Le Réseau éco-syndicaliste qui s’est construit en 2021 par un texte que nous avons publié (lire ici: https://wp.me/p6Uf5o-4lL) et signé par environ 150 syndicalistes de toutes organisations, a travaillé sur le rapport entre retraites et écologie.
Avant-propos des auteurs-trices : « Ce texte de débat du Réseau éco syndicaliste n’est pas un décryptage de la réforme des retraites. Il ne rentre donc pas dans le détail de cette contre-réforme largement décrite dans les documents des différentes confédérations. Il cherche à donner des arguments aux équipes syndicales et aux militants écologistes pour éclairer les liens entre retraite et écologie. Pour contacter le Réseau éco syndicaliste, pour tout renseignement ou signature de l’Appel du Réseau : eco-syndicalistes@riseup.net ou Réseau éco-syndicaliste, EDMP, 8 Impasse Crozatier 75012 PARIS »
La réforme des retraites contre l’écologie
1° `La contre-réforme des retraites est une arme contre la réduction du temps de travail : Le temps de retraite, c’est la conquête de temps libre !
Le refus de l’allongement de la durée de cotisation et de l’abandon d’un âge de référence pour partir à la retraite s’inscrit dans un combat séculaire pour la réduction du temps de travail (RTT), à la journée au XIXe siècle, à la semaine, à l’année et sur l’ensemble de la vie active au XXe. La RTT fut toujours et reste une manière de répartir les gains de productivité du travail pour donner du temps libre aux individus et, par conséquent, d’infléchir la répartition de la richesse en faveur des travailleurs. C’est d’ailleurs la raison essentielle de l’opposition irréductible du patronat à toute RTT. Il s’agit bien du combat entre l’asservissement au travail forcé toujours plus longtemps et l’émancipation.
Cette réforme des retraites repose sur un logiciel productiviste. Travailler plus pour cotiser plus, produire plus, consommer plus… alors que de nombreuses études montrent qu’une façon de réduire nos émissions de gaz à effet de serre serait de réduire le temps de travail. Une retraite tôt, tout comme la semaine de quatre jours et les 32 heures, c’est plus de temps pour des mobilités lentes, une consommation moins compressée, de l’engagement associatif. C’est la possibilité d’une société plus solidaire et attentive à l’autre, dans un rapport plus équilibré à la planète.
Ce n’est pas en travaillant plus qu’on résoudra nos problèmes. Au contraire, Il faut pouvoir se libérer du travail, Le projet écologique est un projet civilisationnel qui repose sur l’accroissement de l’espérance de vie en bonne santé. Le partage du temps de travail, c’est une réduction globale du temps de travail qui rapproche les préoccupations écologiques et sociales. C’est travailler moins pour pouvoir travailler mieux et tous. Face à la crise écologique, n’est-il pas temps de recentrer le travail sur la production de choses essentielles à la vie ? Et de diminuer le temps de travail global pour favoriser l’autoproduction — cuisine, couture, réparations diverses… — et l’engagement populaire dans des activités bénéfiques, entre autres, à l’environnement — jardinage, soin de la biodiversité, soutien à des projets collectifs, etc. ? De nombreuses études montrent que diminuer le temps de travail, ne serait-ce que d’un jour par semaine, serait beaucoup plus bénéfique à la réduction des gaz à effet de serre que n’importe quelle autre mesure, et aurait des effets plus rapides et sûrs que d’attendre la décarbonation de tous les secteurs d’activité. EN 2013 des chercheurs américains avaient montré, à partir de l’analyse d’un panel de 27 pays de l’OCDE, qu’une réduction du temps de travail de 10% pourrait diminuer l’empreinte carbone de 14,6 %. En 2015, une étude suédoise évaluait à 0,8 % la baisse d’émissions à effet de serre rendue possible grâce à une RTT de 1%. EN 2021, l’enquête Stop The Clock, réalisée par le mouvement écologiste Platform London suggérait qu’avec la semaine de 4 jours, une diminution de l’empreinte carbone pourrait aller jusqu’à 21, 3 %. Cette diminution du temps de travail doit pour optimiser ses conséquences sur la transition énergétique aller de pair avec le changement des structures, du contenu de la production et d’une autre répartition des richesses. Comme le montrait le rapport d’Oxfam, il suffirait de taxer de 2% la richesse de 42 milliardaires français pour financer le « déficit » des retraites.
