping social.

À la présidence de la CSI a été élu le Nigérien Ayuba Wabba, président du NLC qui a pris ses fonctions dès la réunion du conseil général du jeudi soir. Il a vivement remercié João Felício, son prédécesseur. Fort de ce succès, bien que minoritaire dans le résultat du scrutin, le groupe constitué autour de la candidature de Susanna Camusso compte faire entendre sa voix et sa sensibilité et aller plus loin dans le débat, en particulier bilatéral, pour contribuer à une CSI plus forte et plus en lien avec les besoins des travailleurs du monde entier. L’ampleur de l’alliance, l’expérience de la préparation commune du congrès et la légitimité de presque la moitié des membres de la CSI lui donnent le poids désormais d’être entendu dans l’organisation.

WJ

 

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