2°La contre-réforme des retraites aggrave les inégalités environnementales entre les salariés et fragilise les plus vulnérables face aux crises écologiques
Associations et collectifs du combat climatique ont appelé à manifester le 19 janvier. Ce n‘est pas un hasard. Dans un monde avec plus de 100 jours de canicule à 50°C la question de la fin de vie va rapidement devenir critique. Jusqu’à quel âge pouvons-nous travailler dans ces conditions ? Quel intérêt de vivre une retraite dans ces conditions ? Ceci n’est qu’un exemple des conséquences du changement climatique. Les débats sur les retraites doivent intégrer les questions écologiques du monde dans lequel nous vivrons. Ce n’est pas un sujet abstrait : dans les métiers à forte pénibilité, l’allongement de la durée de cotisation se fera ressentir beaucoup plus qu’ailleurs. Quand on a 60 ans et que l’on est employé dans le bâtiment ou en agriculture, avec la hausse des températures actuelle et la multiplication des sécheresses, on connaît déjà des conditions de travail extrêmes. Cette contre -réforme c’est la double peine pour ces travailleurs qui devront subir les conséquences du dérèglement climatique en travaillant plus longtemps. Dans les années à venir, les inégalités, qui pèsent déjà sur ces métiers souvent précaires, ne feront que s’accroître vis-à-vis des métiers s’exerçant dans des bureaux climatisés. Et pour les femmes c’est même la triple peine, elles qui subissent les inégalités salariales, la double journée de travail et perdront avec cette contre- réforme encore plus que les hommes. Par exemple, celles nées en 1972 travailleraient 9 mois de plus contre 5 pour les hommes.
La crise climatique affecte davantage les personnes âgées : les trois canicules de l’été ont fait plus de 2 800 morts en France. Fragiliser la santé de ces personnes en leur demandant de puiser plus longtemps dans leurs ressources physiques, jusqu’à 65, voire 67 ans, sachant que la santé de ces personnes va être de plus en plus mise à rude épreuve par les pollutions, canicules et autres épidémies, c’est s’asseoir sur le principe de solidarité entre générations, socle de la protection sociale. Ces économies seront faites au prix d’une retraite en moins bonne santé́ : on parle de travailler jusqu’à 65 ans, voire 67 ans, alors que l’espérance de vie en bonne santé n’est déjà̀ que de 66 ans pour les femmes et 64 ans pour les hommes, et que les conditions de vie au travail en sont souvent la cause. Cette réforme amorce donc une grande régression sur le plan sanitaire car ce sont les plus fragiles qui sont le plus victime du dérèglement climatique et des crises écologiques.
3° La contre-réforme des retraites combat la santé publique et notamment la santé environnementale
Un des facteurs qui fait qu’aujourd’hui les dépenses de santé augmentent, ce sont les maladies chroniques liées à la dégradation de l’environnement. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les facteurs environnementaux sont responsables de près de 20% de la mortalité en Europe.Nous savons aujourd’hui de manière largement documentée que les environnements toxiques dans lesquels nous évoluons en ville et à la campagne sont pathogènes : mauvaise qualité de l’air, bruit ; dégradation progressive des ressources et de la qualité de l’eau ; aliments ultra-transformés ; perturbateurs endocriniens ; métaux lourds ; produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) ; hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Or cette réforme injuste se situe dans la lignée de celles du Code du travail en 2018 et de la loi sur la Fonction Publique qui ont détruit les CHSCT et donc la prévention des risques en matière de santé publique et environnementale. La médecine du travail connaît en France un puissant déclin : le nombre de praticiens a chuté de 16 % entre 2015 et 2021. La suppression des CHSCT a t entraîné un recul de la santé au travail. Presque 75 % des salariés étaient couverts par une instance dédiée à ces sujets en 2017, ils ne sont plus que 41 % aujourd’hui. En 2017, quatre facteurs de pénibilité, charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques ont été retirés du calcul du compte pénibilité, le terme ayant été remplacé dans le même temps par l’expression « facteurs de risques professionnels ». Aujourd’hui, l’une des professions qui a le plus de cancers liés aux produits chimiques, ce sont les femmes de ménage. Ces éléments d’exposition devraient être pris en compte parmi les critères de pénibilité. Cette (non) prise en compte de la pénibilité demeure un point aveugle du projet du gouvernement. Liée à la crise du recrutement dans les hôpitaux, notamment chez les aides-soignantes et les infirmières, impactées directement par la contre-réforme des retraites, cette dernière aggrave la crise de la santé publique.
4° La contre – réforme des retraites s’oppose à une conception humaine, écologique et durable du travail : travailler mieux, moins, toutes et tous.
La qualité et le sens du travail sont au centre de cette contre-réforme. Prendre en compte l’humanisation des conditions de travail, refuser la souffrance au travail, augmenter les salaires de celles et ceux qui subissent le plus, c’est gagner du temps de vivre. Les étudiant.es d’Agro paris tech l’ont montré en appelant à la bifurcation écologique, à la désertion des entreprises prédatrices de l’agro- alimentaire. Iels ont été suivis par des centaines d’étudiant.es ingénieur.es qui mettent en question le sens du travail. Ces « bifurqueurs -ses» refusent de participer au système extractiviste, productiviste, travailliste. Ils souhaitent avant tout redonner du sens à leur travail, c’est à dire à une activité par laquelle la personne engage son corps et son esprit en mobilisant son savoir-faire, son intelligence, sa créativité. Ce faisant iels refusent de collaborer à ce système que Serge Latouche appelle « la banalité du mal économique », celle qui fait de chacun de nous des rouages dociles et zélés de ce système socio-économique de destruction massive du vivant que constitue l’ordre capitaliste. Les finalités du travail, son organisation, sa durée tout au long de la vie, sont des questions au cœur de l’affrontement capital/travail. Pour le capital, le travail reste appréhendé comme un coût qu’il faut constamment réduire afin de maximiser toujours plus les profits. Pour les capitalistes et leur gouvernement, dès lors qu’il est à l’origine de la production des richesses et de la valeur ajoutée produite, le temps passé au travail aurait par ailleurs vocation à être sans cesse augmenté par différents leviers dont celui des retraites. C’est pourquoi la défense des retraites ne peut faire l’économie d’un volet de solidarité intergénérationnelle, celui de la préservation des conditions de vie futures. Cette contre-réforme va amplifier cette tendance : au lieu de permettre de réfléchir au sens du travail, elle va au contraire obliger des centaines de milliers de salariés à se soumettre aux injonctions des patrons qui les obligeront à produire n’importe quoi, n’importe comment pour arriver cassés à l’âge de la retraite. Ils et elles ne le sont pas seulement par la pénibilité physique de leur travail mais aussi de plus en plus par la charge mentale que celui-ci suppose, la numérisation du travail ayant accéléré cette dépendance. Ce qui est en cause c’est le fait de perdre sa vie à la gagner.
5° La retraite par répartition est un bien commun au même titre que l’air, l’eau, la terre, l’éducation ou la culture.
Le droit à la retraite découle du respect de la dignité et de l’égalité entre les personnes. Le marché veut s’emparer des services publics qui assurent ce droit comme ceux liés à la santé et entend les privatiser. Une des conditions, c’est de considérer la santé, la retraite, la vieillesse, comme des « marchandises » qui doivent générer des profits substantiels. Le droit à la retraite concrétise l’aboutissement des luttes sociales du XXe siècle, menées en faveur de l’aménagement des différents temps de la vie : éducation, travail, congés, retraite…C’est un droit que l’on crée par son travail : une part du salaire est versée sous forme de cotisations. C’est un droit que l’on partage : chaque génération finance la pension des précédentes. En cela, il constitue un véritable enjeu de société, un bien social commun. Le système par répartition est un système conçu pour que la question de la prise en charge du vieillissement échappe à la sphère privée. Il vise à autonomiser les personnes trop âgées de toute dépendance à l’égard des solidarités familiales, et invente contre cette logique de la dépendance privée un système collectif de solidarité intergénérationnel et intra salarial. Dans son article 24 la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, elle explicite que « Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques. ». Un bien est commun lorsque, en raison de l’intérêt général, il appartient à tous. S’agissant d’un droit, chacun est donc porteur d’une créance qu’il peut exiger légitimement. L’accessibilité égalitaire à la retraite constitue donc un élément intrinsèque de droit fondamental. Par-là, on voit que la retraite est un bien commun puisqu’elle doit être accessible à toutes et tous. En pratique, seul l’État, en tant que responsable premier du bien commun et de la justice distributive, est capable d’assurer cette accessibilité à tous et en toute égalité, grâce aux impôts, aux taxes et aux cotisations sociales (dont il assure une partie de la collecte), qu’il perçoit des citoyens, des salariés et des entreprises. La contre-réforme Macron s’attaque à ce bien commun en attaquant frontalement la retraite par répartition qui s’oppose à la capitalisation et donc à la privatisation de la retraite. Défendre notre bien commun à la retraite c’est défendre le droit à la vie et au vivant.
6° La contre-réforme des retraites relance le productivisme et la course à la croissance.
Ce projet porte un choix de société à l’exact opposé de ceux qu’impose l’état d’urgence climatique. Cette réforme se base sur la chimère d’une croissance économique toujours plus importante, synonyme de destruction de la biodiversité et d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. L’obsession pour un PIB en perpétuelle progression va à l’encontre des limites planétaires, qui pour nombre d’entre elles, sont déjà dépassées. Il faut s’interroger sur ce que l’on doit produire, réorienter radicalement l’économie pour satisfaire en priorité les besoins sociaux, et engager vraiment la transition écologique : éliminer les produits néfastes et se concentrer sur une production utile. Il y a là de vrais besoins, et des emplois pour tout le monde. Plus nous faisons croître notre économie, plus nous consommons, plus nous faisons pression sur les ressources naturelles et les écosystèmes, plus augmentent les pollutions environnementales et le réchauffement climatique et ses effets de plus en plus catastrophiques. Les politiques néolibérales ignorent donc complètement les réalités physiques de notre monde. En bloquant les dépenses de retraite à 14% du PIB, ce qui semble une simple mesure financière, le gouvernement met face à face deux victimes : retraités et écologie. Soit il n’y pas de croissance et pas de retraites, soit la croissance permet juste de financer les retraites, en détruisant l’environnement et le monde de demain. On retrouve là la ficelle du néolibéralisme qui inspire cette réforme : opposer social et écologie ou après le célèbre « fin du mois et fin du monde », un nouveau « fin de vie et fin du monde ». Si le gouvernement et le néolibéralisme opposent social et écologie, c’est qu’ils ne veulent ni de l’un, ni de l’autre, mais que tout profite à l’économie et la finance. Alors qu’en fait l’impératif est de Produire des richesses et des valeurs économiques autrement, sans croissance quantitative, en réduisant la part du futile au bénéfice de l’utile, avec une progression de la qualité et de la durabilité, sources de valeur ajoutée et d’emplois. Une société de plein emploi sans croissance des quantités est possible en combinant montée en durabilité, partage du travail et réduction des inégalités.
7° Ce n’est pas sur la contre-réforme des retraites qu’il faut compter pour financer la transition écologique.
Le gouvernement dans un premier temps ne s’en est pas caché, la réforme devait servir à faire des économies, jusqu’à 33 milliards d’euros à l’horizon 2035. À quoi serviront ces économies ? le gouvernement avance l’argument du financement de la transition écologique. En 2021, le think tank I4CE estime que les « dépenses défavorables au climat » (parmi lesquelles, la non-taxation du kérosène des avions et du fioul maritime, les remises de TVA sur le diesel des poids lourds, la TVA réduite sur les billets d’avion…) représentent près de 20 milliards d’euros par an. A eux seuls, la remise à la pompe et le bouclier tarifaire sur l’énergie ont coûté 110 milliards en 2022. L’accès des ménages au chauffage, au transport et à l’électricité est un droit, mais verser de l’argent aux plus grosses entreprises pollueuses et réglementer ainsi les marchés de gros (électricité, gaz, pétrole) est un choix politique. S’il faut faire des économies, ce serait possible dès à présent, notamment par un projet rectificatif, non pas de notre système de protection sociale, mais de la loi de finance du gouvernement (adoptée par 49.3 fin 2022), qui récupère le fric sans précédent prévu pour l’armée et les industries « de défense », dont l’impact écologique est considérable, par la fin des exonérations, et une fiscalité plus juste imposant tous le revenus et par exemple par la mise en place d’un « impôt sur la fortune climatique » qui a déjà été demandé et chiffré par la société́ civile (Convention Citoyenne pour le Climat, Oxfam, Greenpeace).
8° la contre-réforme des retraites encourage la capitalisation par les fonds de pension qui investissent dans les énergies carbonées.
Le véritable objectif des réformes des retraites depuis 1993 est d’ouvrir la voie à la capitalisation et de baisser les dépenses publiques, conformément au dogme libéral. Car les cotisations des salarié·e·s, qui vont directement payer les pensions de retraite, représentent une somme importante qui échappe aux marchés financiers. Les réformes successives n’ont donc cessé de durcir les conditions d’accès aux pensions, entraînant une baisse de leur niveau. Celles et ceux qui le peuvent sont ainsi fortement incités à compléter leur retraite par une épargne individuelle. Cette contre-réforme incite les travailleurs en activité à se tourner vers les systèmes privés de protection sociale dont les actifs sont rarement vertueux. Ces fonds de pension et assurances privées proposent aux travailleurs d’épargner pour leur propre retraite. Leurs cotisations font alors l’objet de placements financiers ou immobiliers. Selon une enquête menée en 2018, plus de 60 % des 100 plus grands fonds de pension publics au monde ne prennent pas ou quasiment pas en compte le climat. En tout, ils auraient investi moins de 1 % de leurs actifs cumulés dans la transition bas carbone, et seuls 10 % d’entre eux ont établi des politiques qui excluent le charbon de leur portefeuille d’investissement. Des pensions plus faibles ne manqueront pas d’inciter ceux qui le peuvent à privilégier l’épargne-retraite, ou retraite par capitalisation. Avec ce système, chaque euro cotisé dans le système d’épargne-retraite est investi sur les marchés financiers, censés faire fructifier l’argent des retraites individuelles.
Mais cet argent est investi dans les pires secteurs de l’économie : le pétrole, le gaz, en particulier mais aussi dans le foncier et le logement spéculatif. Par exemple, le financier BlackRock, qui gère plus de 4500 milliards d’euros en épargne-retraite est un investisseur majeur dans les énergies fossiles, et même la première entreprise à investir dans ce secteur en Afrique, et ce malgré des « engagements climat ».
9° La contre-réforme des retraitess’inscrit dans l’individualisation et le démantèlement de l’état social, contre une société d’entraide
Depuis des décennies, l’État s’acharne à démanteler les conquêtes obtenues par les luttes menées à l’époque du Front populaire et du CNR issu de la résistance. Sarkozy, Hollande et Macron ont été parmi les plus acharnés. Macron, en particulier, en détruisant le code du travail a détruit les CHSCT et a affaibli la santé environnementale
Nous devons- repenser la protection sociale sur d’autres bases démocratiques, populaires et écologiques. Travailler moins n’est donc pas un rêve de « fainéants », mais une urgence écologique, afin non seulement de réduire les émissions de GES mais aussi de resserrer les liens sociaux, de retrouver un peu d’autonomie et de trouver le temps et l’espace pour adapter nos modes de vie à ce qui nous attend. Dès les origines, l’histoire de la protection sociale est celle de communautés de personnes qui se sont prises en main, organisées et autogérées pour permettre à leurs membres de s’offrir mutuellement entraide et sécurité, à travers des sociétés de secours populaire d’abord, puis de secours mutuel. La protection sociale s’est ensuite renforcée au cours des Trente Glorieuses (1945-1975), mais sur la base d’une exploitation sans limites de la nature et des autres peuples — c’est l’enrichissement général lié à la croissance qui a permis l’augmentation des cotisations, et des pensions de retraite.
La Sécurité sociale et le régime des retraites par répartition ont un statut particulier, qui les distingue des services publics. Ils s’inspirent des formes de solidarité créées par la classe ouvrière pour défendre ses droits face au patronat, comme la collecte des fonds pour les ouvriers en grève et leur famille à une époque où les conditions de travail étaient très rudes. Mais cette solidarité va bien au-delà des grèves, elle se multiplie dans des sociétés de secours mutuelles, des coopératives de production et de consommation, des caisses de prêt solidaire, gérées en auto-gestion… Les syndicats à la fin du 19ème siècle, apportaient aide et protection : en échange de leurs cotisations, les militants recevaient des secours en cas de chômage ou de maladie, mais aussi lorsqu’ils devaient se déplacer pour aller chercher du travail. La société d’entraide à laquelle nous aspirons c’est renouer avec le droit à la paresse conceptualisé par Paul Lafargue, comme les œuvres de Pierre Kropotkine.
10°La contre-réforme des retraites s’attaque au lien social.
Les jeunes retraitées et retraités sont aujourd’hui les agents les plus actifs du mouvement associatif et participent au lien social d’une façon essentielle. Grâce à elles et eux nombre d’activités socialement utiles permettent d’assumer des missions essentielles délaissées par l’État qui affaiblit les services publics et diminue les subventions aux associations. Nous devons privilégier les ingrédients du bien vivre des retraités dans une société soutenable. S’agissant par exemple du « grand âge », l’association « Babayagas » milite pour des modes de vie fondés sur quatre piliers, qui sont leurs « produits de haute nécessité » : autogestion, solidarité, citoyenneté et écologie. Se libérer du temps, c’est cuisiner, réparer, s’entraider, s’instruire, faire soi-même plutôt que d’acheter, bouger, prendre soin de soi et de ses relations, donner du temps dans une association, se mobiliser… Ces activités, typiques des retraitées (encore en bonne santé ), restent à peu près inaccessibles aux travailleurs et travailleuses. C’est aussi le cas de la grande dépendance pour le quatrième âge. Aujourd’hui ce sont les jeunes retraités qui s’occupent de plus en plus de leurs parents âgés et dépendants. Le gouvernement Macron avait promis une loi à ce sujet. Il a préféré allonger la durée du travail pour les jeunes retraités.
Mais le lien social c’est aussi la préservation du patrimoine culturel au sens large. Les savoirs faire, l’ensemble d’expériences sociales et culturelles, les cultures populaires, qui mieux que les retraités peuvent les transmettre ? Si les salarié-e-s travaillent jusqu’à la mort, tout cet écosystème culturel disparaitra avec elles et eux.
11 ° Pour financer les retraites, il y a des solutions écologiques et sociales et démocratiques
Les possibilités de financement ne manquent pas encore faut-il en avoir la volonté politique :
Réfléchir à la fois au financement des pensions et à celui de services collectifs gratuits ou fortement subventionnés, publics ou associatifs, dédiés à l’amélioration de la qualité de vie des seniors et à leurs activités dans la cité, ce qui serait décisif pour les personnes à revenus modestes
Augmenter les salaires, à commencer par ceux de femmes. Réfléchir à un revenu maximum pour tous les citoyens, actifs ou retraités, défini comme multiple raisonnable d’un revenu minimum décent pour en finir avec la pauvreté monétaire, dont celle des seniors). Ce serait économiquement, socialement, et écologiquement efficace.
Revenir sur les exonérations de cotisations patronales, constantes depuis les années 1980 et si besoin, les augmenter en les modulant en fonction de l’importance des entreprises , de leur prises en compte de l’égalité salariale hommes femmes, de l’emploi des seniors et du respect des engagements suite aux subventions publiques…
Faire contribuer les revenus financiers du capital, majoritairement pour financer les retraites du public en veillant ainsi à s’opposer au contrôle étatique sur la retraite par répartition du privé.
Remettre la démocratie au centre du système de retraites par répartition pour que les intéressés eux-mêmes, maîtrisent la gestion d’un système devenu technocratique et opaque. Revenir à la gestion par les syndicats telle que prévue par la CGT en 43 et refusée par De Gaulle.
Relocaliser notre économie, créer des nouveaux emplois durables, respectueux de l’environnement et de la planète, qui correspondent aux nouveaux besoins de solidarité. Former les employé-e-s et technicien-ne-s spécialisé-e-s dans les industries polluantes à de nouvelles technologies et activités non-polluantes. Créer plus d’emplois en gaspillant moins, c’est possible : par la transformation écologique de l’économie.
Investir massivement dans le logement, en particulier dans les économies d’énergie (ce qui ferait baisser les dépenses de chauffage) ; dans les transports en commun et les modes de circulation douce ; dans l’aide aux entreprises de l’économie solidaire, les TPE, l’artisanat et les réseaux de PME, plutôt que les multinationales.
Favoriser une agriculture paysanne de circuits courts, moins polluante, donc économe en énergie mais riche en emplois non délocalisables.
Développer les services publics utiles à la petite enfance et aux personnes âgées.
Conclusion : « fin du monde, fin du mois, même combat » : La lutte pour les retraites est une lutte éco sociale
Le prétendu sauvetage du système de retraites est un prétexte pour financer l’augmentation colossale des budgets militaires, des baisses d’impôts de Macron et remplir ses engagements européens. Le gouvernement s’est engagé, dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne, à limiter la croissance des dépenses publiques à 0,6 % en volume sur la période 2022-2027. C’est donc en réalité l’obligation de limiter la hausse des dépenses publiques en général qui conduit à la « nécessité » de limiter la hausse des dépenses de retraites, et donc à engager une telle réforme. Mais c’est aussi la méthode imposée par ce gouvernement qui doit faire réagir. Ce régime est de plus en plus libéral autoritaire. Il impose ses contre-réformes à 80 % de la population. Cet austéritarisme se voit dans les luttes sociales et écolo comme récemment dans les manifestations contre les Mégabassines et la répression qui a suivi, avec menace de dissolution des Soulèvement de la Terre. Faire reculer ce gouvernement sur les retraites, c’est renforcer les luttes sur tous ces fronts. Face à cette contre-réforme injuste, inégalitaire et brutale contre les classes populaires et moyennes, on peut reprendre le slogan emblématique « fin du monde, fin du mois », du mouvement climat et des Gilets jaunes contre le clivage intergénérationnel, contre le clivage social. L’urgence en défendant nos retraites, c’est que tout le monde puisse se nourrir, se chauffer, se déplacer, se loger, se soigner. Mais c’est aussi d’empêcher la logique productiviste qui conditionne cette « réforme » : détruire le vivant en augmentant les pollutions, et les catastrophes liées au changement climatique. À court terme, il s’agit de se battre pour le retrait de la réforme. Se battre dans la rue, mais aussi se donner des espaces de discussion, d’invention et de transformation : c’est ainsi que l’on pourra redonner à la protection sociale son caractère démocratique et populaire. Pour cela, on ne peut que suggérer d’investir les places publiques, les bourses du travail, mais aussi directement les espaces de soin (hôpitaux, EPHAD, …) et de solidarité́. L’unité intersyndicale est un facteur de mobilisation, mais pas seulement avec des journées d’action sans même un plan d’action. Pour ce faire l’auto-organisation, les AG dans les entreprises et les services à travers les interpros, dans les quartiers et les villes, doit unir des forces des mouvements écolos et sociaux. Tou.tes ensemble, actifs-ves, retraité.es, lycéen.nes et étudiant.es, quartiers… peuvent construire la grève générale en mesure d’imposer le retrait de cette réforme et derrière les retraites à 60 ans maxi après 37, 5 annuités, et les revendications environnementalistes, comme sur les salaires, les services publics… Pour ce faire généralisons la grève reconductible, les blocages, les manifs, les actions de désobéissance civiles… Retraites et écologie même combat !